En introduction, pas moins de deux chapitres sont consacrés à l'herméneutique: comment interpréter avec justesse le texte biblique? Quelles sont les fausses pistes à éviter? Avec finesse, George et Dora Winston refusent tant le féminisme que le traditionalisme. Il s'agit de distinguer, dans les propos de l'apôtre Paul, "ce qui est local, temporel et culturel de ce qui est universel, permanent et normatif" (p. 32).
L'autorité est-elle l'essence de l'homme… ou seulement une fonction?
Plus d'une centaine de pages sont ensuite consacrées à l'autorité: existe-t-il une autorité propre à l'homme? Est-ce que l'autorité signifie qu'il faut établir une "chaîne" hiérarchique: Dieu-Christ-anges-homme-femme-enfants? Que signifie autorité et soumission dans l'Eglise? Les femmes ont-elles aussi de l'autorité?
Pour les auteurs, il est clair que "la Bible ne dit rien d'une délégation vague et indéfinie d'autorité conférée à la moitié masculine de l'humanité. En revanche, elle donne de nombreuses preuves que toute autorité conférée par Dieu à un être humain sur un autre doit être déléguée de façon spécifique à un individu particulier en vue d'une fonction précise et d'un mandat bien défini" (p. 52).
Toujours dans une relation bien précise!
L'Ecriture définit 5 relations précises, dans le cadre desquelles s'exerce l'autorité: entre une femme et son mari, entre les enfants et leurs parents, entre le citoyen et les magistrats, entre le membre de l'Eglise et les responsables, et enfin entre l'employé et son employeur. Au sein de ces relations, "l'une des personnes est placée dans une position de soumission et l'autre dans une position d'autorité. Mais cette dernière ne dispose pas d'une autorité illimitée sur la première; elle ne peut exercer qu'une autorité déterminée par la relation et la position. Son autorité est circonscrite et limitée" (p. 62).
Une hiérarchie des êtres?
Dans l'Eglise, pas de hiérarchie ni de soumission unilatérale! « Soumettez-vous les uns aux autres », dit l'apôtre Paul (Eph 5.21), avant de poursuivre: « Femmes, que chacune soit soumise à son mari » (v. 22). "La quasi-totalité des versions et des commentaires indique un changement de paragraphe entre le verset 21 et le verset 22. La différence est importante. Dans l'Eglise (v. 21), le principe énoncé est celui de la soumission mutuelle de tous les croyants, y compris la soumission des hommes croyants aux femmes croyantes. Mais dans la sphère du mariage (v. 22), seule la femme doit être soumise à son mari" (p. 69).
"Plus les dirigeants de l'Eglise recherchent la joie des membres, moins ils seront autoritaires. …l'autorité que le Seigneur nous a donnée pour votre édification et non pour votre destruction (2 Co 10.8). Dieu confère l'autorité dans l'Eglise en vue de l'édification de ceux qui y sont soumis. Si Paul ajoute: « Et non pour votre destruction », c'est sans doute parce que le pouvoir ecclésiastique est souvent destructeur". Un avertissement pour tous les responsables d'Eglise…
Les auteurs poursuivent avec une épineuse question: que signifie « le mari est la tête de la femme » (Eph 5.23; 1 Co 11. 3-5)? Suit un long – et intéressant – débat exégétique… qui permet aux auteurs de conclure qu'il ne s'agit pas d'une soumission générale de toutes les femmes à tous les hommes, mais d'une soumission qui s'exerce dans la relation spécifique entre une femme et son mari. D'ailleurs, Dieu a donné aussi de l'autorité aux femmes… ne serait-ce que la femme sur le corps de son mari (1 Co 7.4)! Les exemples bibliques montrent que des femmes ont exercé une autorité spirituelle et religieuse: Myriam, Débora, Anne, Esther et tant d'autres…
Faut-il prôner l'égalité des sexes?
Les auteurs font preuve d'un équilibre remarquable: "La société souffre de trois grands maux qui sont liés au sexe: la discrimination, l'absence de distinction et l'aliénation. Sans la ferme conviction que les sexes sont vraiment égaux, on ne peut rendre justice à leur différence ni connaître un authentique partenariat; et si on estompe leurs différences, non seulement on ne peut les traiter comme ils le méritent, mais de plus on appauvrit la richesse des relations entre eux" (p. 173). Car Dieu a créé l'être humain (et non l'homme!) à son image, « homme et femme il les créa » (Ge 1.27).
