La Formation au service dans l’Eglise de la FREE (FSE) a organisé en juin dernier un week-end qui avait pour titre : « Discerner les dons ». Le but avoué des organisateurs était de former à la mise en pratique des dons, tout en parcourant les principaux textes du Nouveau Testament traitant de la question.
L’expérience a été très enrichissante, puisqu’elle a permis non seulement d’écouter l’enseignement biblique au sujet des dons spirituels, mais aussi de s’exercer à leur mise en pratique. Ce fut aussi l’occasion de découvrir la complémentarité des ministères, celui d’enseignement étant complété par des personnes ayant un ministère plus pratique dans l’exercice des dons. Ainsi des ateliers ont donné la possibilité aux participants de s’initier aux dons tels que le parler en langues, la prophétie, la guérison et la libération. Le culte du dimanche matin a permis une mise en pratique communautaire des dons dans une grande liberté et richesse d’expression, un peu dans la ligne de l’enseignement de l’apôtre Paul aux Corinthiens (1Co 14). Le bilan d’ensemble fut très enrichissant et nous a stimulés à poursuivre la démarche dans les Eglises locales.
Pour tenter de transmettre l’essentiel de l’enseignement biblique partagé au cours de ce séminaire, j’ai choisi de m’arrêter principalement à la première épître de Paul aux Corinthiens, sans négliger pour autant les apports de textes parallèles du Nouveau Testament. Etant donné les limites de cet article, je me contenterai de mettre en évidence quelques points forts.
L’importance du discernement spirituel
Pour répondre à la question posée par les Corinthiens concernant les manifestations de l’Esprit, Paul les exhorte à un discernement (1Co 12.1-3). Il faut absolument distinguer ce qu’ils ont vécu dans les cultes païens des manifestations de l’Esprit. Tous les dons sont contrefaits par l’Ennemi que Calvin nommait le singe de Dieu. Deux critères sont proposés ici pour reconnaître l’œuvre de l’Esprit. Un critère christologique et doctrinal : la confession du Seigneur Jésus. Un critère pratique : l’Esprit Saint, contrairement aux puissances de mensonge, ne manipule pas, mais respecte la liberté et par conséquent la responsabilité de la personne.
Une très grande diversité de dons
Le fait de focaliser notre attention sur quelques dons particuliers (parler en langues, prophétie, guérison) empêche d’en découvrir la grande diversité. Un peu comme pour un champignonneur qui ne connaîtrait que 2 ou 3 espèces : sa récolte serait bien limitée ! Cette diversité ne remet pas en question l’unité : elle a sa source en Dieu, le Père, le Fils et le Saint-Esprit ! De plus la complémentarité des dons assure leur unité !
La comparaison des listes des dons présentés par l’apôtre Paul dans le Nouveau Testament laisse apparaître une grande diversité. Il n’y a pas deux listes identiques et pourtant c’est le même auteur qui les a rédigées ! Dans 1 Corinthiens 12 (12.7-11), il mentionne neuf dons ; dans Romains 12 (12.4-8), sept dons. Sans prendre en compte les listes qui énumèrent non pas les charismes, mais les personnes, les ministères donnés à l’Eglise (1Co 12.28 ; Ep 4.11-12) ; la distinction s’impose ! Il paraît donc erroné de vouloir établir une liste exhaustive ! Il semble bien que les manifestions de l’Esprit peuvent varier d’une Eglise à l’autre, d’un contexte culturel à l’autre ! Le propre du Saint-Esprit, n’est-il pas sa capacité de rejoindre chacun dans son vécu personnel, et de rejoindre chaque culture dans sa diversité ! Sans oublier que l’Esprit Saint est l’Esprit créateur, et que rien ne l’empêche d’accorder aujourd’hui à son Eglise des dons nouveaux adaptés à des besoins nouveaux ! Par exemple des dons en vue de la communication de l’Evangile par les mass médias !
