Jean-Claude Badoux, pourquoi ce projet de Haute Ecole de théologie ? Le constat actuel, c’est que, pour la première fois depuis le XVIe siècle, il n’y a plus de formation théologique et pastorale à l’Université de Lausanne.
A mon sens, il est toujours très important que, dans une seule et même entité académique, on se préoccupe d'enseignement, de formation professionnelle, de recherche et de développement des connaissances. A l’EPFL, par exemple, il est essentiel que ceux qui y forment les ingénieurs chimistes soient aussi les acteurs de la recherche dans ce domaine.
Qu’est-ce qui vous paraît essentiel dans ce projet ?
Il importe de recruter très large : aussi bien un Chinois qui fréquente une Eglise ethnique dans un sous-sol de Renens, qu’un jeune qui participe aux activités d’une église africaine à Prilly, qu’un autre qui provienne d’une communauté sud-américaine; et certainement bien sûr des gymnasiens venant des milieux évangéliques ou réformés.
La nécessité de ce recrutement large et diversifié des étudiants vaut aussi quand il s'agit de choisir les Professeurs.
Quand vous dites « recruter large », s’agit-il de ne pas exiger de maturité fédérale pour entrer dans cette Haute Ecole ?
Non ! Je crois aux études qui impliquent une maturité, mais je parle de « recruter large » dans l’origine confessionnelle des étudiants.
On vous rétorquera qu’il y a aujourd’hui une Faculté de théologie à Genève à même de recruter la population dont vous parlez…
Absolument pas ! Pour que Genève corresponde à ce projet d’école, il faudrait que cette faculté soit prête à ne pas recruter que parmi des réformés et à être une faculté protestante dans un sens inclusif. Si cela se faisait, y compris au niveau des professeurs, alors je serais le premier à saluer cet effort ! Mais cela fait beaucoup de « si ».
Cette Haute Ecole de théologie, à quoi devrait-elle ressembler ?
Je crois d’abord au nombre, à la masse critique. Si on veut un soutien, qu’il soit public ou privé, si on veut une adhésion du pays à une institution, il faut un certain nombre de personnes. Il faut que les étudiants puissent échanger entre eux. Il faut qu’ils puissent se « bagarrer »… Il ne suffit pas d’avoir 20 professeurs de théologie pour avoir une bonne institution, même si ces professeurs publient beaucoup. Il y faut absolument des étudiants !
On ne va pas mobiliser autour de ce projet des jeunes qui ne participent jamais à la vie d'une Eglise chrétienne. On va mobiliser des jeunes confrontés à cette question : suis-je appelé à devenir pasteur ?
Il est encore temps de construire quelque chose. Nous n’arriverons à atteindre ces nombres minimaux que si les pasteurs des Eglises réformées et de toutes les Eglises évangéliques et ethniques ont envie d’envoyer leurs meilleurs éléments dans ce lieu de formation. Il faudra qu’il attire aussi quelques Suisses allemands et quelques Français…
Concrètement, cette Haute Ecole pourrait-elle bénéficier d’un soutien de l’Etat ?
Pour moi, ce n’est pas la question essentielle. En Corée, les universités que je visite sont soit d’Etat soit privées… En final c’est une question de volonté !
A votre avis, ce projet pourrait-il permettre en Suisse romande de rassembler réformés et évangéliques ?
Oui ! Même si ce n’est jamais facile de rassembler les différentes tendances chrétiennes. Ce projet peut et doit rassembler réformés et évangéliques.
Et quand on se bat pour un but, il y a toujours des retombées positives !
Propos recueillis par Serge Carrel
Bio express
Jean Claude Badoux mène une retraite très active. A 77 ans, cet ancien président de l’EPFL (1992-2000) représente les ingénieurs suisses et les Ecoles polytechniques fédérales dans de nombreuses instances internationales. Il a présidé le Conseil synodal de l’Eglise évangélique réformée vaudoise de 1986 à 1990.