« La communion fraternelle, c’est comme une fondue arrosée d’un bon vin blanc. Ça crée une ambiance de paix qui réjouit le cœur et le palais. » A peine lâchée, la formule suscite l’hilarité dans l’Assemblée évangélique de Sainte-Croix. En ce dimanche matin 3 février, le culte ne revêt pas la tournure habituelle. Charles-Daniel Maire, agent de la Ligue pour la lecture de la Bible en France, pilote une animation biblique qui remplace la prédication. Les porte-parole des différents sous-groupes viennent de participer à la lecture finale du Psaume 133 : « Ah, qu’il est bon, qu’il est agréable pour des frères d’être ensemble ! C’est comme le parfum de l’huile précieuse versée sur la tête du grand prêtre Aaron... » Et le « c’est comme la fondue » vient de retentir en écho aux images que véhicule le texte original pour illustrer la communion fraternelle.
Le but : composer de nouvelles strophes au Psaume 133
La consigne de départ était claire. Après avoir réparti les participants au culte en groupes de 5 personnes, Charles-Daniel Maire a demandé à chaque groupe de chercher ce qui dans ce Psaume était commun aux deux images utilisées, celle de l’huile coulant sur la barbe d’Aaron et celle de la rosée recouvrant le mont Hermon. Puis il a demandé de faire preuve de créativité et de composer de nouvelles strophes à ce Psaume. Ces comparaisons, parlantes pour aujourd’hui, doivent se construire sur le mode : « La communion fraternelle, c’est comme... » Dans les groupes, les discussions vont bon train. La plupart des images proposées s’inspirent de la nature, du soleil et de la neige qui recouvre le sol ce dimanche-là.
« C’était génial de devoir trouver des comparaisons, explique à l’issue du culte Claudine Penseyres. Ça nous permet d’intérioriser le Psaume et de l’appliquer à notre vie. » Très active dans son groupe, cette femme dans la soixantaine voit aussi dans cette démarche une occasion d’échanger avec d’autres dans le cadre du culte. Claude Rochat est enseignant et diacre dans l’Assemblée de Sainte-Croix. Il explique qu’il utilise ce genre de techniques très fréquemment dans sa classe. Une telle démarche au culte permet de « bien brasser les gens et de les faire se rencontrer en dehors des cercles habituels ». Il n’en regrette pas moins le fait que la démarche se soit arrêtée par la lecture du Psaume 133 et des nouvelles strophes composées dans les sous-groupes. « J’aurais aimé entendre en guise de conclusion une idée-force que les participants auraient pu emmener avec eux à la maison », ajoute-il.
Faire un bout de chemin avec un petit élément
Charles-Daniel Maire entend bien la remarque : « Effectivement, il ne faut pas s’imaginer qu’avec un moment d’animation biblique on dit autant de choses qu’avec une prédication ! » Néanmoins, il invite à renverser la perspective. Avec quoi les auditeurs d’une prédication rentrent-ils chez eux ? interroge-t-il. « Parfois avec des choses remarquables, mais souvent, admettons-le, avec pas grand-chose ! L’avantage de l’animation biblique, c’est que les participants repartent la plupart du temps avec quelque chose qui les a frappés : un bout de phrase, un verset, une parole dite, un geste... Et avec ce petit peu, ils pourront faire un bout de chemin ! »
L’animation biblique présente selon Charles-Daniel Maire d’autres avantages. Elle introduit la dimension du jeu dans le cadre du culte. « Avec une animation biblique en guise de prédication, on organise une sorte de jeu autour d’un texte. Le texte biblique rebondit d’une personne à l’autre et toutes sortes d’idées sont exprimées. » Bien loin de livrer un message tout cuit à l’oreille des auditeurs, l’animation biblique pousse les participants à rencontrer le texte par eux-mêmes, à se faire leur propre idée de ce que dit le texte. « On a vécu longtemps, ajoute Charles-Daniel Maire, dans une société dominée par des institutions où toute la communication se faisait par des voix autorisées : celle du pasteur, des notables ou de l’instituteur. Aujourd’hui avec les moyens de communication contemporains, on est beaucoup plus participants. L’animation biblique n’est rien d’autre qu’une méthode qui permet d’intégrer cette pédagogie de la découverte ou de la participation dans le cadre du culte. »
Une occasion de renouveler la communion fraternelle
Insérer une animation biblique dans le cadre d’un culte présente d’autres avantages. Pour Charles-Daniel Maire, cette technique renouvelle la « communion fraternelle » pour parler « Psaume 133 ». « Elle permet de mobiliser davantage de personnes parmi l’assistance. Elle permet aussi de donner la parole à des gens que l’on n’entend jamais et qui ont des choses intéressantes à dire. » Lorsqu’un groupe s’est constitué et a entrepris une discussion sur un texte, la discussion se poursuit souvent à l’issue du culte ou lors d’une rencontre ultérieure. Ce texte biblique peut servir de tremplin à un échange qui va plus loin que les banalités ordinaires.
« Last but not least ! » Une animation biblique fait découvrir des dimensions du texte auxquelles les participants n’auraient jamais pensé. « Associer la bénédiction de la communion fraternelle aux bienfaits que peut représenter le fait de se retrouver à plusieurs autour d’une fondue... je n’y aurais jamais pensé ! » lâche en souriant Charles-Daniel Maire.
Serge Carrel