La théologie de la prospérité date des années 1960 et provient des États-Unis. Selon cette théologie, les chrétiens reçoivent, en plus du salut en Jésus-Christ, la richesse, la santé et le succès... pour autant qu'ils mettent leur foi en action ! Quelques personnalités de ce mouvement sont bien connues, comme par exemple Kenneth Hagin (fondateur de « Rhema ») et Joyce Meyer (« Hand of Hope »).
La prospérité : une corde à trois brins
Pour les théologiens de la prospérité, celle-ci ressemble à une corde dont les trois brins sont : le pardon des péchés, la santé et la richesse. Certains y ajoutent la libération des forces démoniaques.
Étant donné que Jésus a porté nos maladies (Es 53.5), le croyant doit proclamer par la foi sa guérison, comme une réalité immédiate qui lui appartient. Le croyant reçoit des richesses matérielles en compensation des dons qu'il fait, car « celui qui sème abondamment moissonnera abondamment » (2 Co 9.6b). La bénédiction est donc à la mesure de la foi de chacun.
Le croyant rempli de foi peut expérimenter la maladie et la pauvreté. Dans ce cas, il est appelé à prendre autorité, afin de chasser les puissances démoniaques qui entravent les bénédictions. En proclamant la victoire par la foi, le croyant libère la puissance créatrice de Dieu qui lui permet d'obtenir tous les bienfaits liés au salut.
Péché et salut
Pour la théologie de la prospérité, le péché est une perte. Il fait perdre à l'homme sa nature divine qui lui donnait autorité sur le monde et la création. À cause du péché, tous les humains subissent la mort spirituelle et héritent de la nature de Satan. Le salut en Jésus-Christ permet à l'homme de retrouver sa nature divine et toutes les prérogatives qui s'y rattachent.
La maladie a des racines spirituelles. Elle découle souvent de péchés personnels ou familiaux. Étant donné que le salut en Jésus-Christ délivre du péché, il délivre aussi de toute maladie.
La théologie de la prospérité comprend le péché avant tout comme une nature qu'on hérite de Satan. Le remède que Jésus-Christ apporte doit donc passer par un changement de nature. Jésus est devenu pécheur à la croix, c'est-à-dire une créature satanique. Il a subi la mort spirituelle en enfer, pendant ses trois jours passés au tombeau. La croix a été une défaite. Mais Jésus est ressuscité : il a vécu une nouvelle naissance. C'est en subissant la mort spirituelle et en étant régénéré que Jésus-Christ nous ouvre l'accès au salut.
Évaluation du CNEF
Un système à sens unique
Pour le CNEF, la théologie de la prospérité est un système « à sens unique ». Tout chrétien possède la prospérité physique et financière. Ces bénédictions doivent se réaliser. Si tel n'est pas le cas, le problème est du côté des croyants : ils manquent de foi ou de persévérance. Aucune remise en question du système n'est donc possible.
Or en réalité, de nombreux fidèles n'obtiennent pas, ici-bas, la richesse et la guérison (Hé 11.36-40). Le Nouveau Testament décrit le temps présent comme une réalité intermédiaire : déjà le Royaume de Dieu s'est approché en Jésus-Christ, mais le retour du Seigneur en gloire n'est pas encore là... Le croyant doit accepter de vivre en tension, entre le « déjà » et le « pas encore » ! Nier cette tension, c'est céder à une « théologie de la gloire » que Paul dénonce chez les Corinthiens : « Déjà vous êtes rassasiés, déjà vous êtes riches, vous avez commencé à régner sans nous... » (1 Co 4.8).
Le CNEF dénonce aussi une certaine pensée magique, avec ses formules et rites censés agir par eux-mêmes, de façon automatique : il faut prier avec foi, en ayant l'assurance d'obtenir les bénédictions, sinon on ne les reçoit pas.
Certains théologiens de la prospérité ont reçu des révélations. Ils les érigent comme des lois surpassant l'Écriture, ce qui, à leurs yeux, rend leur système indiscutable.
Des échanges de nature ?
Les théologiens de la prospérité prétendent que lors de la chute, l'être humain aurait échangé sa nature contre celle de Satan. De même, Jésus serait devenu pécheur à la croix et aurait lui aussi endossé une nature satanique, ce que l'Écriture réfute (Gn 9.6 ; Jc 3.9). De telles affirmations surestiment le péché qui aurait eu le pouvoir d'anéantir la création de Dieu.
De plus, le pouvoir de Satan est survalorisé, car si le diable est le prince de ce monde, ce n'est que par usurpation et de façon temporaire. Il reste malgré tout sous le pouvoir de Dieu. À la croix, Jésus n'a pas changé de nature, mais s'est offert en sacrifice pour porter nos péchés. Il est resté entièrement pur, sans faute (1 Pi 1.19 ; 3.18). Sa mort sur la croix est une victoire (Col 2.13-15 ; Hé 2.14). Et il n'a pas subi les souffrances et la mort spirituelle en enfer (Lc 23.43).