La classification des dons
Les Corinthiens appréciaient la valeur des dons selon des critères bien particuliers : pour eux, la manifestation de l’Esprit était d’autant plus extraordinaire que l’intelligence du communicateur était comme déconnectée. Pour les Corintihiens, le summum était dans le parler en langues, ce qui explique la place unique donnée par Paul à l’enseignement touchant à celui-ci dans cette épître (1Co 14 ; il n’en est plus question dans aucune autre épître du Nouveau Testament, excepté bien sûr dans le livre des Actes). Ainsi, quand l’apôtre énumère les dons, il semble prendre le contre-pied des Corinthiens, le parler en langues et son interprétation occupent la dernière place dans son énumération ! Quoi qu’il en soit, la tendance de classifier et d’apprécier les dons et leur valeur selon nos propres critères est aussi une réalité aujourd’hui ! Et les critères ne sont pas les mêmes d’un milieu à l’autre !
La lecture de 1 Coritnthiens (12.7-11) permet d’observer que chaque don est introduit par « à un autre » qui est la traduction du mot grec allos (autre de nature semblable) sauf à deux reprises (avant foi et langues) où Paul utilise le grec hétéros(autre de nature différente : hétérogène). L’ensemble des 9 dons est ainsi partagée en trois groupes :
- les dons de sagesse et de connaissance qui se rapportent à la faculté de l'intelligence;
- les dons de foi, de guérisons, d'opérer des miracles, de prophétie et le discernement des esprits; d'après Godet, ces dons proviennent d'une communication de force, d'une action de l'Esprit sur la volonté;
- les dons des langues et d'interprétation des langues; il s'agit ici de l'action de l'Esprit sur les sentiments.
L'avantage de cette dernière classification est d'abord d'avoir un soutien dans le texte, ensuite de nous aider à mieux comprendre leurs modes d'action ainsi que les facultés humaines qu'ils sollicitent : l’intelligence, la volonté et les sentiments.
Les théologiens pentecôtistes, en fonction de leur expérience et de leur observation, distinguent généralement dans cette même liste trois groupes de trois dons, ce qui se traduit par une mise en pratique correspondante:
- trois dons de révélation: connaissance, sagesse, discernement;
- trois dons d'inspiration: prophétie, langues, interprétation;
- trois dons de puissance: foi, miracle, guérisons.
Si l’on élargit notre vision à l’ensemble des textes du Nouveau Testament, on peut utilement faire les distinctions suivantes, sans en faire des critères de valeur :
- Les dons qui s’expriment par la parole et d’autres dans un service pratique et diaconal. Ainsi l’apôtre Pierre, après avoir encouragé chacun à mettre au service des autres le don reçu, ajoute : « Que celui qui parle transmette les paroles de Dieu. Que celui qui sert accomplisse sa tâche avec la force que Dieu donne » (1P 4.10 Semeur). Veillons à ne pas sous-estimer la valeur des dons « diaconaux » dans l’Eglise qui sont autant de manifestations de l’Esprit !
- Les dons miraculeux et ceux dont la manifestation est moins spectaculaire ! Chose étonnante : la liste de l’épître aux Romains, moins liée à des circonstances que celle adressée aux Corinthiens, ne mentionne aucun don miraculeux (manquent le parler en langues et son interprétation, le don des guérisons, de miracles, de foi, de discernement des esprits).
- Les dons naturels et surnaturels, c’est-à-dire ceux reçus à la naissance et à la nouvelle naissance ! Le Dieu Créateur n'est pas en opposition avec le Dieu Rédempteur. L'apôtre Paul a très fortement conscience d'avoir été mis à part dès le sein de sa mère (Ga 2.16) et il est manifeste que Dieu l'avait préparé et qualifié pour sa mission particulière bien avant sa conversion. Précisons toutefois que pour être utile au Royaume de Dieu un don doit être sanctifié par l'Esprit et consacré au Seigneur.
Ce long développement consacré à la classification des dons nous impose une attitude d’ouverture et d’accueil au grand éventail des dons pour ne pas limiter leur manifestation en nous et dans l’Eglise. Nous devons nous humilier de nos réserves et de nos réticences à la pratique de tel ou tel don accordé par le Saint-Esprit. Et peut-être nous laisser corriger et tempérer par ceux qui ont des convictions différentes. Ce sera à coup sûr une contribution importante à l’unité du corps de Christ. C’est dans cet esprit que Paul conclut son enseignement : « En résumé, mes frères, recherchez ardemment le don de prophétie, et ne vous opposez pas à ce qu’on parle en langues inconnues » (1Co 14.39).
