Ecoles chrétiennes : la Bergerie refuse le label de « créationniste »

Martine Pahud et Nicole Rosset
Martine Pahud et Nicole Rosset
mercredi 30 avril 2014

Trois mois après le début de la polémique autour des écoles chrétiennes dites « créationnistes », la directrice et la responsable pédagogique de la Bergerie à L'Isle sortent du bois. Elles détaillent l'enseignement dispensé dans les deux cours qui ont fait l'objet de la polémique. Elles organisent aussi ce samedi une journée portes ouvertes dans leur établissement.

« Cette polémique médiatique a constitué une vraie galère pour nous ! » Martine Pahud est la directrice de l'école chrétienne la Bergerie à L'Isle (VD) qui accueille 64 élèves. Elle se remet tout juste de la tempête médiatique qu'a déclenchée un article de l'agence de presse Protestinfo le 25 janvier dernier. « Il nous arrive de traverser des difficultés avec les médias, avec un parent ou un enseignant, ajoute-t-elle, mais quand on voit un enfant évoluer dans le bon sens et qu'autour de lui tout le monde remarque le changement, on se dit qu'on est au bon endroit ! »
Le soufflé est donc retombé. Les sept écoles évangéliques romandes taxées de « créationnistes » par les médias ont pu se retrouver dans le cadre de leur association Instruire.ch et tirer les leçons de la crise. Les trois écoles vaudoises ont aussi été inspectées suite à l'interpellation déposée au Grand Conseil vaudois par le président des Verts, Martial de Montmollin... Un peu hors de l'eau suite à la tourmente, les responsables de l'école de L'Isle prennent le temps de se confier.

Des perspectives diverses en histoire
« Non ! Notre école n'est pas créationniste ! » martèle Nicole Rosset, la responsable pédagogique de l'école de la Bergerie, par ailleurs ingénieur en mathématiques et en informatique de l'EPFL. « Nous croyons en un Dieu créateur, mais nous n'enseignons pas une lecture littéraliste du livre de la Genèse au chapitre premier, soit une compréhension des origines en six jours de 24 heures et une terre vieille de 6000 ans. Nous proposons à l'élève différentes perspectives. A lui de choisir ! »
Pièces à l'appui, elle montre les fiches du cours d'histoire de 6e HarmoS pour des enfants de 10 à 11 ans. Après avoir évoqué les notions d'histoire et de temps, les chiffres romains et l'archéologie, ce polycopié aborde la question de la création et de l'évolution, un enseignement de deux ou trois périodes de 45 minutes. A la question de savoir comment l'homme est apparu sur notre terre, ces fiches présentent sur quelques pages deux perspectives principales : celle de l'évolution, puis celle de l'ordre de la croyance, la création. Le propos n'est pas d'une subtilité théologique exceptionnelle, puisque l'évolution est rangée du côté des visions agnostique ou athée du monde, et la vision de création comme le lot des croyants qu'ils soient chrétiens, juifs ou musulmans. Dans la page consacrée à la création, tous les croyants sont classés sous le même terme générique de : « créationnistes », qu'ils considèrent le récit de création en Genèse 1 de manière littérale ou « métaphorique ». « Comme l'enseignante à l'origine du cours part en retraite cet été, ajoute Nicole Rosset, les cours vont changer. La sortie prochaine d'un nouveau manuel édité par l'Etat de Vaud nous offre une opportunité intéressante. Nous allons le reprendre et éventuellement y ajouter, mais seulement si cela nous paraît justifié, quelques fiches complémentaires. »

Plutôt évasif en biologie
Le thème de l'évolution est aussi au programme des 9, 10 et 11e HarmoS, soit des élèves de 14 à 16 ans. Là, l'enseignante en biologie se montre discrète sur les thèses évolutionnistes, relève Nicole Rosset. « Jusqu'à maintenant, notre cours fait plutôt référence aux micro-évolutions à l'intérieur des espèces qu'à un parcours général sur l'évolution des espèces. Dans ce cadre, l'essentiel de son enseignement porte sur la biologie humaine. »
Suite à la polémique qui a entouré les sept écoles évangéliques regroupées dans Instruire.ch, l'association a décidé de changer sa manière de communiquer. « Nous avons été assez gravement inadéquats, admet Nicole Rosset, mais c'était la première fois. Nous n'étions pas préparés ! » Dorénavant, Instruire.ch aura un porte-parole qui répondra aux médias. « Les prises de parole au nom de l'association devront représenter l'ensemble des positions des sept écoles sur un même sujet, de manière à ce qu'aucune des écoles membres de ce qui est davantage une amicale qu'une faîtière forte, ne soit en porte-à-faux », ajoute l'ingénieur en mathématiques.
Serge Carrel

