Partir en Algérie provoque en moi deux sentiments contradictoires : d'un côté l'excitation de la découverte, de la nouveauté, de la rencontre des amis de mon mari. De l'autre une appréhension, une crainte justement de cette nouveauté. En plus, anxiété d'être dans un pays où règne l'islam, où propager la foi en Christ est "illicite". Dans l'avion qui nous emmène vers Alger, avec ces deux sentiments cohabitent aussi ma prière, ma foi, ma sécurité en Jésus.
Pluies et froid sur Alger. On ne s'y attendait pas, et le nouvel aéroport international ne dit pas encore que nous sommes dans un pays du Maghreb. Ce n'est qu'en prenant le vol pour Oran que je réalise que nous sommes en Afrique du Nord. Accueillis à l'aéroport par deux amis, nous longeons d'abord une corniche pittoresque dans une lumière d'ocre et de rose, à faire rêver les peintres.
La force de la louange
Ce vendredi, nous rejoignons une communauté évangélique pour le culte hebdomadaire. Au fond d'une cour intérieure, la louange nous accueille. Louange en kabyle, en arabe, en français, en langues des anges sûrement ! Spontanément et joyeusement entraînée dans cette louange, je réalise avec émotion que ceux qui m'entourent sont mes frères, mes soeurs : communion, universalité d'une foi en Christ...c'est beau, c'est bon ! Les chants, d'une ferveur intense, semblent vouloir traverser les murs, le préau, la cour pour proclamer Celui qui les a délivrés.
La prédication d'un frère tunisien nous parle de la Parole de Dieu, miroir qui nous dit Dieu, Sa volonté, Son plan, Son amour. Parole de Dieu qui dit l'homme, qui nous dit le regard de Dieu sur l'homme. Il nous invite à ne pas la retenir, mais à la donner largement. Puis vient l'intercession. On se lève, le pasteur présente un sujet, prie d'une voix forte, et chacun prie dans sa langue maternelle, avec ses mots. Une force tangible se dégage. Assis...debout... une bonne dizaine de fois, mais quel apprentissage de foi et d’espérance !
La force des ondes
Un grand nombre de participants a entendu parler de l'Evangile par un voisin, un frère, ou un cousin. Plusieurs l'ont entendu grâce à la Radio. Ils ont été intéressés, ont téléphoné et parlé avec le producteur. Ensuite, ils ont reçu un Evangile dans leur langue et ont été encouragés à rejoindre une Eglise ou un groupe de leur bled ou de leur quartier.
Un homme qui s'est converti récemment a témoigné que lorsqu'il a annoncé sa conversion à sa femme, issue de famille assez aisée, elle l'a mis à la porte et lui a interdit de voir ses six enfants. Pour lui, le dilemme était grand, mais il a choisi de suivre Jésus.
Des regards de femmes.
Sa (nom d'emprunt), a trouvé le Christ et veut lui donner sa vie entière, mais elle sait que son père l'en empêchera. Alors, elle choisit de ne rien lui dire pour l'instant. Son père est souvent violent avec elle et sa soeur, mais elle se sent protégée par la présence du Christ à ses côtés. Ignorant qu'elle est fiancée à un chrétien, son père veut seulement qu'elle se comporte selon sa culture : une femme doit rentrer avant le coucher du soleil à la maison. Quand elle sera mariée, soit quand ils auront assez d'argent pour acheter un appartement, elle sera sous la protection de son mari. Alors elle parlera à son père de sa conversion.
Une autre jeune femme m'a raconté comment sa conversion a radicalement changé sa vie. Très souvent malade, elle a vu, sous la forme d'une lumière, une apparition de Jésus-Christ, qui l'a guérie. Elle en a parlé à ses parents qui, témoins du changement miraculeux chez leur fille, se sont convertis, ainsi que plusieurs de ses frères et soeurs. Ils lui ont seulement demandé de ne pas trop l'ébruiter au village.
Une troisième m'a raconté que devenue chrétienne, elle a voulu mettre ses compétences d'ingénieur en informatique au service de l'Eglise. Mais elle aussi, jeune femme vive et intelligente doit, malgré ses 25 ans, toujours se soumettre aux lois familiales.
Ces quelques exemples pour dire combien j'ai été impressionnée par la maturité de la foi de ces femmes, par leur détermination à suivre le Christ, par leur beauté et leur vivacité d'esprit.
Une Eglise kabyle en Algérie.
Il semble qu'un premier réveil spirituel se soit réalisé dans les années 1980, en même temps que les premières émissions radio diffusant la Parole de Dieu en kabyle. En 1992-93, pendant la période de guerre civile, de massacres et d'intenses turbulences, l'église kabyle s'est fortifiée. La formation des pasteurs et des diacres permet aujourd'hui à ces communautés d'accueillir les nouvelles personnes qui arrivent chaque jour à leur porte. La possibilité de lire la Bible dans leur langue maternelle est cruciale pour leur développement, de même que de pouvoir chanter dans leur langue et avec leur rythme. Certes, comme partout, cette Eglise souffre parfois de prise de pouvoir et de manque de dialogue, mais elle développe l'amour du prochain, le sens du pardon et compte sur le Saint-Esprit pour grandir et s'affermir.
Cinq fois par jour, la voix du muezzin nous rappelle que c'est dans le contexte difficile d'une terre d'Islam que cette Eglise se construit. La nouvelle loi gouvernementale reconnaît la liberté de religion. Mais elle précise que la foi chrétienne ne doit pas être propagée, sous peine de sanctions très dures, voire à l'emprisonnement jusqu'à 30 ans. Une avocate nous raconte comment elle avait plaidé pour un chrétien qui voulait appeler son fils Augustin. Mais sans succès, car pour pouvoir l'appeler ainsi, il fallait au préalable les certificats de baptême du père et de la mère.
Dans l'avion qui me ramène en Suisse, je lie contact avec une jeune femme musulmane qui vit à Genève depuis six ans et qui se dit pratiquante. D'un milieu ouvert, elle me parle librement du Coran. A mon tour, je lui parle librement de Jésus, et de cette Eglise kabyle qui m'a fortement impressionnée…
R.