Une entreprise cherche à stopper l’érosion de ses recettes. Elle cherche l’astuce, la «clé marketing», la bonne communication qui la fera sortir de la crise ou du risque à venir. Réaction compréhensible! Pourtant, le «comment gagner» a tendance à se substituer au «pourquoi» ou au «pour qui». Le sens ou la fonction sociale d’un projet disparaît au profit de l’intérêt privé.
Chercher une recette, en évacuant le sens et l’origine d’une perte d’argent ou de résultat, est un piège. Car le déficit vient souvent d’une rupture avec son propre public: une rupture de lien social. Sans forcément l’exprimer, le client a le sentiment d’être exclu ou instrumentalisé. Pourquoi? Parce que son besoin n’est pas satisfait et qu’on ne s’intéresse qu’à ce qu’il peut «rapporter».
L’économie a peur...
L’entreprise est là pour réussir et faire du profit. Tout est bon pour atteindre ce but: baisse de prix, publicité accrocheuse, logo XXL, mailings agressifs ou remplis de promesses... Mais c’est oublier que le consommateur est saturé de promotion, et qu’il devient indifférent à toute forme d’accroche publicitaire. Faire du vrai marketing? Pas le temps! Il faut vendre et faire de la marge, rapidement et sans trop d’investissement. Le consommateur cherche du sens, mais l’entreprise et ses actionnaires l’ignore. Car l’économie a peur de perdre! Elle ne veut rien donner.
... et le consommateur attend!
Le consommateur attend de recevoir de la part d’une entreprise qui ne veut pas donner. Et l’entreprise attend que le consommateur lui donne son argent! Mais ce consommateur ne veut plus le lui donner n’importe comment. Malgré les efforts commerciaux de l’entreprise, l’écart se creuse avec ses clients. Les signes ne trompent pas: chiffre d’affaire en déclin, saturation du consommateur zappeur et volatile, difficulté à fidéliser ses clients, augmentation des prix des matières premières...
La stratégie marketing ne peut ignorer les forces de son environnement, telles que les comportements sociaux. Le citoyen peut être un acteur consentant pour faire grandir le chiffre d’affaires de l’entreprise. Ce n’est certes pas son objectif, mais s’il est considéré et respecté, il sera prêt même à payer plus cher. Son attente est de savoir s’il peut donner sa confiance à l’entreprise qui lui vend des produits, des services ou des idées. On ne crée pas un client, on le rencontre: il attend... d’être aimé!
Quête du saint Profit
Aimer n’est pas avoir un style à contre-courant, une utopie ou un concept mielleux. C’est une réalité qui devrait reprendre sa place dans le marketing. La performance ou la réussite financière sont quotidiennement évoquées dans les médias. Celui qui gagne de l’argent «est un bon»... pas un être qui aime!
La saturation de l’économie de marché est à notre porte, révélée par un mouvement de fond du public. Ce n’est pas une contestation, mais un choix, un désir de vivre autrement la communauté. Les tendances d’achat vont de plus en plus vers le seconde main, la réutilisation de produits considérés comme peu modernes ou plus éthiques, le commerce équitable, les produits bio, les discounteurs. C’est une quête du vivre mieux.
Au commencement, le marketing?
Le principal moteur de la société est d’être performant, d’atteindre des objectifs. Peu importe le moyen. La performance est au centre et l’être humain ne doit plus avoir d’émotions, de sens et de lien social. Or cette mentalité du succès est contraire à l’abondance promise par Dieu.
La Bible enseigne le «vivre la réussite» ou le «savoir vivre en gagnant», comme une résultante, plus que comme un objectif à atteindre! «Voulez-vous être grand? dit Jésus. Commencez par être serviteur!» Ou: «Tout ce que fait cet homme lui réussit» (1). Un arbre fruitier est fait pour donner et produire. Sa santé dépend de ce qu’il est, de ses racines qui puiseront son énergie et de son exposition. Ses fruits sont la résultante de tout cela. Il en va de même pour nous et pour toute communauté organisée.
Relations et lien social
La recherche du profit est une erreur d’objectif, éloignée de la Bible: «Ne cherche pas à faire du profit» (2). Je n’ai jamais vu d’entreprise trouver son bonheur en faisant du profit. Peut-être une certaine satisfaction... La performance économique et la pérennité d’une entreprise viendra de la réponse qu’elle donne aux besoins de son public et de sa communication avec lui: réciprocité, interactivité, crédibilité. Cette trilogie résume le vrai marketing, le vrai marché: une dynamique de relations et de lien social!
