« Un congé quoi ? » Jonathan tombe des nues. Apprenti-menuisier, il fait partie de la très grande majorité des jeunes Suisses qui n’ont jamais entendu parler du congé-jeunesse. Cette appellation correspond à une sixième semaine de « vacances » offerte aux 16-30 ans par la loi en vue d’un engagement solidaire (article 329 e du Code des obligations, voir ci-dessous). « Je ne connais pas, mais sûr, ça m’intéresse », indique Jonathan, alléché.
Alors jeunes salariés romands, posez donc vos outils sur l’établi, vos stylos à côté du clavier et vos uniformes au vestiaire et captez enfin l’information suivante : possibilité vous est effectivement donnée de bénéficier d’une semaine de vacances supplémentaire chaque année pour participer de façon bénévole à une activité de type communautaire (*).
Un droit méconnu…
Obtenu il y a plus de 15 ans par le Conseil suisse des activités de jeunesse (CSAJ), ce congé veut stimuler l’engagement citoyen et le sens des responsabilités. « Notre organisation faîtière compte 500'000 jeunes dans les diverses associations que nous chapeautons, indique à Berne Marjory Winkler. Pour ces jeunes, le congé-jeunesse est je crois chose connue, même si nous ne disposons pas de chiffres pour l’attester, car tout se fait entre employeurs et employés. Mais je reconnais que, dans certains milieux, il n’est pas connu du tout. C’est très regrettable ! »
« Il n’y pas de mention ‘congé-jeunesse’ dans les fichiers de l’administration cantonale, glisse à ce propos et non sans malice Aurélie Fayet à Lausanne. Je crois qu’ils ont inscrit ma demande sous ‘congé extraordinaire’ ! La première fois que j’en ai fait la demande, mon chef n’était pas enchanté ; il ne savait en fait pas de quoi il s’agissait. Les démarches ne sont pas compliquées, mais elles prennent du temps. »
Aujourd’hui pharmacienne doctorante au Centre hospitalier universitaire vaudois, Aurélie vient de prendre pour la quatrième année consécutive son congé-jeunesse. Pourquoi ? Pour encadrer des enfants dans des camps de l’organisation Espoir romand. « J’aime bien les enfants ; le fait de pouvoir passer une semaine avec eux m’est toujours bénéfique. Et puis, on est perdu au fin fond du Jura bernois, c’est très ressourçant », explique-t-elle.
D’un naturel réservé, Samuel Bürki, lui, a exploité en 2008 pour la première fois son droit au congé-jeunesse. « J’ai toujours bien aimé les camps. J’avais l’habitude d’en faire 2 ou 3 chaque année. Maintenant que je suis salarié, ce n’est plus possible. J’ai demandé à mon patron une semaine supplémentaire prise sur le congé-jeunesse. Je crois que c’est le directeur de la Ligue pour la lecture de la Bible qui m’avait parlé de cette possibilité. Mon employeur était ok. Cela me fait bien sûr un trou dans mon salaire, mais ce n’est pas un gros sacrifice. Je ne me suis pas posé la question du manque financier, en fait. »
… à faire connaître absolument !
Comme Aurélie, Samuel a fait des camps depuis tout petit et régulièrement. Il explique que les colonies auxquelles il participe actuellement lui donnent l’occasion de s’exprimer au niveau de sa foi. « Je reçois beaucoup des jeunes de 13 à 17 ans dont je m’occupe à chaque fois. C’est toujours intéressant. Ce congé-jeunesse me permet de poursuivre cette activité quelques années encore – j’ai 27 ans – et il est à faire connaître : les camps, c’est fatigant, et on a besoin de vacances à côté. Si on peut allier les deux, c’est tout bénéf’, pour les organisateurs de camps et pour nous, moniteurs et responsables. Et pour les enfants, enfin, qui gardent des gens motivés à leurs côtés ! »
L’idée du congé-jeunesse est donc excellente. Mais pourquoi est-il aussi peu utilisé et méconnu ? Une étude menée par une sociologue de l’Université de Berne montrait il y a six ans déjà que les jeunes Romands étaient moins bien informés sur le sujet que leurs alter ego alémaniques, de même que les filles en général et les jeunes qui ont suivi la voie primaire. « Le congé-jeunesse est un arrangement à l’amiable entre le patron et l’employé : quand on est jeune, c’est en fait un mauvais plan, car les entreprises le voient d’emblée d’un mauvais œil », commente tout de go Olivia, qui l’a pourtant sollicité dans le cadre du WWF il y a 2 ans. « Même s’ils ont des droits, les apprentis n’osent pas les faire valoir. Quand je parle autour de moi de ce congé, on me répond d’ailleurs souvent : ‘Tu ne connais pas mon patron !’ En clair, il faudrait que la formule et ses bénéfices soient relayés auprès des employeurs. Il faudrait aussi que les jeunes s’encouragent et osent malgré tout faire valoir ce droit qui reste une idée excellente, même si elle est difficile parfois à concrétiser. » Aujourd’hui animatrice socioculturelle à Genève, Olivia vient d’ailleurs de remplir à nouveau les papiers nécessaires pour reprendre un congé-jeunesse.
Gabrielle Desarzens
(*) Le congé-jeunesse peut se prendre dans le cadre d’activités culturelles, religieuses, sociales ou écologiques très diverses. Il s’adresse à des jeunes qui s’intéressent au mouvement scout, qui s’engagent comme moniteur dans un camp, mais aussi à ceux qui militent pour les Droits de l’Homme ou pour un mouvement qui prône la non-violence. Il concerne aussi ceux qui désirent suivre une formation au sein de la Croix-Rouge, de l’Alliance suisse des samaritains ou dans le cadre des cours de l’éducation active (CEMEA) par exemple.
Plus d’infos sur le congé-jeunesse auprès du CSAJ, tél. 031 326 29 29 ou sous www.conge-jeunesse.ch.