Elle se présente tout en douceur, le regard attentif derrière le verre de ses lunettes. A la base de cette rencontre, il y a cet éditorial du journal de la Haute école de théologie HET-PRO, signé de son recteur Jean Decorvet, qui s’interroge : « La relève de l’Eglise passe-t-elle par les femmes ? » La question est légitime : celles-ci représentent le 50% des effectifs des cours dispensés dans cette école de St-Légier, alors qu’il y a pénurie de vocations pastorales. Selon Robin Reeve, enseignant à la HET-PRO, le monde évangélique a toujours présenté une variété d’opinions au sujet des ministères d’enseignement et de pastorat exercés par les femmes. Dès ses origines, l’Armée du Salut a ainsi établi des officières dans son organisation. Or justement, Nel Berner est issue des salutistes. « J’ai clairement eu un appel pastoral à l’âge de 17 ans, dit-elle. Mais je me suis mariée, me suis occupée de nos trois enfants, et j’ai laissé ma vocation sur la cuisinière ! »
Avoir un rapport sain à l’Ecriture
Interpellée par toutes sortes de questions en lien avec la pensée et la théologie bibliques, Nel décide à 46 ans de se former. « Si pour moi la question de l’engagement des femmes dans le ministère ne se posait pas, alors que ma propre tante était officière à l’Armée du Salut, j’ai eu un sursaut dans les milieux évangéliques quand la fonction d’ancien n’était à l’époque pas ouvertes aux femmes dans la communauté dans laquelle je me rendais.
Aujourd’hui, je n’ai pas encore reçu toutes les réponses à mes questions ! » Elle rit. « Mais j’ai appris à me mettre en route et j’acquiers à la HET-PRO des outils, des équipements pour avancer, pour réfléchir. J’apprends surtout à avoir un rapport sain à l’Ecriture, aux autres, à moi-même et à Dieu. Ce n’est pas un luxe ! » Et la quinquagénaire de se référer au vélo : « Si on ne pédale pas, on tombe. C’est pareil pour la foi : il faut continuer à apprendre. Et à se poser des questions. »
Faute de grives, on mange des merles ?
Pour Nel Berner, certains milieux sont encore très coincés dans une théologie de Paul que l’on croit misogyne. « Encore une question d’interprétation des textes, souligne-t-elle. On s’offusque de la lapidation de la femme pour cause d’adultère, mais on a de la peine avec l’enseignement des femmes : c’est très étrange. »
La relève dans l’Eglise passe-t-elle alors par les femmes ? « Je pense que oui, répond-elle calmement. Mais il ne faut pas employer des femmes parce qu’il faut des femmes, suivant l’adage que « faute de grives, on mange des merles ». Non. Il faut reconnaître que le ministère a besoin tant des hommes que des femmes. » Nel s’est d’ailleurs découverte des aptitudes de prédicatrice. « A l’Eglise évangélique La Colline (FREE), à Crissier, j’ai accepté il y a un an et demi d’entrer dans l’équipe de prédication. Mais j’ai eu d’autres prises de parole, comme auprès des aînés, à qui j’apporte des méditations. » Pour elle, le pastorat se dirige actuellement vers un modèle d’équipe ministérielle où règne la complémentarité, la collégialité. Et dans ce cadre, elle se voit plus comme une bonne équipière que comme une pasteure titulaire.
Moïse, sauvé par des femmes
Et l’étudiante en bachelor de citer encore Moïse, constitutif du peuple d’Israël, et qui a été « sauvé par des femmes : ces dernières ont eu des rôles clé dans la Bible. Et ces rôles clé peuvent s’exprimer de façon plus ouverte aujourd’hui. Pour le bien des communautés. C’est ce que je crois profondément. »