L'Eglise a tendance à penser qu'elle peut mettre le même message sur n'importe quel support numérique. Par le passé, elle avait principalement à disposition la page imprimée et, de ce fait effectivement, le même texte pouvait se retrouver soit dans un livre, soit dans un magazine ou sur un tract d'évangélisation. Or, avec les réseaux sociaux, ce n'est plus pareil. Le tableau ci-dessous décrypte un peu les particularités de chaque réseau. Il est clair que vous pouvez mettre sur Facebook un texte de réflexion, mais l'utilisateur ne vient pas sur Facebook pour se documenter ou se former, il y vient pour « papoter ».
Pour rendre mon analyse plus concrète, je vous propose de prendre comme thème la prière. Il s'agit par cet exemple de montrer comment traiter de la prière en fonction de la culture, du langage et de la logique propres à chacun des réseaux que l'on utilise. Pour être performant, vous devez respecter la logique du support. Il importe donc de réfléchir au réseau qui va le mieux servir les intérêts d'une Eglise locale.
Ce qu'il faut aussi savoir, c'est que les réseaux sociaux sont interconnectés. On pourrait cloisonner les prestations. Une prestation spécifique par réseau: le clip vidéo sur Youtube, la photo sur Instagram, etc. Or, vous pouvez intégrer un clip vidéo mis sur Youtube dans une page Facebook ou faire reproduire un « tweet » de Twitter sur Facebook. Pourtant, il faut toujours faire attention à la pertinence du réseau cible. Un clip sur Youtube d'une durée de 45 minutes ne se met pas sur Facebook. Par contre un tweet peut signaler le clip de 45 minutes sur Youtube.
Les réseaux sociaux sont-ils performants pour l'Eglise locale ?
La question de la pertinence des réseaux sociaux pour l'Eglise locale vaut la peine d'être posée. Personnellement, je ne suis pas sûr qu'il soit nécessaire à une Eglise locale d'être présente sur tous les réseaux sociaux. Méfiez-vous de certains prestataires de service commerciaux ! Ils vont toujours vous pousser à investir dans leur réseau... c'est leur gagne-pain ! N'hésitez pas à vous poser la question de la rentabilité effective. Les utilisateurs de tel ou tel réseau se retrouvent-ils dans ma communauté ? Si oui, entrez dans leur réseau. Sinon, laissez tomber ! Autre question à se poser : les activités de votre communauté fonctionnent-elles dans la logique du réseau ? Je prends un exemple. Vous ouvrez une chaîne sur Youtube pour y mettre un clip d'évangélisation en pensant que des personnes vont rejoindre votre communauté ou au moins venir à un culte. Peut-être le feront-elles... mais si dans vos cultes vous ne projetez jamais de clips vidéo, vous risquez de ne plus revoir ces personnes. Ces dernières viennent d'un monde culturel où l'image animée joue un rôle fondamental et vous, vous les immergez dans un autre type de culture. Un peu comme si vous filmiez un rappeur pour votre chaîne Youtube et que, lorsque le rappeur se « pointe », on lui fait chanter des chants du XIXe siècle.
A mon avis, voici par ordre d'importance décroissante les réseaux les plus intéressants pour une Eglise locale :
1. Youtube
2. Twitter
3. Pinterest
4. Facebook
Youtube, Dailymotion ou Viméo sont des outils de travail pour l'avenir. Nos paroissiens lisent de moins en moins et Youtube va devenir un support de formation incontournable, à l'image des MOOC (Massive Open Online Course) ou des FLOTS (formation en ligne ouverte à tous). Ça vaut le coup de se former ou de lancer des formations internes à l'Eglise pour maîtriser la réalisation technique et surtout réfléchir au contenu.
Twitter permet une diffusion rapide d'une information à valeur ajoutée. C'est plus un outil d'information rapide pour des personnes ou des professionnels qui veulent être au courant de ce qui se passe. Un journaliste d'un média local : radio, télé, journal... pourrait être intéressé par ce qui se passe dans votre Eglise. Dans ce cas, c'est à vous de contacter le journaliste et de lui présenter votre compte Twitter.
Pinterest est vraiment intéressant pour les personnes en recherche de solutions pratiques, de tuyaux ou d'idées. Ce n'est pas un support pour diffuser des concepts théologiques. Une mère de famille souhaitera peut-être trouver des idées pour occuper ses enfants pendant les vacances. Vous pouvez suggérer des jeux bibliques, des vidéos à connotation chrétienne, des idées de sortie, etc. Vous pourriez y mettre des idées d'animations bibliques. Attention ce réseau n'est pas adapté aux textes.
Facebook est pour moi le moins utile pour l'Eglise, à moins que les responsables (pasteurs, animateurs de jeunesse, etc.) veuillent s'impliquer dans la conversation communautaire d'un groupe social. Ça reste un support convivial, mais très superficiel. C'est un peu comme les conversations au coin d'une table de bistrot, entre deux stands d'un marché ou chez le coiffeur.
Pour ce qui est des autres réseaux mentionnés comme Instagram, Linkedin, Foursquare, Google+, ils sont moins importants pour l'Eglise locale.
Il me semble que nos communautés ne devraient pas trop s'investir directement dans les réseaux sociaux. Cela demande beaucoup de temps et d'énergie. Par contre, elles devraient investir dans chaque membre de la communauté, les encourager à se lancer et à y être actif en tant que chrétiens. A mon sens, l'Eglise locale devrait s'appuyer sur les chrétiens eux-mêmes. Avec l'Eglise institution, vous allez certes avoir un grand nombre de « follovers », mais, en faisant passer l'activité spirituelle online par chaque chrétien, vous multipliez les points de contact et d'accès à de nouvelles personnes. Il ne faudrait toutefois pas s'arrêter à ce stade. L'Eglise devrait former ses membres à utiliser les réseaux de manière efficace et pertinente. Le pasteur pourrait chercher des ressources pour les chrétiens de son Eglise et les leur proposer. Un peu comme un site mis au point par Campus pour Christ pour aider les chrétiens à mettre des choses intelligentes sur Facebook: http://www.yesheis.com/fr/
On pourrait même imaginer que le pasteur ou le prêtre organise au travers des implications web de ses membres de vraies campagnes d'évangélisation, de sensibilisation ou d'éducation. Par exemple pour Pâques, l'ensemble des membres d'une communauté pourrait mettre dans ses réseaux respectifs l'histoire biblique en clip vidéo pour enfants ou adultes:
http://youtu.be/NWqJop9xlK0?list=PL36E6CEFE0015C9F1 ou
http://youtu.be/mngaCTdIRj8?list=PLh0CLPSwjxqsR1-VdoxHHtXXs895lQ2ko
A leur tour, les réseaux nous changent
Les réseaux sociaux ne sont pas simplement des « tuyaux » de transport que l'on pourrait comparer à de la fibre optique qui transporte un message, mais ces réseaux demandent qu'en retour nous adaptions notre manière de penser, de nous réunir, de communiquer entre nous. Le réseau génère une mentalité qui devra se retrouver dans nos communautés. Traditionnellement nous considérons ces outils de communication comme des outils et non comme des facteurs de transformation. Nous restons toujours dans la logique protestante évangélique classique où nous sommes convaincus que nous transformons le monde par la pensée. La construction des autoroutes de l'information a plus contribué à changer notre société que les livres de théologie ou de philosophie. Donc, en conclusion, se familiariser avec les réseaux sociaux, c'est accepter d'être transformés de l'extérieur.
Henri Bacher
www.eglise-numerique.org