Des vies qui ont permis les nôtres

lundi 20 juin 2005
Le ciel était affreusement sombre sur l’Europe. On n’était pas remis de « la première guerre » que déjà la deuxième faisait ses terribles ravages à nos portes. A la maison, on mangeait à sa faim, des patates surtout. On n’avait pas le droit de prendre deux fois du fromage au souper, ni de se resservir de beurre. Les trois gamin et gamines prenaient leur bain, une fois par semaine, dans la même eau du gros baquet, rempli à la chaudière...
Il arrivait que le plus petit, apeuré, demande qu’on l’accompagne dans la nuit aux cabinets, à l’arrière de la maison, parce qu’il n’y avait pas de lampe au-dessus de la simple planche percée d’un gros trou noir... L’unique appareil électrique de toute la maison était un fer à repasser. Et encore un poste de radio qui rapportait de terribles menaces...
Le père s’absentait de longs mois, mobilisé par l’armée. La mère était de santé fragile, une maladie incurable devait l’emporter plus tard. Enceinte de son quatrième, elle n’a pas pensé: « Je suis maîtresse de mon corps ». Elle n’a pas même pensé: « C’est une situation de détresse ».
A-t-elle demandé, et le père avec elle: « On garde l’enfant ? » A vrai dire, ils ne se sont pas posé la question. Ils faisaient partie de tous ces gens qui, tout au long des siècles, ont unanimement cru que la vie était sacrée, qu’elle était un don de Dieu qui ne se négociait pas, pas plus avant qu’après la naissance.
Beaucoup avouent aujourd’hui: « On n’a pas pu garder l’enfant ». « L’enfant » justement, et non pas un embryon ou un petit tas de cellules ! « L’enfant qu’elle dit », celle qui déclare: « L’enfant ne s’inscrivait pas dans ma vision d’avenir... » Et aussi celle qui a fait une petite cérémonie, accompagnée de son pasteur, pour marquer le jour présumé de la naissance de son petit refusé...Détresse ? Elle existe certainement, rarement insupportable. Il faut s’appliquer à y remédier, car on ne fera jamais assez pour assister les mères en difficulté. Jamais n’a été autant fait. Ceci étant, ces situations d’épreuve auraient paru, pour la plupart, enviables à des multitudes de couples qui, au cours des âges, ont transmis et respecté les vies fragiles qui ont permis les nôtres, dans des conditions souvent inimaginables pour la mentalité actuelle.

***


La mère a porté l’enfant en elle sur la place du village, pour aller faire la lessive dans le grand bassin commun. Par tous les temps. L’eau était si froide certains jours gris... Puis l’été est venu, et l’enfant a pesé plus lourd aux jours pénibles des foins, quand il fallait bien y aller et tirer le râteau, au raide du soleil...
C’était en 1941. L’enfant a paru. René, né deux fois, qu’on l’a appelé. Je le salue, je suis si heureux de le savoir encore bien en vie !

Son frère : Paul Dubuis

Publicité

Journal Vivre

Opinion

Opinion

Agenda

Événements suivants

myfreelife.ch

  • Pour les Terraz et les Félix, des choix porteurs de vie

    Ven 22 septembre 2023

    Abandonner la voiture et emménager dans une coopérative d’habitation ?... Deux couples de l’Eglise évangélique (FREE) de Meyrin ont fait ces choix qu’ils estiment porteurs de vie. « Le rythme plus lent du vélo a vraiment du sens pour moi », témoigne Thiéry Terraz, qui travaille pour l’antenne genevoise de Jeunesse en mission. « Je trouve dans le partage avec mes voisins ce que je veux vivre dans ma foi », lui fait écho Lorraine Félix, enseignante. Rencontres croisées. [Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Eglises évangéliques.]

  • Vivian, une flamme d’espoir à Arusha

    Jeu 15 juin 2023

    Vivian symbolise l’espoir pour tous ceux que la vie malmène. Aujourd’hui, cette trentenaire tanzanienne collabore comme assistante de direction au siège de Compassion à Arusha, en Tanzanie. Mais son parcours de vie avait bien mal débuté… Nous avons rencontré Vivian au bureau suisse de l’ONG à Yverdon, lors de sa visite en mars dernier. Témoignage.

  • Une expérience tchadienne « qui ouvre les yeux »

    Ven 20 janvier 2023

    Elle a 19 ans, étudie la psychologie à l’Université de Lausanne, et vient de faire un mois de bénévolat auprès de jeunes de la rue à N’Djaména. Tamara Furter, de l’Eglise évangélique La Chapelle (FREE) au Brassus, a découvert que l’on peut être fort et joyeux dans la précarité.

  • « Oui, la relève de l’Eglise passe par les femmes »

    Ven 16 septembre 2022

    Nel Berner, 52 ans, est dans la dernière ligne droite de ses études en théologie à la HET-PRO. Pour elle, la Bible est favorable au ministère féminin. Et les communautés doivent reconnaître avoir besoin tant d’hommes que de femmes à leur tête.

eglisesfree.ch

Suivez-nous sur les réseaux sociaux !