  • Encadré 1:

    Nicole Rosset : « Voir un enfant enfin aimer les math, c'est juste 'cadeau' ! »

    Responsable pédagogique de l'école chrétienne la Bergerie à L'Isle (VD), Nicole Rosset réagit à la polémique autour des écoles évangéliques dites « créationnistes ». Cette mère de trois enfants, tous passés par les écoles chrétiennes, défend la liberté des écoles privées face à l'Etat.

    Vous êtes-vous sentie menacée dans votre liberté religieuse durant cette polémique dont les écoles évangéliques ont fait l'objet ?
    Non, nous ne nous sommes pas senties menacées dans notre liberté religieuse, mais dans notre liberté d'enseignement. Plus précisément dans notre liberté d'enseigner selon nos convictions. Lorsque les inspecteurs de l'Etat de Vaud sont venus dans notre école début mars, ils ne se sont pas intéressés à l'enseignement que nous prodiguons avec le matériel officiel romand, mais uniquement à ce qui nous était spécifique. Chaque fois que nos matériels véhiculaient la mention d'un apport caractéristique de notre vision chrétienne du monde, ils ont pris ces fiches-là pour les analyser. On a eu l'impression qu'ils n'appréciaient pas la vision chrétienne que nous injectons dans nos cours.

    Vous semble-t-il normal qu'un Etat qui ne vous accorde aucun financement s'immisce dans un programme d'enseignement ?
    Il me paraît correct que le canton s'assure du fait que nous ne sommes pas des « touristes » qui enseignent des choses farfelues à nos élèves. C'est sa responsabilité ! Mais s'immiscer dans la façon dont on enseigne et dans l'arrière-plan que nous véhiculons dans notre enseignement, ne me paraît pas normal. Les parents qui inscrivent leur enfant dans notre école le font en toute connaissance de cause. Ils sont clairement informés de l'orientation chrétienne de notre école, de plus ils la financent ! A mon sens, l'Etat n'a donc pas à interférer avec la vision du monde que l'on tient à transmettre, mais son rôle est de s'assurer que le niveau de nos élèves est correct. Dans le même temps, ce contrôle rassure les parents et leur montre que l'on fait bien notre travail. Ce qui est le cas puisque tous nos élèves sans exception ont réussi les examens qui leur permettaient de réintégrer l'enseignement public au niveau où ils le souhaitaient : en VSG, VSB ou au gymnase.

    Comment voyez-vous votre rôle par rapport à l'école publique ?
    Nous ne tenons pas à nous positionner contre l'école publique. Nous ne sommes pas impliquées dans l'école de la Bergerie parce que nous serions en désaccord avec l'école publique. Nous voulons simplement offrir une alternative aux parents qui souhaitent autre chose pour leurs enfants : une autre pédagogie, des classes plus petites, une attention plus grande aux besoins de leur enfant...

    Quel est votre projet pédagogique ?
    Notre souhait, c'est que l'enfant soit bien ancré dans son identité, ses valeurs et ses connaissances. Nous aimerions que chacun de nos élèves s'épanouisse dans notre école et que l'on puisse l'amener à son plein potentiel, du point de vue personnel comme du point de vue scolaire.

    Qu'est-ce qui vous motive à enseigner dans une école chrétienne ?
    En tout cas pas le salaire ! (rire...) Je suis motivée par l'amour de Dieu à transmettre à nos élèves. Nous n'avons pas besoin de partir en mission à l'étranger dans un hôpital ou dans une école pour développer un service chrétien. Il y a du travail à faire ici. Pouvoir changer quelque chose dans la vie d'un enfant, c'est juste enthousiasmant ! Quand nous voyons un enfant s'épanouir et enfin aimer les math, alors qu'il ne les aimait pas auparavant... c'est juste « cadeau » !
    Propos recueillis par SC

  • Encadré 2:

    La Bergerie à L'Isle organise des portes ouvertes le samedi 3 mai
    L'école chrétienne de la Bergerie à L'Isle organise une journée portes ouvertes le samedi 3 mai de 10h à 15h avec à 11h et 14h un débat et des infos autour du thème : « Tout ce qu'il faut savoir sur les écoles chrétiennes ».
    Plus d'infos.

    Portes-ouvertes-3-mai-2014

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