La Bible décrit les différences entre homme et femme de façon physique et psychologique… mais jamais dans la relation avec Dieu! D'ailleurs, Jésus a traité les femmes de façon semblable aux hommes, les prenant aussi comme ses disciples. "Il ne se sentait pas non plus menacé dans sa masculinité parce qu'il dépendait financièrement de ces femmes. Il n'était pas animé d'un faux orgueil masculin qui consiste à se sentir tenu de pourvoir aux besoins de femmes avec lesquelles il n'était pas marié. (Seuls les maris ont le devoir de prendre soin et de nourrir leur femme, Eph 5.29). Dans Luc 8. 1-3, Jésus traite les hommes et les femmes sur le même plan que ses disciples et leur demande à chacun de quitter ses parents, son conjoint et ses biens pour le suivre (Lc 14. 26-33). Il ne fait aucune distinction de genre" (p. 225).
L'égalité: seulement dans l'Eglise?
Le traitement de Galates 3.28, « il n'y a plus ni homme ni femme », pose quelques questions (chap. 10). Les auteurs comprennent cette égalité surtout dans l'Eglise, et pas tant dans les 5 relations d'autorité (femme-mari, enfant-parents, citoyen-magistrats, membre d'Eglise-responsables, employé-employeur). La distinction est probablement trop marquée. Car sans vouloir nier l'ordre voulu par le Créateur, l'Eglise n'est-elle pas appelée à jouer un rôle prophétique dans toutes les sphères de la vie ici-bas? Certes, nous respectons l'ordre créationnel. Mais le péché ayant tout corrompu, ne faut-il pas s'attacher surtout à témoigner du Royaume qui vient, avec les nouvelles valeurs de vie qui sont les siennes?
Des femmes pour annoncer l'Evangile
George et Dora Winston relèvent de nombreux exemples bibliques où des femmes ont prophétisé, prié, chanté, annoncé l'Evangile ou prêché… et ceci dans le culte public! Quant au cas de Jézabel, trois accusations sont portées contre elle: "Elle enseigne l'immoralité, elle enseigne l'idolâtrie et elle commet l'adultère. Si le fait qu'elle avait prêché en tant que femme était coupable, c'était l'occasion rêvée de le souligner" (p. 314)… L'argument est d'une logique implacable!
Et l'enseignement?
Là encore, plusieurs exemples bibliques étayent le propos des auteurs. On peut citer les femmes, témoins de la résurrection de Jésus. Elles "ne prirent pas d'elles-mêmes l'initiative de parler aux apôtres. Il fallut que le Christ et l'ange leur intiment l'ordre d'aller porter à la connaissance des hommes ce qui venait de se passer (Mt 28. 5-10…). Les femmes instruisirent les hommes parce que le Christ leur en donna l'ordre" (p. 332).
Leur message n'ayant pas été reçu, Jésus reproche aux disciples la dureté de leur cœur. "Quand des hommes refusent d'écouter la vérité de Dieu confiée à des femmes, ce n'est pas seulement envers elles qu'ils manquent d'égards, c'est aussi la parole de Dieu qu'ils refusent d'entendre" (p.333).
Comment comprendre alors 1 Timothée 2.12: « Je ne permets pas à la femme d'enseigner, ni de prendre autorité sur l'homme »? Pour les auteurs, le problème n'est pas l'enseignement, mais de le pratiquer en voulant dominer d'une façon injuste. Et leur étude du texte original les amène à opter pour une traduction sensiblement différente: "Je ne permets pas à l'épouse d'enseigner « de façon à dominer » son mari" (p. 340).
Prédicatrice, pasteure, ancienne… une hérésie?
La dernière grande partie de l'ouvrage traite des différentes charges ecclésiastiques. A propos de l'ancien, « presbuteros », les auteurs s'étonnent: "La plupart des versions françaises de la Bible traduisent « presbuteras » par « femmes âgées »" (p. 444). Alors qu'il serait naturel de traduire « femmes-anciens »…
En conclusion, quelques "si" pour continuer votre réflexion:
• "Si des femmes se sont exprimées avec l'autorité inhérente à des auteurs de l'Ecriture (1Sa 2. 1-10; Pr 31. 1-3; Lc 1. 41-44), elles sont certainement autorisées à veiller sur les âmes, sous l'inspiration de l'Esprit.
• Si des femmes ont transmis des commandements de Dieu à des rois et à des généraux (2R 22. 14-20; Jg 4.6, 14), elles peuvent assurément donner aux membres de la communauté locale des directives concernant les affaires de l'Eglise.
• Si Dieu a désigné des femmes pour adresser des reproches à toute une nation et la faire passer en jugement (2Ch 34. 22-28; Jg 4. 4-5), elles peuvent évidemment prendre part à la surveillance d'une assemblée chrétienne et exercer la discipline à son encontre.
• Si Dieu s'est servi de femmes pour amorcer un renouveau spirituel à l'échelle de la nation, sous l'ancienne alliance (2R 22.13; 23.3; Jg 4. 15-16; 5.11, 31), il peut certainement les utiliser à l'échelle locale sous la nouvelle" (p. 466-467).
Anne-Catherine Piguet, rédactrice responsable du journal « Vivre »