La recherche des dons
Dans la distribution des dons, le Saint-Esprit n'a oublié ni défavorisé personne. Nous avons tous reçu au moins un don, c'est-à-dire une possibilité de servir le Seigneur. Il y a en nous tous une capacité reçue de Dieu à mettre au service des autres. « Tout semble indiquer, écrit Jean Héring dans son commentaire de la première épître aux Corinthiens, que le chrétien ne reçoit pas le Saint-Esprit dans l'abstrait, mais toujours sous la forme d'une aptitude concrète qu'il doit mettre à la disposition des autres. »
Paul insiste à plusieurs reprises dans 1Co 12 sur le fait que chacun a reçu un don:
- v. 7: « Or à chacun la manifestation de l'Esprit est donnée » (la TOB traduit ainsi: « Chacun reçoit le don de manifester l'Esprit en vue du bien de tous »).
- v. 11: « distribuant (les dons) à chacun en particulier comme il veut ».
- v. 18: « Dieu a placé chacun des membres dans le corps comme il veut ».
- voir également Rm 12.3b; 1P 4.10.
Cependant il serait faux de prétendre que les dons sont uniquement donnés à la nouvelle naissance, il est possible d’en recevoir après coup. Timothée a reçu un don au moment de sa consécration au ministère (1Tm 4.14 ; 2Tm 1.6).
Avant de demander au Seigneur un nouveau don spirituel, il est indispensable d'identifier le ou les dons déjà reçus. C’est le rôle de l'Eglise et de ses responsables d'aider chaque chrétien à identifier les dons de ses membres en vue de leur mise en valeur dans la communauté.
L'Ecriture exhorte chaque chrétien à se consacrer à la mise en valeur du don reçu: « Et nous avons des dons différents selon la grâce qui nous a été accordée. Est-ce le don de prophétie? Qu'on l'exerce en accord avec la foi. L'un a-t-il le don de service? Qu'il serve ! L'autre celui d'enseigner ? Qu'il enseigne ! Tel autre celui d'exhorter ? Qu'il exhorte ! » (Rm 12.6-8, d'après la TOB).
Cela n’empêche pas l’apôtre Paul d’encourager, par exemple, celui qui parle en langues à demander le don d’interprétation (1Co 14.13). Tout l’enseignement donné par Paul dans 1Co 12-14 a pour but d’infléchir la prière de ses correspondants dans leur recherche des dons, le Saint-Esprit n’étant pas insensible à la demande ! « Recherchez avant tout à posséder en abondance celles (les manifestations de l’Esprit) qui contribuent à faire grandir l’Eglise dans la foi » (1Co 12.12 Semeur). On a parfois opposé à cette recherche la souveraineté de Dieu, comme si c’était dans ce seul domaine qu’elle s’exerce ! Cette manière de voir signifierait que nous n’avons plus le droit de prier ni de demander quoi que ce soit !
« N’éteignez pas l’Esprit ! »
S’il est vrai que l’apôtre Paul a dû tempérer le zèle excessif des Corinthiens pour les manifestations charismatiques et certains dons en particulier, aux Thessaloniciens c’est au contraire une exhortation à l’ouverture et à l’accueil de l’Esprit qu’il adresse : « N’éteignez pas l’Esprit, ne méprisez pas les prophéties ; mais examinez toutes choses, retenez ce qui est bon ! » (1Th 5.19 Colombe). Veillons en effet à ne pas attrister l’Esprit en particulier en ce domaine des dons spirituels : ni par excès, ni par fermeture ! Laissons-nous guider par l’enseignement de la Parole et surprendre par la richesse du Saint-Esprit. Mettons-nous au bénéfice des divers ministères donnés à l’Eglise pour avancer ensemble dans l’édification du corps du Seigneur !
Marc Lüthi