ISCAS : 3 ans de formation pour nourrir notre spiritualité par Jean-Jacques Meylan

vendredi 26 juin 2009

Du 24 au 26 avril derniers, la formation ISCAS, comme Initiation à la spiritualité chrétienne et à l’accompagnement, a tenu sa dernière session à la Pelouse à Bex. Près de 70 personnes ont suivi la première année, puis une quarantaine pour les deuxième et troisième années. Echos de cette démarche de la formation d’adultes de la FREE, qui visait à encourager le ministère d’accompagnateur spirituel dans nos Eglises.

Les auteurs du Nouveau Testament utilisent souvent l’expression « en Dieu » (Co 3,3). Ces mots sont riches, denses, chargés de mystère, d’une profondeur et d’un sens infinis. Cette profondeur, nous avons cherché à la découvrir au cours de 3 années du séminaire « ISCAS » (Initiation à la spiritualité chrétienne et à l'accompagnement spirituel). A vrai dire, la spiritualité est commune à chaque chrétien. Chaque fois qu’il prie, chaque fois qu’il chante... il exprime sa spiritualité. La spiritualité est à la foi chrétienne ce que la respiration est au corps humain. Nous n’avons rien inventé d’exceptionnel... simplement nous avons souhaité découvrir comment certains ont vécu leur spiritualité au cours de l’histoire pour en tirer des leçons.

La spiritualité dans l’histoire
Les premiers témoins d’une spiritualité vivante sont les auteurs du Nouveau Testament eux-mêmes. L’apôtre Jean la résume par ces paroles de Jésus : « Demeurez en moi, comme moi en vous » (Jn 15.4). Dans l'Antiquité, alors que la foi était menacée de dilution dans le paganisme ambiant, les Pères de l'Eglise et les moines du désert ont développé une piété exigeante et rigoureuse. « Voici les 3 choses que Dieu exige de tout baptisé : de son cœur une foi droite, de sa langue la vérité, de son corps la tempérance », affirmait Abba Grégoire. Abba Arsène observait : « Si nous cherchons Dieu, il nous apparaîtra, si nous le retenons, il restera près de nous ».
Au Moyen-Age, alors que l’Eglise était devenue l'un des piliers de la société, c'est souvent dans la retraite et le silence des monastères que des hommes et des femmes ont vécu l'expérience particulière de la présence de Dieu. En Allemagne, Maître Eckhart et Jean Tauler nous invitent à « nous abandonner à Dieu » en cherchant seulement sa volonté de tout notre zèle. « Sache que si tu cherches de quelque manière ton bien propre, tu ne trouveras jamais Dieu parce que tu ne cherches pas exclusivement Dieu. »
Plus tard, Jean de la Croix nomme cette expérience une « union d'amour avec Dieu » qui souvent est l'aboutissement d’un long cheminement, parfois douloureux, qu'il nomme « La nuit obscure ». Thèrèse d'Avila propose un « chemin de perfection », fait d'une consécration sans cesse renouvelée à Dieu et à notre prochain. Ignace de Loyola instaure des exercices spirituels qui sont encore appréciés par beaucoup aujourd'hui.
Survient la Réforme. Il est notoire que Luther et Calvin ont été des hommes pétris d'une grande spiritualité. A propos de la prière, Luther écrit ceci : « Quand tant de bonnes pensées vous viennent, il faut laisser le champ libre à ces pensées, les écouter en silence et à aucun prix ne les entraver, car c'est le Saint-Esprit lui-même qui parle dans ce cas. Et une seule de ces paroles vaut infiniment plus que mille prières que nous pourrions formuler. »
L'esprit de la Réforme s'est poursuivi chez les anabaptistes, dans le méthodisme et le piétisme allemand. Au XIXe siècle, le Réveil et finalement le pentecôtisme ont aussi largement exploré cette voie. Ami Bost, l'un des initiateurs du Réveil, en parle comme d'un événement « pur, désintéressé, directement dirigé vers le Royaume des cieux, plein de renoncement et spirituel ». A un moment de sa vie il doute que ces buts soient atteints car, dit-il, « l’abandon à Dieu n’a pas été total ». Une invitation à poursuivre le projet originel !

Une spiritualité incarnée
Apprendre à connaître les écrits des maîtres spirituels n'est pas un simple exercice de savoir. Cela nous a conduits à reconsidérer notre propre spiritualité, afin de l'incarner dans notre quotidien par les différents types de prières, la lecture de la Bible, un discernement aiguisé de la volonté de Dieu et de son action, la traversée des deuils, le pardon, etc. Nous avons également réfléchi aux différentes étapes de la vie spirituelle pour en discerner les caractéristiques. De même, nous avons cherché à découvrir notre personnalité au travers d'un outil vieux comme le monde : l'ennéagramme.

