« Ça nous colle aux baskets, parce qu’il y a des gens qui ne font pas la part des choses ! » Sous des apparences très bonhomme, le pasteur Jean Zida, 70 ans, développe son propos clairement. Ce Suisse, originaire du Burkina Faso, vit depuis plus de 40 ans sur la Côte vaudoise. Il en a marre que les Africains soient associés à des dealers de drogue. « Dès que certains Suisses voient une personne de couleur, ils ont peur ! » constate-t-il. Et à cet habitant de Lavigny (VD) de raconter avec des fulgurances d’accent vaudois dans la voix que c’est parfois difficile, quand on est pasteur évangélique, de voir une femme s’agripper à son sac et le ramener à soi quand il arrive. « Ce sont des gestes qui font mal et qui poussent à se demander comment on est accueilli. »
Au service d’une mission avant-gardiste
Jean Zida ne se veut pas alarmiste, mais il concède que des formes de racisme suintent dans le quotidien. « C’est parfois difficile de vivre en Suisse romande quand des gens vous regardent et que leurs yeux vous disent indirectement : ‘Que faites-vous ici ?’ » Jean Zida connaît les Vaudois depuis suffisamment longtemps pour dire qu’« il faut que les gens apprennent à vous connaître et qu’alors, chez la plupart, vous avez votre place et vous êtes bien accueillis. Mais, souligne-t-il, il faut du temps ! »
Arrivé en Suisse en 1975 après des études de théologie en Angleterre, Jean Zida a rejoint l’Alliance missionnaire internationale (AMI), fondée par le couple missionnaire franco-suisse André et Josette Brisset, pour y développer de manière avant-gardiste le soutien de projets conduits au Burkina Faso par des Africains. Le jeune burkinabé épouse la fille adoptive des Brisset et développe en parallèle un ministère pastoral sur Lausanne. Il lance une première Eglise africaine qui tient des cultes dans le centre de la capitale vaudoise, à la chapelle des Terreaux, et qui accueille principalement des Congolais. A cause d’un réaménagement des lieux, cette Eglise se déplace à Pully et l’Eglise réformée vaudoise lui loue la chapelle du Coteau. En 2002, Jean Zida lance une nouvelle Eglise à l’ouest de Lausanne. Aujourd’hui, cette communauté, qui tient ses cultes à Ecublens, est composée de personnes issues de 27 pays différents, avec plusieurs Européens.
L’Eglise locale, médiatrice culturelle
« Au milieu des années 70, quand je suis arrivé en Suisse, il y avait peu d’Africains. La plupart étaient des requérants d’asile et c’était important que ces personnes entendent l’Evangile avant, pour beaucoup, de retourner chez eux. » La situation est différente aujourd’hui. Beaucoup d’Africains ont obtenu le droit de rester en Suisse et « une Eglise locale est l’occasion pour ceux qui arrivent de bénéficier d’une référence, de se retrouver, de s’habituer au pays qui les accueille et de bénéficier des conseils des plus anciens pour bien s’intégrer. »
Pour le pasteur Zida, les Eglises africaines ont toute leur pertinence en Suisse. « Quand des Africains arrivent dans une Paroisse réformée ou une Eglise évangélique vaudoise et qu’ils commencent à prier comme en Afrique, ça dérange ! Quand ils se retrouvent dans une communauté principalement africaine, ils se sentent à l’aise pour la prière. Ils chantent fort et cela ne dérange pas les bons Vaudois que nous sommes ! »
Pour ne pas laisser les deux Eglises de Pully et d’Ecublens sans lien avec des Eglises suisses, Jean Zida a souhaité les rattacher à l’Union des Eglises évangéliques de Réveil (UEER), un mouvement d’Eglises que le pasteur connaissait déjà au Burkina, par des missionnaires français et suisses qui s’étaient engagés dans son pays natal.
Du beau monde pour les 50 ans de l’AMI
A Pâques dernier, l’Alliance missionnaire internationale qu’il dirige a fêté ses 50 ans. De nombreux représentants d’Eglises d’Afrique de l’Ouest ont fait le déplacement de Lausanne pour marquer l’événement. Ils ont aussi témoigné de leur reconnaissance pour une œuvre missionnaire qui soutient des Africains, pasteurs et acteurs sociaux, qui oeuvrent sur le terrain en annonçant l’Evangile de Jésus-Christ ou en s’engageant dans des projets concrets comme la construction de puits ou le suivi des orphelins. « Ces deux dimensions sont importantes, souligne Jean Zida, parce que, comme le dit l’apôtre Jacques, la foi sans les oeuvres et morte (Jacques 2.20) ! Nous parlons de Jésus et nous témoignons concrètement de son amour en allant à la rencontre des humains pour les aider dans leur quotidien. »
Serge Carrel
L’Alliance missionnaire internationale (AMI) est sur Facebook.
Voir l’émission Ciel ! Mon info avec Jean Zida