« La fin des subventions de l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) aux œuvres chrétiennes en faveur la jeunesse nous a fait prendre conscience que nous devions mieux communiquer, explique Michael Mutzner, le secrétaire général adjoint du Réseau évangélique suisse (RES). En particulier, que nous devions améliorer notre communication envers les personnes hors milieux chrétiens. »
Le résultat, c'est la Charte pour le service parmi les enfants et les jeunes (CCEJ) qui a été signée le 19 mai dernier à Berne par une douzaine d'organisations chrétiennes. Le texte, rédigé en allemand et en français, présente les objectifs, les méthodes et les principes de ces organisations. Il clarifie en particulier le rapport entre « activités jeunesse » et « évangélisation ».
Un moyen d'auto-évaluation
« En plus d'un travail de communication, cette Charte est un excellent outil d'auto-évaluation, précise Michael Mutzner. Avec la publication de ce document, notre but n'est pas tellement de recevoir à nouveau des subsides de l'OFAS, mais plutôt de progresser dans notre manière de travailler. » Supervisée par l’Alliance évangélique suisse, dont le RES est la composante francophone, la rédaction du texte a été accompagnée de consultations auprès de plusieurs experts, en particulier des juristes, des journalistes et des politiciens.
La CCEJ rappelle d'abord le genre de relations qui unissent les œuvres signataires avec notre société : « Nos organisations sont attachées au principe du respect de l’Etat de droit et d’une société pluraliste. » La Charte reconnaît donc la primauté de la loi sur les autres principes et coutumes, ainsi que l'existence d'une diversité de religions en Suisse. « Nous ne faisons pas comme si tout le monde était chrétien », relève Michaël Mutzner. « Mais nous demandons aussi à être respectés sans discriminations, car nous faisons partie de cette pluralité », renchérit Patrick Gasser, directeur du Grain de blé Suisse.
Respecter la liberté de conscience
Le respect des convictions des enfants et des familles est clairement affirmé : « Nous respectons la liberté de conscience, de religion et d’expression des enfants et des jeunes dans toutes nos activités ». Cela signifie que l'annonce de l'Evangile doit être exempte de pressions morales, de pressions de groupe et de manipulations.
Dans de telles conditions, un appel à la conversion est-il encore acceptable ? « Oui, mais à condition qu'il laisse à l'enfant sa liberté », explique Michaël Mutzner. Patrick Gasser nuance : « Du côté du Grain de blé, nous n'avons pas attendu la Charte pour nous distancer de la pratique des appels. Nous devons agir avec délicatesse. Par exemple, bien accueillir les enfants de familles musulmanes dans nos camps ne consiste pas seulement à leur épargner le porc, mais surtout à ne pas les mettre en porte-à-faux avec leur famille. »
Dans une société mal à l'aise par rapport au religieux, la Charte insiste sur l'importance de reconnaître la composante spirituelle de l'être humain : « Nous sommes convaincues que le fait de thématiser les questions concernant la foi et le sens de la vie répond à un besoin fondamental des enfants et des jeunes. »
Une approche globale de la personne
« Nous avons compris que notre mission ne se limite pas à la dimensions spirituelle, relève Michaël Mutzner. Les camps ne sont pas des prétextes pour convertir les enfants. Mais proposer une réponse est une valeur ajoutée des camps chrétiens. » Derrière cette pratique se trouve l'idée que les convictions – y compris religieuses – ne se construisent par à partir du néant, mais à partir d'opinions adoptées ou rejetées.
Le respect et la protection de la nature font l'objet d'un paragraphe. Cela n'a rien d'un effet de mode, mais correspond à une vieille tradition des organisations chrétiennes en faveur des jeunes. En effet, nombre d'entre-elles proposent des activités proches du scoutisme, surtout en Suisse allemande.
Garantir l'application de la Charte
Afin de garantir une réelle crédibilité à cette Charte, les organisations qui désirent y adhérer devront la signer chaque année et s'engager à la mettre en œuvre dans l'ensemble de leurs activités. Ainsi, en mai dernier, la Ligue pour la lecture de la Bible a présenté la CCEJ aux personnes qui dirigent des camps cet été.
Le Réseau jeunesse de l'Alliance évangélique de Suisse allemande a reçu le mandat de recueillir les engagements signés et, éventuellement, de proposer l'exclusion d'organisations qui ne respecteraient pas la Charte après l'avoir signée. « Mais il n'y aura pas de vérifications systématiques, relève Michael Mutzner. Nous prendrons des mesures si nous apprenons qu'une organisation ne respecte pas ses engagements. »
Un sondage commandé par le Réseau évangélique suisse au début de l’année montre l’importance que la population suisse accorde aux camps chrétiens. En effet, 45 % des parents interrogés, lorsqu'ils ont déjà envoyé leurs enfants dans des camps, affirment opter pour des camps chrétiens si l’occasion se présente. La Charte devrait renforcer cette confiance.
Claude-Alain Baehler