Avec « Chrétien tout simplement », N.T. Wright élabore un plaidoyer pour la pertinence de la foi chrétienne

mercredi 02 juillet 2014

Vous cherchez un bon livre pour l'été. Quelque chose de revigorant, qui donne à réfléchir, qui nourrisse et encourage la foi ? Alors ne manquez pas le deuxième livre de N.T. Wright traduit en français : Chrétien, tout simplement. Une occasion unique de nourrir les fondements de votre foi, puis d'offrir ce livre à quelqu'un en questionnement. Le propos ne manquera pas d'intéresser ceux qui s'interrogent sur la pertinence de la foi chrétienne, au vu des plus récentes recherches historiques sur le monde dans lequel Jésus a vécu.

N. T. Wright est un phénomène ! Spécialiste du Nouveau Testament de renommée internationale, vulgarisateur chrétien de haut vol et pasteur, cet Anglais de 66 ans a publié plus d'une soixantaine de livres qui font autorité dans leur domaine. Que ce soit dans le monde académique (1), la vulgarisation biblique ou le plaidoyer en faveur de la pertinence de la foi chrétienne aujourd'hui.
Chrétien tout simplement. La pertinence du christianisme est le deuxième livre de cet auteur à paraître en traduction française (2). Sur un peu plus de 300 pages, N.T. Wright – connu aussi dans le monde anglophone sous le prénom de Tom Wright – explique la foi chrétienne à des non-chrétiens comme à des chrétiens. Il le fait en recourant à trois de ses sphères de compétences : celle de défenseur de la foi chrétienne, celle d'exégète de haut vol qui vulgarise aussi sa compréhension du monde biblique, et enfin celle de pasteur – il a été pendant 7 ans évêque du diocèse anglican de Durham en Angleterre – qui dispense sa conception de l'engagement chrétien.

A l'écoute des échos d'une voix
Dans la première partie intitulée : « Les échos d'une voix », N.T. Wright commence par aborder quatre réalités humaines qui, pour lui, véhiculent l'écho d'une voix. Il y a tout d'abord l'aspiration à la justice : nous soupirons tous après un monde remis en ordre. Une telle soif renvoie à quelque chose au-delà d'elle-même et qui ne parvient pas à être assouvi. Il y a aussi la soif spirituelle. Même si notre société occidentale fait tout pour « bétonner les sources » et les aspirations à un minimum de transcendance, il suffit de visiter une librairie et son rayon « Développement personnel » pour se convaincre qu'il y a une soif que notre société n'arrive pas à étancher. Il y a aussi le besoin de relations authentiques. A ce titre, l'aspiration des jeunes à vivre à deux, même si nombre de relations conjugales se terminent aujourd'hui par un divorce, ne tarit pas. Pour N.T. Wright, une telle aspiration renvoie à cet écho d'une voix qui dit qu'il y a là un bonheur à trouver, une qualité de vie à découvrir. Enfin, l'aspiration à la beauté est le quatrième écho de cette voix qui retentit dans chaque vie humaine. Notre monde est rempli de beauté, mais cette beauté est incomplète. Elle joue le rôle d'un panneau indicateur désignant une beauté plus grande, comme si Dieu n'avait pas terminé son œuvre de création.

