Dans sa lettre aux chrétiens de Corinthe, l’apôtre Paul a l’audace de qualifier la croix de Jésus de folie (1 Co 1.18 à 25) ! Le mot n’est pas tendre et mérite explication. La croix nous plonge en effet dans une réalité incompréhensible, anachronique et surréaliste. Rien dans notre logique ne peut vraiment intégrer cet événement.
Folie religieuse…
Jésus est mis en procès pour un malentendu. Jésus est juif. Il respecte la Torah dans son sens profond. Il est attaché à l'enseignement de Moïse. Certes il s'est érigé contre l'aspect légaliste du judaïsme. Cela le place dans la lignée des prophètes, ce qui aurait dû le valoriser aux yeux du Sanhédrin et des autorités du judaïsme. Pourtant ils l'ont condamné. Folie religieuse.
Jésus est le modèle accompli de la justice humaine. Il fraternise avec tous, il valorise tous ceux qu'il rencontre. Lorsqu'il lui arrive de contester ou d'interpeller certains, c'est encore pour les faire évoluer positivement. Sur le plan légal, Jésus est innocent de toute forme d'accusation. Pourtant, il a été condamné. Folie humaine, juridique et sociale.
Folie politique…
Certains se sont fait peur en voyant les foules des supporters de Jésus et le groupe des disciples. Ils les ont ressentis comme une menace. Une menace toute relative. Dans leur groupe on ne trouve qu'une seule épée. Lorsqu'elle est utilisée, le maître en neutralise les effets. Jésus ne représente aucune menace contre l'Empire. Pilate le reconnaît lui-même. Pourtant il l'a condamné. Folie politique.
Le Père est le Dieu tout puissant, créateur du ciel et de la terre. Tout pouvoir lui a été donné. A l'époque où l'empereur romain s'arroge les pouvoirs suprêmes, on comprend ce que cela veut dire. D'un clic de la main, le Père peut faire intervenir 12 légions d'anges pour arracher son fils à ses bourreaux, le justifier aux yeux de ses accusateurs et ensuite faire mordre la poussière à ses détracteurs. Et pourtant le Père ne fait rien. Folie divine.
Folie d’une Toute-puissance devenue faiblesse
La croix s'inscrit inexorablement dans le destin de Jésus. La logique de la croix est l'amour. L'amour est toujours un don, le don de soi. L'amour est immérité. L'amour aime… même les injustes, même lorsqu'il subit l'injustice. Folie de l'amour total, inconditionnel, de Jésus. Folie de l'Amour indiscible qui meurt crucifié pour "ôter le péché du monde".
Entre le Fils et le Père, les relations semblent paradoxales. On a comme l'impression d'une certaine incompréhension. "Père, toutes choses te sont possibles, éloigne de moi cette coupe… Mon Père pourrait me donner à l'instant plus de 12 légions d'anges… Je suis roi… Père pourquoi m'as-tu abandonné… Père pardonne-leur… Père je remets mon esprit entre tes mains…" Folie de la Toute-puissance divine qui se fait faiblesse.
Accueillir la folie de la croix
Au cœur de cette folie, nous ressentons tous le besoin d'être rassurés. Pour le Père comme pour le Fils, la folie de la croix représente une douleur extrême. La douleur de perdre son Fils, la douleur de la souffrance et de la mort. Au cœur de cette douleur, il reste une présence, celle du Saint-Esprit. Les théologiens orthodoxes affirment que le Saint-Esprit, dans ces instants dramatiques, est le consolateur du Père et du Fils. Il est aussi notre consolateur qui nous permet d'accueillir l'admirable folie de la croix.
Jean-Jacques Meylan, pasteur dans l’Eglise évangélique de l’Oasis à Morges
Quelques références bibliques autour de la folie de la croix : 1 Co 1,18, 1 Co 1,20, 1 Co 1,21, 1 Co 1,23, 1 Co 1,25, 1 Co 2,14 et 1 Co 3,19.