La Commission théologique du Réseau évangélique suisse (RES) vient de publier un document intitulé « Les femmes dans le ministère de direction ». Ce texte de dix pages montre comment les Eglises évangéliques ont développé des interprétations différentes, et même divergentes, concernant l’attribution aux femmes de ministères d’autorité – en particulier celui de pasteure.
Dès le récit de la Création, au début de la Genèse, les évangéliques développent des lectures divergentes du texte biblique. « La position ‘complémentarienne’ lit une différenciation des responsabilités et des rôles dans le récit de la Création. Si l’homme et la femme sont égaux en dignité, ils n’ont pas la même fonction. […] La position ‘égalitarienne’ souligne que la Genèse n’indique pas de différenciation de rôles et de responsabilités. Dieu crée en effet l’homme et la femme égaux et leur confie la même mission (Gn 1.28). »
Le document de la Commission théologique du RES montre comment ces deux interprétations différentes des textes bibliques – complémentarienne et égalitarienne – existent également à propos du Nouveau Testament : « Pour les complémentariens, les rôles de direction dans l’Eglise, anciens, enseignants et pasteurs, sont réservés aux hommes – ces rôles sont fondés sur la différence créationnelle entre les deux sexes, considérée comme établie lors de la Création. Pour les égalitariens, il n’y a pas de rôles réservés spécifiquement aux hommes ou aux femmes, chacun est appelé à servir l’Eglise selon ses dons et ses capacités. […] La position égalitarienne encourage logiquement une organisation collégiale et déléguée des responsabilités dans l’Eglise ».
Le document se termine avec une réflexion très prudente à propos de l’influence de la culture sur la théologie et l’ecclésiologie. Il souligne : « Les évolutions récentes de la société ont apporté leur lot de changement à l’Eglise : de plus en plus de femmes se forment en théologie et apportent leur regard sur les textes ; les Eglises ont aussi davantage l’expérience de situations où les femmes sont en position d’autorité. Ces perspectives renouvelées permettent d’interroger le texte avec de nouvelles questions et d’envisager de nouveaux possibles dans la pratique ».
Réflexion théologique sur fond de crise des vocations
Si le RES publie ce document maintenant, c’est parce que beaucoup de femmes se forment en théologie, notamment à la Haute école de théologie (HET-PRO) de Saint-Légier, mais que les Eglises hésitent à engager des pasteures. « Il y a crise de vocations pour le ministère pastoral, et les femmes qui se forment dans ce but ne sont pas vraiment les bienvenues dans les Eglises, souligne Stéphane Klopfenstein, directeur-adjoint du RES. C’est pourquoi, en janvier 2022, nous avons organisé une journée avec la Conférence des présidents d’unions d’Eglises (CPUE) et la Conférence des délégués de secteurs d’œuvres (CDSO). Il en est ressorti que, pour la quasi-totalité des Eglises, l’accès des femmes au ministère pastoral est possible. Mais un blocage empêche que cela se manifeste concrètement par l’engagement de pasteures. »
Ce constat a conduit le RES à mandater sa Commission théologique, afin qu’elle se penche sur la question. « Nous souhaitons qu’à travers cette étude, les Eglises se posent les bonnes questions et soient cohérentes avec leur position, explique Stéphane Klopfenstein. Grâce à l’approche comparative des positions complémentarienne et égalitarienne, les besoins toujours plus marquants en pasteurs, et l’évolution sociétale à ce sujet, nous espérons que les Eglises oserons imaginer que quelque chose de différent est possible... en particulier de laisser une place plus importante aux femmes dans le ministère. »
Pour aller plus loin : https://evangelique.ch/les-femmes-dans-le-ministere-de-direction