Une spiritualité à l'oeuvre
L'objectif final de notre séminaire consistait à nous familiariser avec l'accompagnement spirituel. Il y a plusieurs manières de vivre une relation aidante à notre prochain. Il y a la psychothérapie, le coaching, les diverses démarches thérapeutiques (la relation d'aide, le conseil pastoral, etc.). Ces approches sont à l'évidence très utiles. Elles sont des démarches « scientifiques » dans lesquelles le regard posé est celui d'un « spécialiste » qui cherche à résoudre un problème particulier. L'accompagnement spirituel est différent. Il propose une écoute globale de la personne à la lumière de Dieu. Il s'ouvre à l'œuvre de l'Esprit Saint qui agit dans la personne, dans son affectivité, son corps, son esprit. Il offre le regard d'un frère ou d'une sœur aidants, une écoute attentive qui permet de discerner l'oeuvre de Dieu dans la vie de l'accompagné.
Ainsi, chaque participant du séminaire a été invité à être accompagné par un(e) conseiller(ère) spirituel(le) afin, ensuite, d'offrir lui-même un accompagnement à autrui. Pour encourager chacun à développer ses charismes d'accompagnateur, nous avons été invités à rédiger le résumé d'un entretien (un verbatim). Puis ces verbatims ont été étudiés en groupe. Un exercice éminemment utile et édifiant.

Perspectives
Environ 70 personnes ont suivi la première année du séminaire qui se tenait dans les locaux des diaconnesses de Saint-Loup (VD) et conjointement avec elles. Les 2 années suivantes entraient dans une démarche plus pratique. 36 personnes ont suivi régulièrement les sessions des 2e et 3e années. Des liens forts se sont tissés entre les participants, au point qu'ils désirent poursuivre par des week-ends sur ce thème. Par ailleurs, si aucun nouveau cycle n'est programmé en Suisse romande pour l'instant, ceux ou celles qui désireraient vivre une telle dynamique peuvent rejoindre un groupe qui commencera à Paris cet automne ou s'inscrire à un tel séminaire qui devrait débuter l'an prochain au Bienenberg (BL)*.

Les orateurs
Les enseignements ont été apportés par plusieurs intervenants. Mais ce sont Linda Oyer et Louis Schweitzer qui ont été les noyaux du projet et les orateurs principaux. Ils ont su admirablement nous partager leurs compétences et leur sensibilité en la matière. Ils seront les orateurs des conférences de Lavigny en janvier 2010 sur le thème des étapes de la vie spirituelle.
Jean-Jacques Meylan

* Pour tout renseignement : jean-jacques.meylan @lafree.ch.

Ouvrages recommandés :
- Louis Schweitzer, Les chemins de la vie spirituelle, Esquisse d’une spiritualité protestante, Paris, Cerf & Excelsis, 2003, 160 p..
- Alain Mattheeuws, Conduits par l'Esprit Saint, L'accompagnement spirituel, Paris, Parole et Silence, 2002, 142 p.

  • Encadré 1:

    Une formation qui prend la forme d’un vrai chantier
    Les sept sessions d’ISCAS sur trois ans ont pris la forme inattendue d’un vrai chantier! Et un temps d’approfondissement personnel reste nécessaire tant les matières enseignées furent abondantes, parfois complexes, profondes et denses.
    Un travail personnel sur Maître Eckhart, un grand spirituel précurseur de la Réforme, m’a permis de découvrir la richesse de sa pensée, ses combats et sa perception de la grâce qui l’a conduit à écrire : « Le seul fait d’être aimé de Dieu suffit à justifier notre existence »…
    Lynda Oyer et Louis Schweitzer nous ont partagé leurs réflexions sur les différentes phases du cheminement spirituel, sur le sens de l’accompagnement spirituel, sur le pardon et sur ce qui se joue lors d’une perte et dans un temps de deuil.
    Toutes nos rencontres furent des temps de communion et d’échanges d’une rare qualité. Un tout grand MERCI aux organisateurs, à nos enseignants et surtout au Seigneur pour ce temps béni d’apprentissage !
    Claire Kristol, Delémont

  • Encadré 2:

    L’occasion d’explorer des profondeurs insoupçonnées
    Ces trois années à ISCAS m’ont permis de découvrir la richesse et la diversité des spiritualités chrétiennes, notamment par l’étude des Pères de l’Eglise. Prendre conscience de la relation entre notre personnalité et notre spiritualité m’a aidé à mieux comprendre pourquoi nous vivons notre foi de manière si différente ! Cela m’a apaisée et affermie dans ma manière d’exprimer et de vivre ma relation à Dieu, aux autres et au monde. Cela m’aide aussi à respecter ceux qui pensent et agissent différemment.
    Choisir d’être accompagnée par une tierce personne, exposer volontairement certains domaines de ma vie spirituelle à un regard extérieur bienveillant me permet de prêter une plus grande attention à ce qui se passe en moi et m’ouvre à des chemins d’évolution.
    Durant ce cours, nous avons aussi été invités à des exercices spirituels qui me sont d’un grand secours pour progresser dans l’écoute de Dieu et de sa Parole. Il me semble que je suis en train d’explorer avec délice des profondeurs que je n’avais pas encore soupçonnées et que j’aimerais faire connaître autour de moi.
    Isabelle Crausaz, Gland

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