L'homme exalté
Selon la théologie de la prospérité, en Christ, l'être humain peut à nouveau changer de nature, en devenant une créature divine. Mais cette idée n'a pas d'appui biblique[2]. La capacité des croyants à pécher est ainsi sous-estimée. Le seul péché notoire serait de ne pas assez croire en la possession des bénédictions divines. Or le Nouveau Testament ne cache pas la lutte que le croyant doit encore mener contre le mal provenant de la convoitise de son cœur.
Certains théologiens de la prospérité utilisent le mot « spirituel » pour parler aussi bien des capacités de l'esprit humain que de l'Esprit de Dieu. Cette ambivalence permet d'exalter l'homme qui devient un petit dieu rempli d'autorité pour proclamer la prospérité, tandis que Dieu serait à son service pour exécuter ses paroles...
La maladie
Une fois le mal entré dans le monde, la maladie a fait des ravages. Le croyant participe à ce monde déchu et expérimente ainsi la maladie. Mais celle-ci n'est généralement pas la conséquence directe d'un péché personnel ou familial (Jn 9.1-7). L'Écriture n'enseigne pas que toute maladie aurait des racines spirituelles qu'il faudrait connaître pour recevoir la guérison. La maladie apparaît plutôt comme l'un des aspects de la condition humaine. Il est bon d'intercéder pour les malades (Jc 5.15), mais la guérison divine n'est jamais quelque chose d'automatique.
La foi
La foi prend son sens dans une relation d'amour avec Dieu. Or la théologie de la prospérité invite à croire plutôt dans la prière de foi que dans le Seigneur. La foi posséderait en elle-même la clé de son efficacité et devrait forcément obtenir des bénédictions, ce qui tend à manipuler Dieu, en lui ôtant sa liberté. « Typiquement, dès qu'une formule ou une démarche possède en elle-même son efficacité, ou la puissance de mouvoir les forces divines, elle s'apparente à une pensée magique, alors que la prière biblique se vit dans la relation, la confiance, la soumission à Dieu et l'attente de son action » (p. 25).
La prospérité selon la Bible
La théologie de la prospérité dépeint un Dieu généreux et bon qui donnerait « tout, tout de suite » à ses enfants. La Bible affirme à de nombreuses reprises que Dieu est riche en bonté. Mais elle montre aussi que les croyants doivent faire face à diverses épreuves, privations et tentations, au travers desquelles ils grandissent dans la foi. Le croyant n'apprend pas l'humilité, la foi, l'espérance et l'amour au travers de la facilité, mais en empruntant un chemin de sanctification voulu par Dieu (1 Th 4.3). D'ailleurs, Jésus a souffert, il a vécu de nombreuses privations et a connu l'échec de sa prédication.
Les théologiens de la prospérité unissent, sous un seul et même label, la prospérité matérielle, physique et spirituelle. Ainsi, ce qui est dit de la richesse vaut aussi pour la guérison et le salut... ce qui crée un amalgame non biblique. Jésus a certes accordé la guérison à de nombreuses personnes, mais il n'a pas garni leur compte en banque pour autant ! Il les a mises en garde contre le danger des richesses de ce monde... et les a appelées à thésauriser pour le Royaume de Dieu (Mt 6.19-21) !
Les théologiens de la prospérité estiment que la bénédiction d'Abraham concerne aussi les richesses matérielles. Or l'apôtre Paul définit cette bénédiction en termes de justice, obtenue par la foi en Jésus-Christ (Ga 3.8), sans l'élargir à une prospérité matérielle ou physique. Le croyant est surtout appelé à vivre dans le contentement et la sobriété (Ph 4.11-13 ; 1 Th 5.8).
En encourageant les Corinthiens à semer abondamment (2 Co 9.6), Paul ne les invite pas à calculer la quantité de semence, mais à faire un don gratuit, sans attendre en retour... sinon il s'agirait d'un investissement ! La récolte est pour la gloire de Dieu qui, dans sa grâce, saura aussi nous combler généreusement (Hé 6.10-12).
Un texte à lire !
Ce document du CNEF nous offre une mise en garde salutaire sur les dérives de la théologie de la prospérité. Les textes bibliques fréquemment cités par les théologiens de la prospérité sont replacés dans leur contexte, afin de bien les comprendre, selon l'analogie de la foi. Les interprétations données par le CNEF sont édifiantes et dignes d'une saine théologie évangélique !
Les citations d'une quinzaine de théologiens de la prospérité ajoutées en annexe montrent que le CNEF a réalisé de nombreuses lectures, afin de nous livrer une prise de position bien argumentée... qui vaut le détour !
Pour la Commission théologique,
Anne-Catherine Piguet
[1] COLLECTIF, La théologie de la prospérité - Les textes du CNEF, Bagneux, BLF Europe, 2012, 64 pages.
[2] Comme le CNEF l'explique, « 2 Pi 1.4 est le seul texte dans l'Écriture qui parle d'une participation du croyant à la nature divine. Le contexte montre clairement dans quel sens il faut comprendre cette affirmation : notre caractère et notre conduite doivent refléter le caractère de Dieu. Il s'agit donc d'une ressemblance sur le plan moral et non d'une participation à l'essence même de Dieu » (p. 21).