Qu’est-ce que l’homme ? Cette question aussi ancienne qu’universelle fait sans doute partie de sa propre réponse... puisque nous sommes la seule espèce à nous la poser ! Pour l’aborder, avec les regards croisés de spécialistes de la théologie, de la génétique et des neurosciences, près de 80 personnes s’étaient rassemblées à l’Eglise évangéliques la Fraternelle à Nyon (FREE) pour la journée de réflexion du 6 avril, troisième du genre. Les scientifiques ont abordé aussi bien les questions d’évolution que les recherches récentes en neurosciences. Plusieurs membres des Groupes bibliques universitaires (GBU) présents sont même repartis un peu frustrés... de ne pas avoir eu le temps de poser leur question lors de la table ronde finale !
Une parabole historique
Matthieu Richelle, professeur d’Ancien Testament à la Faculté libre de théologie évangélique de Vaux-sur-Seine, nous a gratifiés de deux exposés. Spécialiste des textes du Proche-Orient ancien, il nous a fait découvrir les richesses du sens des textes bibliques, d’un point de vue strictement exégétique, c’est-à-dire dans leur intention originale. Sur les premiers chapitres de la Genèse, il apporte sa réponse à quatre questions :
a) Les faits rapportés sont-ils à prendre à la lettre ? Non, explique-t-il, car les multiples motifs et images sont quasi tous repris de motifs existants dans la littérature préexistante au Proche-Orient. Des motifs que les Anciens ne prenaient pas à la lettre – et dont certains sont repris ailleurs dans la Bible de manière imagée. Mais avec ces motifs, le texte raconte une tout autre histoire, en contraste saisissant avec les conceptions de l’époque...
b) S’agit-il de personnages réels ? Les exégètes ne sont pas unanimes, mais notre orateur plaide pour des personnages historiques en Genèse 2 et suivants.
c) Les généalogies de Gen 4-11 permettent-elles de calculer des durées ? Non, car on n’hésite pas à sauter des générations...
d) Adam et Eve sont-ils à comprendre littéralement comme ancêtres de toute l’humanité ? Pas nécessairement. D’ailleurs l’histoire de Caïn et Abel se situe dans une terre habitée par d’autres populations humaines...
En résumé, selon Matthieu Richelle, on a dans la Genèse des paraboles avec un substrat historique.
Emergence dans la lignée animale
Nicolas Ray est spécialiste de la génétique des populations. Avec les données récentes de la génétique, l’analyse détaillée du génome de l’homme, de diverses populations humaines et de nombreuses espèces – y compris disparues – notre appartenance biologique à la lignée animale est maintenant selon lui une certitude. Notre espèce daterait d’environ 200'000 ans, avec une origine africaine, une première colonisation de l’Asie et de l’Australie il y a 70'000 ans et celle de l’Europe il y a 40'000 ans.
Comment recoller ce paysage biologique avec notre compréhension de l’Ecriture ? Nicolas Ray reprend à son compte le modèle de l’homo divinus – un couple du néolithique auquel Dieu se serait révélé – modèle déjà présenté par Denis Alexander dans sa contribution à la journée du RSE à Paris en janvier 2012.
En image de Dieu
Mais tout cela ne répond toujours pas à la question posée : qu’est-ce que l’homme ? A la lumière des récits bibliques, Mathieu Richelle nous ramène à ce lieu fondamental : la création « en image de Dieu » – plutôt qu’« à l’image de Dieu ». Derrière cette nuance de traduction, justifiée par l’analyse comparative avec les textes proche-orientaux, se cache une nuance de sens essentielle. Ce n’est pas dans des qualités spécifiques (intelligence, langage, existence de l’âme) que notre vraie humanité se situe, mais dans ce statut d’image, de représentant de Dieu sur terre, avec le mandat de domination qui nous est confié. Un mandat qui, bien entendu, pose certaines questions et implique une responsabilité certaine... et ce pourrait être le sujet d’une future journée du RSE.
Silvain Dupertuis