« Levons-nous contre la gouvernance médiocre et la corruption ! » Par Jean-Daniel André

jeudi 16 août 2012
Le 15 septembre à Thoune, StopPauvreté organise une conférence nationale bilingue sur la thématique de la bonne gouvernance. Au menu : les interventions de différents orateurs en provenance des pays du Sud et l’examen des possibilités concrètes d’action.
Gouvernance médiocre et corruption affectent chacun d’entre nous. Elles sapent le développement et mettent à mal les communautés les plus pauvres. On admet parfois trop rapidement que rien ne peut être fait pour changer cet état des choses, que le problème nous dépasse et que les fautifs sont trop puissants. Mais chacun, à son niveau, peut être porteur de changement. C’est du moins ce que croit le mouvement StopPauvreté qui regroupe une cinquantaine d’Organisations non gouvernementales (ONG) et chacun est invité à en débattre le samedi 15 septembre à Thoune.
Historiquement et dans le cadre de leurs engagements missionnaires, les collaborateurs humanitaires des organisations évangéliques se sont attachés sur le terrain à développer les secteurs de la santé et de l’éducation ainsi qu’à assurer la protection de l’enfant. Aujourd’hui, ils prennent cependant conscience de l’importance de l’environnement et des problèmes liés à l’eau potable, à la gestion des déchets et à l’accès à une alimentation suffisante et équilibrée. Les différents partenaires de StopPauvreté soulignent que ces axes prioritaires ne peuvent progresser qu’à condition de travailler sur les problèmes de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption.
 
Qu’est-ce que la bonne gouvernance ?
StopPauvreté croit fermement qu’une gouvernance qui contribue au bien-être de chacun doit être fondée sur les trois principes essentiels que sont la participation, le service et la justice sociale.
- La participation : tout individu devrait être partie prenante des décisions qui concernent sa vie. Pour atteindre cet objectif, des mécanismes de « redevabilité » et de transparence sont indispensables.
- Le service : le gouvernement devrait œuvrer pour le bien du peuple, et non celui de ceux qui sont au pouvoir, et répondre à ses besoins.
- La justice sociale : les décisions politiques devraient viser l’intégration des secteurs les plus fragilisés de la société. Ceci comprend la garantie de la justice pour tous.
 
Les différentes formes de corruption
La corruption peut être comprise comme « l’abus d’un pouvoir qui a été délégué, en vue d’un gain personnel et au détriment d’autres personnes ou de la société tout entière ». Elle se manifeste au Nord comme au Sud et sous de multiples formes : subornation (qui consiste à corrompre une personne, notamment en la déterminant à déposer en justice d’une façon contraire à la vérité), blanchiment d’argent, détournement de fonds humanitaires, népotisme et contrats secrets. Elle peut concerner des fonctionnaires du gouvernement, des politiciens, des membres du secteur privé, des banques et fonctionnaires étrangers, des ONG, des Eglises et des individus. Comme nous l’avons vu récemment dans la presse, la Suisse n’est pas épargnée, les entreprises et les institutions religieuses non plus !
 
Quelles en sont les conséquences ?
C’est au niveau des communautés locales que les conséquences d’une gouvernance médiocre et de la corruption se ressentent le plus fortement. Pour les plus démunis d’une société, la corruption se manifeste de bien des manières. Ce sont par exemple des patients qui paient des dessous-de-table au personnel hospitalier pour être plus rapidement pris en charge. Ce faisant, ils privent de traitement ceux qui étaient là avant eux. Ce sont des policiers qui exigent de l’argent pour libérer un véhicule mis à tort en fourrière. Ou encore des enfants, qui sont privés de pupitres parce que l’argent a été détourné par des fonctionnaires.
Ces différents cas de figurent illustrent comment l’accès à la justice peut être réduit, en particulier pour les plus pauvres. Rien qu’en Afrique, le prix de la corruption a été estimé à 155 milliards de francs suisses par année, soit 25% du PIB (Produit Intérieur Brut) du continent.
 