Découvrir le « grand récit chrétien »
Dans la deuxième partie de son livre « Regarder le soleil en face », N.T. Wright prend la plume du spécialiste du monde du Nouveau Testament et du vulgarisateur biblique. Il montre que la foi en Jésus-Christ est cette voix qui répond à ces aspirations fondamentales qui traversent toute existence humaine. Il le fait en relatant sa version du « grand récit chrétien », qui commence avec l'appel adressé par Dieu à Abraham et par la promesse qui lui est faite : « Je ferai de toi l'ancêtre d'une grande nation ; je te bénirai, je ferai de toi un homme important et tu deviendras une source de bénédiction pour d'autres. (...) Tous les peuples de la terre seront bénis à travers toi » (Gn 12.2-3). « Abraham et ses descendants (...), explique N.T. Wright, sont le moyen utilisé par Dieu pour remettre les choses en ordre, le fer de lance de l'opération de secours divine » (p. 106-107). Cette opération de secours, un maître-mot sous la plume de l'Anglais, traverse tout le donné biblique, notamment par ce thème répété en boucle : éloignement de la maison et retour, exil et restauration, mort et résurrection ! Abraham, Jacob, Joseph, David, le Royaume du Sud... autant de personnages bibliques ou d'entités politiques qui sont pris dans cette dynamique. Dans ce contexte d'espérance qui peine à se concrétiser, le livre de Daniel intervient pour dire que la tradition biblique véhicule une espérance inextinguible de voir un jour le monde entier être remis en ordre sous la souveraineté du Dieu unique et créateur, YHWH, le Dieu d'Abraham.
Spécialiste des littératures juives, grecques, romaines et chrétiennes du tournant de notre ère, N.T. Wright discerne qu'au temps de Jésus quatre thèmes caractérisent l'espérance d'Israël : le roi en lien avec la promesse faite à David de voir sa maison régner à jamais (2 Sam 7), le temple dont la restauration par le roi serait le signe de l'arrivée de l'ère messianique, la Torah et la nouvelle création. Ces quatre thèmes ainsi que notre soif de justice, de spiritualité, de relation et de beauté se retrouvent dans les développements autour du Serviteur du Seigneur, que l'on rencontre dans le livre d'Esaïe (chapitre 11, 42, 49, 50 et 52-53).

Jésus, l'opération de secours de Dieu
« Le christianisme, explique N.T. Wright, c'est (...) la croyance au fait que le Dieu vivant, en accomplissement de ses promesses et à l'apogée de l'histoire d'Israël, a accompli tout cela : nous retrouver, nous sauver, nous donner une vie nouvelle, tout cela en Jésus. (...) Avec Jésus l'opération de secours de Dieu a pris effet une fois pour toutes » (p. 128-129). Et à ce spécialiste du Nouveau Testament de passer en revue ce que l'on peut savoir de Jésus aujourd'hui avec les avancées qu'ont faites les spécialistes de la littérature de cette époque au travers des découvertes des Manuscrits de la mer Morte et de Nag Hammadi, autant de matériaux qui permettent de repenser Jésus dans le cadre du judaïsme de son temps. Très confiant dans la qualité historique des évangiles, N.T. Wright se montre très réservé à l'endroit des développements récents autour de la source Q, ce recueil de paroles de Jésus qui aurait permis à Matthieu et à Luc de rédiger leur évangile en intégrant Marc. Pour lui, « il est encore plus hasardeux d'avancer, comme certains l'ont fait récemment, que cette source représente tout un courant du christianisme, avec ses propres croyances et son propre mode de vie » (p. 137). Les évangiles canoniques donnent un portrait de Jésus de Nazareth fermement enraciné dans l'histoire réelle, et cohérent avec le monde de la Palestine des années 20-30 du Ier siècle.

