Une enfance tragique
Il y a la misère qui éclabousse au visage et celle — plus intime — qui ronge de l’intérieur. Un jour de trop et la vie de deux enfants bascule. «J’avais besoin d’aller faire pipi, la nuit. Pour cela, je devais sortir de la maison. Alors, j’ai voulu “réveiller” mes parents… », se souvient Vivian. Mais ses parents ne se réveilleront jamais : son père s’est suicidé après avoir assassiné sa mère. « J’avais neuf ans et ma sœur, à peine six », détaille-t-elle. De ses jeunes années, Vivian se rappelle qu’on l’emmenait à la mosquée pour les prières et la formation. Mais comme son père voyageait de temps en temps, sa mère permettait à ses deux fillettes de suivre le programme de parrainage de l’ONG Compassion trois ou quatre fois par semaine.
« Heureusement, elle pensait que c’était quelque chose de très important pour nous. Toutefois, il n’a pas été facile pour mon père d’accepter que je fréquente un lieu ecclésiastique. Il craignait que notre foi soit remplacée “de force” par le christianisme ».
Maltraitées puis recueillies
À la suite du drame familial, les deux fillettes sont placées chez une tante tout aussi pauvre que leurs parents, mais par ailleurs alcoolique et violente. Elles se couchent souvent le ventre vide. Parfois même, chassées de la maison, elles sont contraintes de dormir dehors. Bien que fréquentant le centre de développement — partenaire de Compassion — les fillettes retrouvent leur dure réalité, sitôt rentrées « à la maison ». Elles résistent trois ans. Jusqu’au jour où, n’y tenant plus, Vivian et sa sœur demandent de l’aide à leur voisinage pour qu’on les ramène au centre. Elles sont recueillies et prises en charge par deux femmes membres du personnel : une exception, puisqu’elles sont orphelines. Elles peuvent enfin grandir dans un milieu bienveillant et sécurisé.
Christ, Vivian et sa marraine
Vivian va à l’église tous les samedis pour chanter, prier et étudier la Bible. Les programmes de Compassion lui redonnent espoir et lui procurent une certaine paix et une force intérieure. Comme elle sait lire et écrire, elle peut correspondre avec sa « maman américaine », qui la parraine par le biais de l’ONG. Vivian lui confie les mauvais traitements reçus chez sa tante, les rejets, les années noires. Sa marraine lui assure que Dieu sait ce qu’elle endure et qu’il veille sur elle. Elles s’écrivent régulièrement, s’échangent des prières. Un lien fort se tisse entre les deux jusqu’à la majorité de Vivian. Par ailleurs, l’amour prodigué par le pasteur et les autres membres de l’église l’aident à développer sa foi : «Recevoir Jésus dans mon cœur a été ma décision personnelle. Il est devenu mon meilleur ami , confie-t-elle.
Délivrer son prochain de la misère
Vivian veut aider les autres. Elle est sélectionnée pour étudier les assurances sociales. Lorsqu’elle décroche sa licence universitaire, elle ne trouve pas d’emploi immédiat. Elle reprend contact avec les membres de sa famille à Arusha, qui l’avaient abandonnée auparavant. Beaucoup d’entre eux n’ont pas d’emploi ou vivent dans la rue. La jeune Tanzanienne décide alors de créer une petite entreprise ; elle déniche un local pour y préparer des plats simples à vendre au marché. Au bout de huit mois, le petit commerce « tourne ». Vivian obtient entre-temps un poste chez Compassion comme bénévole. Grâce à l’argent gagné, sa famille peut désormais louer une maison décente et sortir de la misère.
Formée par Compassion, Vivian coache durant huit ans de jeunes mères célibataires au sein de l’église. Elle les soutient dans la création de leur petite entreprise pour qu’elles puissent en vivre, prendre soin de leur enfant et habiter dans un logis salubre. La fraîche diplômée anime aussi des sessions pour les jeunes à l’église. À son tour, elle peut écouter, comprendre et soutenir des personnes en situation de détresse. Vingt ans ont passé depuis son arrivée au centre. C’est pourquoi, aujourd’hui, Vivian tient à témoigner sa reconnaissance et attester que tout est possible grâce aux parrainages de Compassion.
Pour que d’autres enfants réalisent leurs rêves
Indéniablement grandir et collaborer avec Compassion a été la chance de sa vie. « Non seulement l’institution aide matériellement, mais aussi spirituellement. Compassion est la meilleure organisation pour parrainer une personne ou pour changer sa vie en mieux », déclare-t-elle. D’ailleurs, Vivian est devenue à son tour marraine d’une petite fille de neuf ans, du Burkina Faso. Elle lui écrit en anglais et la fillette lui répond en français. Les services de l’ONG assurent la traduction et veille au contenu licite des missives, protection de l’enfance oblige. À la question de savoir comment elle se sent aujourd’hui, Vivian répond : «Je suis fière de moi et de ce que j’ai accompli. Et aussi d’être partie prenante dans la vie d’autrui pour améliorer ses conditions d’existence. Je suis reconnaissante de prendre la parole pour témoigner que Dieu est proche de nous et peut changer nos vies, notre destin.»
Pour la jeune Tanzanienne, les valeurs comme l’intégrité, le respect et l’amour sont primordiales : « Il faut être capable de respecter autrui sans porter de jugement. Nous ignorons le vécu d’une personne et ce qu’elle traverse dans son quotidien. Offrir de l’amour est le plus beau des cadeaux qu’on puisse faire » Raison pour laquelle elle se bat pour que les enfants défavorisés puissent aller à l’école, sortir de leur condition et croire en un monde meilleur. Et pour qu’ils se donnent les moyens de réaliser leurs rêves.