« Nous avons pris du retard dans le domaine écologique, nous, les chrétiens. Mais nous disposons de la plus grande ONG du monde : l’Eglise ! Il s’agit aujourd’hui d’y propager une sensibilisation à l’environnement et de former les gens dans les problématiques qui lui sont liées. C’est notre responsabilité. »
Peter Harris exprime par ces mots la stratégie de réveil que l’association de protection de la nature A Rocha entend développer en matière d’environnement. Rencontré le 12 juin dans le tout nouveau centre des Courmettes, dans le sud de la France près de Nice, il explique que la nature et sa préservation sont étroitement liées à la pauvreté qui sévit notamment dans les pays du Sud. « Le manque d’eau potable, le manque de bois sont dramatiques suivant les régions du monde, et contribuent à la pauvreté des gens. Un dénuement accentué par le consumérisme des pays riches qui leur arrachent leurs ressources. Et la pauvreté provoque elle-même des problèmes écologiques quand les plus démunis attaquent les forêts, par exemple pour survivre. »
Touché par ces problématiques, ce pasteur anglican qui a toujours eu une passion pour la nature et les oiseaux a fondé l’association A Rocha (en français : le rocher) dans les années 80 au Portugal. « Le nom de notre association parle de cette base, le rocher, qui est Jésus-Christ pour nous chrétiens. Nous croyons que Dieu a placé la nature entre nos mains pour que nous nous en occupions. L’Evangile propose trois restaurations : celle de nos relations avec le Christ, celle de nos relations entre les humains, puis celle de nos relations avec la création. L’Eglise a souvent oublié cette dernière qui est pourtant essentielle. »
Un centre international
Le domaine des Courmettes, dont A Rocha est gestionnaire depuis peu, s’étend sur 600 hectares au nord de Nice sur la première colline, de 450 à 1200 mètres d’altitude. C’est là que l’association est en train de créer son centre international pour l’éducation, la sensibilisation et la formation à l’environnement. Son tout nouveau directeur, Jean-François Mouhot, est Docteur en histoire, spécialisé en environnement. Il emmène les visiteurs du jour dans une promenade en boucle qui permet de découvrir des chênes millénaires. « Cet endroit s’appelle le balcon de la Côte d’Azur, explique-t-il. La vigie des pompiers est établie ici pour surveiller les départs de feux. On est à la fois près de Nice, de Cannes et d’Antibes. » A cette époque de l’année, les genêts sont en fleur. Des Pouillots de Bonelli et autres oiseaux virevoltent dans les arbres et le ciel. La balade, dépaysante, ramène les intéressés à leur point de départ, dans la maison centrale de pierres claires, moyennant une heure de marche. Venu pour trois jours d’Angleterre, Peter Harris, 62 ans, y explique tour à tour la genèse et les objectifs de l’association. Selon lui, les Eglises ont longtemps mobilisé la Bible pour leurs préoccupations au lieu de se soumettre au texte : « On a souvent voulu que Dieu nous soutienne dans notre projet de domination, d’enrichissement personnel en dépit de la création. Mais l’exégèse ne soutient pas cela », commente-t-il, en soulignant que le Dieu qui a créé avec autant d’amour ce qui nous entoure ne donne jamais l’autorisation de détruire... « On a souvent considéré que l’être humain était indépendant de la création, continue-t-il. Or écologistes comme chrétiens se rendent compte aujourd’hui que la présence humaine est déterminante : toute la planète change en fonction de l’action de l’homme. La question pour les chrétiens est dès lors de savoir s’ils veulent vivre de façon cohérente avec leur créateur ou non. »
Transformation culturelle et spirituelle
L’association A Rocha s’affiche clairement chrétienne évangélique. « C’est notre identité. La Bible est notre inspiration. Et l’on croit profondément en la transformation de la vie par Jésus-Christ, ce qui est d’ailleurs à notre avis l’unique espoir pour l’environnement. » Et Peter Harris de citer Gus Speth, professeur à Yale et ancien conseiller du président Clinton pour le changement climatique, qui dit que « les principaux problèmes environnementaux sont l’égoïsme, l’avidité et l’apathie ; et pour faire face à ceux-ci, nous avons besoin d’une transformation culturelle et spirituelle. » Si on dresse enfin une carte de la présence des chrétiens dans le monde et qu’on la superpose avec une autre qui présente la biodiversité, on voit que les évangéliques sont très présents dans les pays du Sud. Or ceux-ci sont très sensibles sur le plan de l’environnement, comme le Brésil ou la Papouasie. « D’où l’intérêt de travailler avec les Eglises », commente Peter Harris, pour qui l’approche chrétienne non seulement est des plus cohérentes, mais contient aussi l’espérance d’un monde meilleur par Jésus-Christ.
Gabrielle Desarzens
Membre notamment du WWF ou de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) à Gland, A Rocha compte des antennes dans 20 pays, dont la Suisse. Une trentaine d’autres antennes pourraient voir le jour dans d’autres pays.