Un Messie souffrant qui vient libérer du mal
Par sa proclamation du Royaume de Dieu, Jésus croit que les prophéties anciennes sont en train de s'accomplir. A la place de la révolution armée, il s'agit de montrer à quoi ressemble le vrai Dieu. Non par le combat et la violence, mais en pratiquant l'amour de l'ennemi, en tendant l'autre joue et en marchant un kilomètre de plus avec le prochain. Cela, Jésus l'a aussi transmis par des symboles ou des actes prophétiques. Il a reconstitué autour de lui les douze tribus d'Israël en rassemblant douze disciples, il a guéri... Il a aussi raconté des histoires qui montraient que son œuvre est de faire venir le ciel sur la terre, et d'annoncer l'avenir de Dieu dans le présent. Comment les disciples l'ont-il reconnu comme le Messie ? N.T. Wright explique que le profil de Jésus ne correspondait pas à l'idée de Messie que se faisait une partie du peuple juif. Ce dernier aurait souhaité un Messie qui parte en guerre contre l'occupant, qui réhabilite le Temple et qui rétablisse la monarchie d'Israël... Nul n'envisageait que le Messie aurait à souffrir. C'est pourtant comme cela que Jésus a compris sa mission : le Serviteur serait à la fois royal et souffrant. Jésus « a dû tourner et retourner en pensée et en prière cela pendant un temps considérable. (...) Sa tâche, il le croyait, consistait à mener la grande histoire d'Israël à son paroxysme décisif. Le plan à long terme du Créateur, sauver le monde du mal et enfin tout remettre en ordre, allait devenir réalité en lui » (p. 148-149).
Durant les derniers jours de sa vie, Jésus pose un acte symbolique fort : la purification du Temple. Il annonce que Dieu va détruire la ville et le Temple, puis va justifier non pas la nation juive, mais lui-même. Dans un dernier repas de la Pâque, Jésus opère une sorte de répétition de l'Exode. Dieu va agir pour faire advenir le Royaume dans la réalité humaine, d'une façon qu'aucun des proches de Jésus n'a envisagée. Jésus « va livrer le combat messianique... en le perdant. (...) Le temps est désormais venu où, enfin, Dieu va délivrer son peuple, ainsi que le monde entier, non pas de simples adversaires politiques, mais du mal lui-même, du péché qui les a asservis... En allant au devant du sort qui se précipite sur lui, Jésus va être le lieu où se rencontrent le ciel et la terre, lui-même étant pendu entre les deux » (p. 152).
Pour N.T. Wright, la résurrection corporelle de Jésus vient témoigner de la victoire de Dieu sur les forces du mal. Il est par ailleurs difficile d'expliquer l'extraordinaire essor du christianisme sans dire que Jésus est réellement réapparu comme un être vivant avec un corps, dont les propriétés étaient pour beaucoup semblables aux nôtres, mais aussi différentes.
Du point de vue de la conscience que Jésus a de lui-même, N.T. Wright relève que Jésus a plutôt le genre de connaissance que l'on associe à une vocation : dans les profondeurs de son être, on sent que l'on est appelé à être, par exemple, un artiste. Jésus avait, selon l'exégète, une connaissance de sa divinité comparable à une conviction puissante et dévorante d'un partenariat d'amour avec Dieu le Père.

L'Esprit, la « nuée » qui conduit le peuple chrétien
N.T. Wright termine le développement de son « grand récit chrétien » en soulignant l'importance de l'Esprit, qui est donné aux croyants pour les « rendre capables d'aller colporter dans le monde entier que c'est Jésus le Seigneur et qu'il a remporté la victoire sur les forces du mal et qu'un nouveau monde s'est ouvert. Dans l'histoire de l'Eglise, l'Esprit joue le même rôle que la nuée qui a conduit le peuple d'Israël de la Pâque jusqu'à la terre promise. « L'Esprit, c'est la présence étrange et personnelle, ajoute-t-il, du Dieu vivant en personne qui conduit, guide, avertit, reprend, déplore nos manquements et se réjouit de nos petits pas vers l'héritage véritable » (p. 172).
En recevant l'Esprit, le croyant, devenu « temple » du Saint-Esprit, reçoit la réponse aux quatre aspirations qui ont marqué l'ouverture du livre Chrétien, tout simplement. « Dieu a promis que, par son Esprit, il va refaire la création afin qu'elle devienne ce qu'elle s'efforce de devenir... Toute la beauté du monde présent sera mise en valeur, ennoblie, libérée de ce qui actuellement la corrompt et la défigure » (p. 183). Par son Esprit, Dieu nous offre des relations renouvelées avec lui et avec les autres. Il nous offre, dans le domaine de la spiritualité, la conscience de pouvoir vivre en lien avec le ciel et la terre. Et finalement Dieu veut préfigurer par son Esprit un monde remis en ordre, où la justice régnera.
Dans la troisième partie de Chrétien, tout simplement, « Refléter l'image », N.T. Wright prend sa plume de pasteur et explique pratiquement ce qu'entraîne l'adhésion au « grand récit chrétien », dans la vie de tous les jours. Il s'agit d'adorer Dieu, de prier, de lire la Bible, de s'insérer dans une communauté et de vivre dans la dynamique de la nouvelle création. En un mot comme en cent, de vivre en chrétien dans ce monde.