Ethique et politique sociale d’entreprise
En réaction à plusieurs crises, le monde marchand a tenté de donner une tonalité plus sociale à l’entreprise. Pour l’instant, il s’agit plus d’un jeu sémantique et commercial que d’une réalité: pour faire du chiffre, il faut trouver ce qui «sonne bien» aux oreilles du citoyen. Un publicitaire n’a pas hésité à dire: «Il faut savoir utiliser des termes à connotation non marchande et sociale pour vendre un produit de consommation.»
Malheureusement, la motivation des vendeurs n’est pas de se rapprocher des clients, mais de trouver des remèdes pour se protéger des crises financières. Pourtant, répondre aux besoins sociaux et humains n’est pas opposé à l’économie! L’entreprise devrait créer du lien. Le dialogue instauré légitime le produit qui est un élément de réponse aux besoins de l’autre. Un client satisfait est une personne écoutée et respectée dans ce qu’elle est, et non dans ce qu’elle paie!
Le marketing... du don!
La responsabilité sociale de l’entreprise n’a de sens que si sa politique commerciale tient compte des gens. Aimez la personne... et vous aurez un client! Quand l’entreprise donne, son chiffre d’affaires grandit. Le marketing est un art. Non pas une science qui se résumerait à la vente! C’est l’art de répondre aux besoins socioéconomiques des citoyens. Un marché est animé par le principe bien connu de l’offre et de la demande. Non pas de vendre des produits comme réponse à des attentes qui n’existent pas! Le consommateur est une personne qui a d’autres besoins que celui d’acheter. Des besoins qui s’expriment par une autre forme de transaction, bien plus ancienne que la vente: le don, à l’origine de la vie et de la communauté.
Le don, le dû... et les patates!
Le don est bien plus performant que le dû. Recevoir un croissant en échange de deux francs est un dû. Mais cette transaction limite le succès, car le don est absent. Par contre, quand le vendeur m’accueille et discute avec moi, il me donne de son temps, je me sens respecté et écouté! Le don est naturel. Un fermier m’a dit un jour: «Les patates vont bien donner cette année!» Car il avait donné son temps et ses semences à la terre. Lorsqu’on donne de son temps pour une personne, elle reçoit bien plus en retour! Plus le lien social est présent, plus l’économie se développera. En ce sens, on ne crée pas un client, on le rencontre. Comme on ne crée pas un chrétien, on cherche et rencontre la brebis perdue!
Le don... pour réussir!
Pour réussir, l’entreprise doit donner son temps, ses idées, ses services ou ses produits. Si elle (se) donne, elle gagnera. Elle devrait axer sa politique commerciale sur trois dons: l’argent, le temps et la confiance. Le don de soi est la première étape: si un client me fait confiance, il donnera son argent et son temps! Plus le lien social est fort, honnête et vrai, plus le lien de marché se développera. La résultante? Un bon chiffre d’affaires!
Dans le quotidien 24Heures du 1er septembre 2008, une question était posée: «Pourquoi, malgré la bonne croissance commerciale de la Suisse, le consommateur a-t-il le moral au plus bas? Est-ce l’augmentation des prix de consommation?» Une journaliste de la TSR me posa un jour cette question: «La planète consommation est en ébullition. Le consommateur va-t-il chercher une autre manière de vivre et de consommer?»
Rencontrer le Dieu qui donne...
Oui, le consommateur veut être est autre chose qu’un chiffre d’affaires ou un numéro. En quête de lien social, il a besoin d’être reconnu. Il veut être un «consomm’acteur» pour vivre mieux. Il ne cherche pas à acheter: il est en quête d’un bien-être plus complet. Le style économique actuel ne peut pas durer. Il y a trop de crises! Impossible de vivre dans une société basée sur la séduction, par de fausses promesses de réussite, et sur la performance dénuée d’humanité.
La Bible nous a donné un seul chemin pour réussir: le don. C’est la clé de notre réussite! Et si nous encouragions la transaction qu’est le don? Notre société rencontrerait plus facilement Dieu qui «a tant aimé le monde qu’il a donné...» Votre marché est-il morose? Aimez le consommateur et il rendra bien plus que ce que vous aurez donné!
Eric Jaffrain
Notes
1 Mt 20.26; Ps 1.3
2 Ez 18.8