« Souvent, nous prenons les choses à l'envers, explique Reto Lampert, délégué avec son épouse Barbara du Service de mission et d'entraide (SME) auprès du Centre évangélique culturel et de formations polytechniques Al Tatawwur, à Bitkine, au Tchad. On lance un projet missionnaire ou de développement sans savoir à quel moment il prendra fin. Et, généralement, c'est un responsable des finances qui finit par imposer la fin. »
Le projet de développement de Bitkine a été conçu par l'Eglise locale des Assemblées évangéliques du Tchad. La demande est parvenue en Suisse par le biais de la Mission évangélique au Tchad. « L'Eglise a donc choisi neuf personnes pour constituer le conseil d'administration, dont nous les deux expatriés, ajoute Reto Lampert. Avec ce conseil d'administration nous avons mis en place les objectifs et les priorités du projet de formation au travers de ce centre. » Tout au long du projet, l'engagement du personnel, des collaborateurs et les options stratégiques ont été décidés dans le cadre de ce conseil, avec justement le but qu'il devienne autonome, tout en restant proche d'une Eglise locale. Dans un premier temps, la présence des expatriés venus de Suisse, en collaboration avec la population et l’Eglise locale, a permis de rendre plus crédible le projet. Une étape de transition vers l'autonomisation a été annoncée clairement dés le début de l’arrivée des envoyés suisses, en préparant les frères et soeurs sur place à anticiper des étapes du projet pour aboutir à une suite appelée « appui à l'autonomisation ». Durant celle-ci, la gestion du projet a été transmise à une équipe indigène. Maintenant s'ouvre une troisième étape caractérisée par une collaboration entre partenaires égaux.
« Lorsque nous concevons un tel projet, nous pensons déjà à la relève, souligne Barbara Lampert. De plus, nous déterminons à l'avance le temps dévolu à chaque étape. Par exemple, avec le projet de Bitkine, nous nous sommes donnés quatre ans avant que celui-ci soit repris par l’Eglise locale. »
Quelques principes à suivre
En plus d'un calendrier, Barbara et Reto Lampert ont suivi quelques principes importants.
– Avec toujours le soutien du conseil d'administration, ils ont suggéré et accepté des propositions d'engagement de collaborateurs locaux au sein de l'équipe des enseignants et du conseil d'administration. Ce travail d'équipe a permis aux gens de Bitkine de s'approprier le projet. Cette manière de procéder était nouvelle pour l’Eglise locale, et il a fallu prendre le temps d'en expliquer les avantages.
– Ils ont privilégié le dialogue. « Nous avons veillé à harmoniser nos valeurs et notre vision entre collaborateurs indigènes et expatriés, commente Reto. C'est une base indispensable si nous voulons que le projet perdure, tant d'un point de vue technique que dans l'état d'esprit. »
– Ils ont été attentifs au fait que le projet devait rester simple, dans ses objectifs comme dans sa réalisation. « Les formations ne sont pas parfaites, reconnaît Reto. Il y a quelques manquements techniques. Mais il est important de faire avec les moyens disponibles sur place, quitte à introduire un principe d'amélioration progressive. »
– Ils ont développé une culture de la collaboration entre l’Eglise locale et les autorités politiques. « Il s'agit d'éviter le piège du paternalisme et de montrer que des Tchadiens sont véritablement en charge du projet », explique Reto.
– Ils ont aidé le centre à gagner en autonomie sur le plan financier. Cela passe par la recherche de nouveaux bailleurs de fonds, y compris auprès des autorités tchadiennes. En effet, le pays est pauvre, mais grâce au pétrole, il n'est pas démuni.
Aider un partenaire... indépendant
Le chemin vers l'autonomie d'un projet de développement tel que le Centre Al Tatawwur est d'abord technique, lié à son bon fonctionnement à long terme. Il n'implique pas forcément une autonomie financière complète. « Nous devons apprendre à appuyer de tels projets par objectifs, souligne Reto. Qu'ils soient financièrement indépendants ou non. »
Dans leur gestion du projet de Bitkine, Barbara et Reto Lampert sont heureux d'avoir été coachés par Anne Saugy, la secrétaire générale du SME. Cela leur a permis d'acquérir des compétences, de se poser les bonnes questions et de trouver la bonne distance avec ce centre qui a été un peu « leur bébé », mais qui est désormais adulte et autonome. Comme dans une famille !
Les sites du Service de missions et d'entraide et du Centre évangélique culturel et de formations polytechniques Al Tatawwur.