Que dit la Bible ?
La préoccupation de Dieu pour la justice et son souci des plus vulnérables de la société sont explicites dans toutes les Ecritures. Juste avant la sortie d’Israël du pays d’Egypte, Dieu déclare que le « cri des opprimés » est monté jusqu’à lui (Ex 3.7-8). Jésus lui-même s’identifie aux pauvres dans son énoncé de mission (Lc 4.16-21). Son cœur pour la justice implique qu’il « a en horreur la balance fausse » (Pr 11.1). Dieu désire la vérité dans toutes nos relations. Les Psaumes nous parlent d’aspirer à la « vérité au plus profond de notre être » (Ps 51.8), alors que les prophètes réprouvent les sociétés dans lesquelles « la vérité ne se trouve nulle part » (Es 59.15). Le prophète Michée condamne l’usage abusif des tribunaux pour priver les gens de leurs moyens de subsistance (Mi 2.2), les abus de la fonction publique par la subornation (3.11), l’enrichissement obtenu par des pratiques commerciales malhonnêtes (6.10-11) et la conspiration mise en place par ceux qui sont au pouvoir pour leur propre bénéfice (7.3).
 
Le rôle de l’Etat
Même si la Bible n’indique pas de modèle type de bonne gouvernance, l’apôtre Paul dans l’épître aux Romains (13.1-7) nous donne un aperçu du rôle de l’Etat clairement lié au désir de Dieu pour la justice. Celui-ci mentionne quatre éléments :
- Servir le peuple : les gens en autorité sont serviteurs de Dieu. Ce rôle de leaders au service des autres a été parfaitement incarné par Jésus (Ph 2.5-11) ;
- Pour le bien du peuple : les lois et les décisions politiques devraient avoir comme objectif le bien-être de la société, et non une série d’intérêts personnels ou acquis ;
- Exercer la justice pour tous de manière équitable et transparente : les gouvernements sont appelés à protéger et à défendre les droits des plus faibles dans la société (Ps 82.3-4) ;
- Percevoir les impôts et gérer cet argent avec sagesse, afin de fournir les services nécessaires : ceci requiert des institutions, des systèmes et des structures qui fonctionnent correctement.
 
Le rôle de l’Eglise 
En tant que peuple de Dieu, les chrétiens sont appelés à être sel et lumière (Mt 5.13-16). Ils doivent donc modéliser une société fondée sur les valeurs du Royaume de Dieu, tout en appelant prophétiquement à un changement.
Mettre en pratique cette alternative va impliquer de vivre les valeurs de Dieu tant de façon communautaire que dans notre vie privée. Chacun est ainsi invité à être conséquent dans ce qu’il dit et ce qu’il fait, à avoir un langage véridique en public comme en privé, à faire preuve d’honnêteté et de transparence dans toutes ses actions, à ne jamais recourir à la subornation ni à se laisser acheter, à payer tous les impôts légitimes...
Et, en écho aux prophètes de l’Ancien Testament, il peut faire entendre sa voix qui s’élève contre l’injustice, qui met en lumière ce qui est faux et qui offre une espérance pour l’avenir en proposant des solutions alternatives. « L’Eglise doit se souvenir qu’elle n’est ni le maître ni le serviteur de l’Etat, mais bien plutôt sa conscience, estime à ce propos le pasteur anglais Richard Hanson. Elle doit être le guide et le critique de l’Etat, mais jamais son instrument. Si l’Eglise ne retrouve pas son zèle prophétique, elle deviendra un club social sans pertinence, privé de toute autorité morale ou spirituelle. »
Jean-Daniel André

Plus d’infos sur le site de l’ONG Tearfund :
- Télécharger le document de Graham Gordon et Bryan Evans : « The Mission of The Church and The Role of Advocacy », juillet 2002.
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