Un aperçu des recherches de N.T. Wright en français
Même si Chrétien tout simplement est paru en anglais en 2006, l'un des avantages de la traduction de ce livre est de permettre au lecteur francophone de découvrir sur une centaine de pages la manière dont l'un des monuments de l'exégèse contemporaine considère le Nouveau Testament. N.T. Wright fait partie de cette génération de spécialistes du judaïsme du Second Temple qui travaillent à cheval sur les mondes juifs, grecs, romains et chrétiens. Avec lui, on découvre un théologien évangélique qui défend la fiabilité des récits du Nouveau Testament, qui met en avant les prétentions messianiques de Jésus, qui propose une interprétation de sa mort en lien avec le thème de la victoire sur le mal et qui développe une conception classique de la résurrection corporelle du Christ. Cette manière de présenter la vie, la mort et la résurrection de Jésus, ainsi que l'importance de l'Esprit a changé le climat de la recherche exégétique autour du Nouveau Testament en Amérique du Nord et dans l'Europe anglophone. Avec la parution de Chrétien, tout simplement, le public francophone pourra goûter à cette approche dans sa langue.
Les recherches de N.T. Wright et d'autre spécialistes du Nouveau Testament ont déclenché dans le monde évangélique et au-delà un débat autour de la compréhension de ce qui est au cœur de la mort de Jésus sur la croix. Comme on l'a vu, N.T. Wright, parmi plusieurs interprétations possibles, valorise la victoire sur le mal aux dépens d'une compréhension plus traditionnelle : la substitution pénale. Ce déplacement du cœur de la compréhension du message de la croix a suscité de vives réactions outre-Atlantique, notamment de Donald Carson et de John Piper (3). Le débat a encore cours actuellement, même s'il existe diverses interprétations de la mort de Jésus sur la croix et que toutes, en bonne théologie évangélique, ont voix au chapitre.
Chrétien, tout simplement. La pertinence du christianisme, est un livre à lire et à transmettre plus loin !
Serge Carrel

N.T. Wright, Chrétien, tout simplement. La pertinence du christianisme, trad. française Philippe Malidor, Charols, Excelsis, 2014, 328 p. Prix : 30.-

Notes
(1) N.T. Wright s'est lancé dans la publication d'ouvrages imposants dans une série intitulée : Les origines chrétiennes et la question de Dieu. A ce jour, quatre volumes sont parus et deux sont encore à paraître :
- The New Testament and The People of God, vol. 1, Minneapolis, Fortress Press, 1992, 536 p.
- Jesus and The Victory of God, vol. 2, Minneapolis, Fortress Press, 1996, 742 p.
- The Resurrection of the Son of God, vol. 3, Minneapolis, Fortress Press, 2003, 817 p.
- Paul and the Faithfulness of God, 2 volumes, Minneapolis, Fortress Press, 2013, Partie I et II, 606 p, Partie III et IV, 1660 p.
(2) Le premier a été : Jésus, retour aux sources. La vie et la vision d'un révolutionnaire, Charols, Excelsis, 1998, 160 p.
(3) Voir notamment John Piper, The Future of Justification, A Response to N.T. Wright, Wheaton, Cross Bocks, 2007, 239 p. Et la réponse de N.T. Wright : Justification. God's Plan & Paul's Vision, Downers Grove, IVP, 2009, 280 p.

 

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