La pastorale de la Fédération des Eglises évangéliques libres (FEEL) s’est posé la question du paintball (PB) suite à l’organisation de quelques camps omnisports avec une association chrétienne de France. Cette association propose le PB à côté du VTT, du BMX, du foot, du volley, du basket, de parcours de cordes dans les arbres, du tir à l’arc et à la carabine, etc. Plusieurs personnes ont réagi avec plus ou moins de véhémence, en découvrant cette activité parmi les offres sportives du camp. Avec le pasteur Roger Sewell, nous avons alors décidé de collecter des avis pour nous permettre de nous faire une meilleure opinion sur ce sport récent et controversé.
A l’origine pour marquer le bétail en Australie
Ce jeu apparaît dans les années 80, en Australie. Pour marquer leur bétail, des fermiers utilisent des marqueurs qui projettent des billes de gélatine colorées. Cette pratique du marquage s’est étendue aux hommes, pour des moments de détentes où ces « cow-boys » devaient bien rire ! Par la suite, cette pratique s’est codifiée, et des sociétés ont vu le jour, jusqu’en Suisse. Le PB se joue en salle comme en plein air. Le but du jeu consiste à éliminer ses adversaires en les marquant, afin de s’emparer du drapeau de l’équipe adverse. Il se pratique autant comme sport de détente que comme compétition. C’est un jeu de stratégie et d’endurance. Quelques règles de sécurité doivent être respectées afin de jouer sans risque d’accident, les billes de couleurs étant tout de même projetées à 90 mètres par seconde ! Sans une bonne combinaison épaisse, on risque au plus un bel hématome. Le visage doit impérativement être protégé par un casque de sécurité spécialement adapté !
« Une initiation à l’usage des armes à feu »
La controverse surgit pourtant autour de ce sport sans réel danger physique. Sa pratique n’incite-t-elle pas à la violence ? On s’entraîne à tirer sur des cibles humaines mouvantes, une sérieuse analogie avec la guérilla !
Du côté des opposants, on explique que ce jeu ne devrait pas être pratiqué à n’importe quel âge : il faut être capable de distinguer la réalité de la fiction. Cette confusion pourrait même être entretenue chez des adolescents perturbés. Le rapport à l’imaginaire pose problème aussi par le trop grand réalisme du PB. Certains préfèrent des activités plus symboliques, plus stimulantes pour l’imagination. Le PB banaliserait le meurtre, en permettant à des jeunes de recourir à des armes. En effet, même fictives, les armes du PB peuvent ressembler à s’y méprendre à de vraies armes à feu. Il y aurait donc danger de transmettre aux jeunes le message que les armes peuvent être des jouets. Une arme reste dangereuse.
Le PB ne serait pas un jeu innocent, car il y a réellement mise en situation : un système similaire est d’ailleurs utilisé par certaines polices pour former les agents ! De plus, certains craignent que chez les adolescents la pratique du PB ne les conduise à développer une attitude suicidaire, les habituant à braver l’ordre des choses : « Je peux le tuer. Il se relèvera à la fin du jeu ». « Je peux prendre le risque de me faire tuer. A la fin du jeu, ce ne sera plus valable ! » Appliqué à la réalité, cette attitude observée chez des adolescents se serait déjà révélée dévastatrice !
« Un loisir parmi d’autres ! »
Les partisans du paintball n’y voient qu’un loisir parmi d’autres. Ses quelques similitudes avec l’escrime en font un jeu de stratégie, combatif certes, mais qui développe l’esprit d’équipe afin que les caractères s’affirment. Certains préfèrent que des jeunes bougent grâce au PB, plutôt que de les voir vautrés devant un écran !
Des nuances toutefois sont exprimées, et certains préconisent un encadrement des jeunes pratiquant le PB, voire un débriefing en fin de partie. Ce serait l’occasion d’aborder le sujet de la violence et de la guerre. Les ados qui viennent d’être mis en situation seraient, grâce à un accompagnement adapté, mieux à même de saisir le sérieux et la gravité des actes de violence. Ils pourraient mettre des mots sur des émotions fortes. Une activité qui se révélerait à l’usage éducative.
Certains doutent que ce soit le PB qui suscite le passage à l’acte : des jeunes équilibrés ne sont pas devenus des délinquants en pratiquant ce sport, tandis que d’autres jeunes étaient violents avant de découvrir le PB !
Il m’est arrivé de voir un jeune pleurer à l’idée de jouer au PB. C’était une émotion trop forte pour lui. Il a renoncé et personne d’ailleurs ne l’a forcé à jouer… L’année suivante, il est entré dans « l’arène » avec le même plaisir que les autres ! Que s’est-il passé en une année chez lui ? La société violente l’a-t-elle perverti, ou bien aurait-il mûri, au point d’être plus à même d’aborder ce jeu avec une certaine distance ?
Des camps avec ou sans PB ?
Ces réflexions autour du PB devraient nous amener à prendre une décision quant aux prochains camps : avec ou sans PB ? Et si c’était avec PB, comment bien encadrer cette activité ?
Comme signalé au début de cet article, le débat est ouvert sur le forum du site ww.aesr.ch. Vos avis et vos suggestions contribueront à forger une opinion sur ce jeu et à réfléchir sur la pertinence ou non de l’intégrer à des activités-jeunesse d’organisations chrétiennes.
Olivier Fasel, pasteur dans l'Eglise libre de Villars-sur-Glâne (FR)