Chronique libanaise du 8 septembre : Un retour haut en couleurs!

mardi 12 septembre 2006
Catherine Mourtada vit depuis une quinzaine d'années à Beyrouth au Liban. Avec l'association Tahaddi, elle anime une école dans un bidonville de Beyrouth pour des enfants analphabètes. Elle visite aussi les prisons libanaises. Après un mois de visite en Suisse, Catherine Mourtada est retournée au Liban la semaine dernière. Cette Suissesse est une envoyée du Trait d'union missionnaire (TUM) de l'Union des AESR. Voici sa chronique du 8 septembre.

Nous voici de retour à Beyrouth après un voyage très agréable, un peu plus long que d'habitude, puisque nous avons dû faire escale à Amman pour remplir les réservoirs. C'était un peu triste d' être le seul avion sur les pistes à Beyrouth et de voir l'aéroport à peu près vide. Mais nous espérons tous qu'avec la levée du blocus, le trafic retournera à la normale. Une amie nous attendait et nous avons été bloquées dans le trafic assez vite, à la hauteur du pont de l'aéroport, un des premiers à avoir été bombardé, et qui se trouve à cent mètres à peine de l'entrée du quartier où nous travaillons.

Des factures et un contrôle technique
Les deux journées suivantes ont été consacrées à alléger mon porte-monnaie du loyer et des factures d'électricité et de téléphone ainsi qu'à remettre ma voiture en marche après ce mois d'immobilité. Elle s'est offerte un check-up chez le mécanicien, puisqu'elle devait passer le contrôle technique déjà en août. Nous sommes allées le passer jeudi, et comme les émissions de CO2 étaient trop élevées, j'ai dû retourner faire un réglage et repasser le lendemain. Le mécanicien chez qui je suis allée m'a dit: « Avec ce réglage, tu vas avoir l'impression que ta voiture est comme morte, alors quand tu auras passé le test, reviens pour que je la règle comme avant...! »
Avec l'embargo, les magasins sont vides de tout ce qui provient de l'étranger: fromages, céréales, surgelés, cosmétiques et autres, mais rien d'essentiel ne manque si ce n'est le lait frais qu'on trouve au compte-goutte, produit par une usine de lait qui ne peut répondre à la demande.

Le retour à l’école
Vendredi, j'avais rendez-vous avec une de nos enseignantes pour aller à l'école et mettre les enfants au courant que le camp aurait lieu dans une semaine. Nous avons retrouvé l'école comme je l'avais quittée début août, ce qui est un sujet de reconnaissance! Il y avait les traditionnelles ordures jetées par les enfants du voisinage, mais pas plus qu'un sac poubelle. Nous avons tout de suite rencontré plusieurs enfants très contents de nous revoir. Une famille qui était réfugiée à l'école baptiste où nous avons aidé en tant qu'association Tahaddi, m'a reconnue et c'était bien de se revoir ainsi. La salutation d'usage, après le drame de la guerre et l'exode forcé, est: "Alhamdu lillah assalamé". Ce qui se traduit à peu près de la manière suivante: « Grâces soient rendues à Dieu, vous êtes de retour en bonne santé ! »
Nous avons alors demandé aux enfants et à leurs parents où ils avaient fui pendant la guerre et comment ils avaient vécu cela. Les enfants étaient enthousiastes à l'idée du camp, les parents étaient un peu plus réticents. On les sent déstabilisés, déboussolés, à peine remis de ce cauchemar qui a hanté une partie de leur été. C'est vrai pour tout le monde d'ailleurs et les gens ont de la peine à retrouver leurs marques. Ils ont l'impression d'avoir vécu quelque chose d'irréel, mais qui pourtant dérange leur réalité au quotidien. Le pays est très instable, politiquement et économiquement, et bien sûr, il faudra des mois pour reconstruire tout ce qui a été détruit: ponts, routes, maisons, usines, réservoirs...

Tout à coup un fumée noire
Alors que nous étions dans la rue à deviser avec les parents de certains de nos enfants, une fumée noire et nauséabonde s'est élevée tout d'un coup au-dessus de nous et des groupes de personnes sont arrivées dans la ruelle où nous nous tenions: « Des gens ont voulu couler une dalle pour transformer leur cabane en quelque chose de plus solide et la gendarmerie a été avertie », nous ont-ils informés. Les gens se sont opposés à la destruction de ce qui avait déjà été fait, à coups de pierre, et l'armée a été appelée en renfort. Le feu a été mis à la cabane et le périmètre de ce quartier bouclé. C'était tout à côté de la maison de notre employée du dispensaire, Zeina, à qui nous voulions rendre visite. Nous n'avons pas pu aller dans cette direction et nous nous sommes dirigées vers le haut du bidonville pour redescendre par derrière, afin de rendre visite à la famille que nous avions retrouvée dans le jardin public pendant la guerre. Ils étaient contents des photos que j'avais prises à ce moment-là et que je leur ai données.

Des jeunes s’automutilent
En remontant à la voiture, nous nous sommes retrouvées nez à nez avec deux jeunes, ensanglantés, portant chacun une lame de cutter dans la main. L'un d'eux m'appelle et me demande si je le reconnais. Nayla n'était pas très rassurée devant le spectacle assez impressionnant de ces deux jeunes tailladés. J'ai finalement reconnu un de nos anciens élèves, qui n'avait pas terminé le cycle avec nous et qui a déjà fait de la prison. Comme nous avons eu les trois soeurs dans la classe après lui, nous connaissons bien la famille et les énormes difficultés dans lesquelles elle se trouve. Je le salue avec un grand sourire étonné, m'approche du jeune homme qui doit avoir dans les 17 ans maintenant et je lui demande le sens de ses agissements mutilateurs. Il me dit que lui et d'autres jeunes ont essayé de faire cela pour impressionner l'armée, espérant ainsi les empêcher de détruire ce qui avait été construit. Cela n'a bien sûr pas marché et leurs entailles ne leur laisseront que les cicatrices amères de leur comportement irréfléchi. Je ne peux m'empêcher de ressentir de la compassion pour ces jeunes tellement livrés à eux-mêmes... Je lui conseille d'aller faire désinfecter ses blessures...
Nous sommes retournées à la voiture, songeuses... et tout de suite dans le bain de la violence au quotidien, celle-là même dont nous parlions dans notre lettre de nouvelles de juillet... avant la guerre!
Vu sur un panneau publicitaire devant un grand supermarché: la photo d'un des ponts détruits avec un arc-en-ciel joignant les deux côtés et ces mots en anglais: « Hope is unbreakable » (« L'espoir est indestructible ») !

Catherine Mourtada

Légende de la photo: Nayla au moment de franchir la frontière entre le Liban et la Syrie en août dernier.


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