« Minarets : le prix de la peur » (Signature sur la RSR), « La peur et l’ignorance » (éditorial du Temps)... L’interprétation proposée par les éditorialistes pressés d’un jour d’élection veut nous faire croire que le oui à l’initiative anti-minarets serait de l’ordre de la peur de l’autre, de l’irrationnel et de l’ignorance... Une réaction complètement moyen-âgeuse, quoi ! C’est trop simple ! Et même complètement simpliste !
Une telle interprétation ne tient nul compte d’un débat de valeurs à nouer avec l’islam ! A entreprendre absolument ! Et là on peut remercier les personnes qui ont voté oui à cette initiative – parmi lesquelles je ne compte pas ! – de poser aujourd’hui et maintenant un signal fort... et de dire : « Halte-là ! »
Par cette votation du 29 novembre, les Suisses veulent tout simplement défendre un certain nombre de valeurs auxquelles ils tiennent et sur lesquelles nous sommes en débat avec nombre de personnes de traditions musulmanes, que l’on ait voté oui ou non à l’initiative.
- Notre espace sonore public ne doit pas être occupé par des appels à la prière diffusés par haut-parleur du sommet d’un minaret. Tôt ou tard, la polémique serait née à ce propos. La finalité du minaret, c’est de structurer la vie des gens par 5 appels quotidiens à la prière ! De cela, plus de 60% des Suisses ne veulent pas ! Et ce n’est pas brimer la liberté religieuse des musulmans que de leur signifier de ne pas le faire dans l’espace public.
- L’égalité hommes-femmes ne peut pas être mise en cause par des instances religieuses. De plus l’éducation des filles ne peut être entravée par des interdits de piscine ou des résistances à la mixité dans les classes. Notre société considère l’égalité hommes-femmes et l’égalité de traitement dans l’éducation comme une valeur fondamentale. Les personnes d’origine musulmane doivent accepter cela comme une valeur sur laquelle notre société ne va pas transiger !
- La critique du religieux doit pouvoir s’exprimer dans notre pays. Les caricatures danoises et les manifestations qu’elles ont générées dans le monde musulman sont un signe de l’incapacité de ces pays à accueillir un débat serein en matière religieuse. Une telle liberté est fondamentale en Suisse. Et les musulmans doivent s’y habituer !
- La possibilité de changer de religion – et notamment pour des musulmans de devenir chrétiens... – est aussi constitutive des libertés fondamentales défendues en Suisse. A cela, nous tenons ! Et nous souhaitons que les personnes d’origine musulmane puissent publiquement s’afficher comme chrétiennes sans qu’elles aient à craindre des représailles pour elles ou pour leur famille.
En fait ce oui à l’initiative anti-minarets est un signe fort – trop précocement posé peut-être ! - dans la construction de notre vivre ensemble. Les nombreuses personnes qui ont voté oui et qui sont issues de la mouvance évangélique ne souhaitent pas la mise en cause de la liberté religieuse des musulmans. Elles ne signifient pas un non à ce que sont les disciples de Muhammad, mais invitent les derniers venus dans le paysage religieux à faire encore quelques efforts.
Aujourd’hui, ils bénéficient d’une liberté de pratiquer leurs convictions et des les afficher publiquement qu’on leur envie parfois même dans les pays de tradition musulmane. Cette liberté n’est toutefois pas sans limite. Elle s’inscrit dans un contexte culturel marqué par le judéo-christianisme. Certains efforts et certaines adaptations aux us et coutumes de la société helvétique sont encore nécessaires. Ils permettront à la fois une vie pacifique en Suisse et permettront peut-être de faire changer l’islam dans des régions où il apparaît trop souvent comme la légitimation religieuse de régimes autocratiques et comme l’idéologie à l’origine de discriminations religieuses fortes.
Serge Carrel
Journaliste
Responsable de lafree.chRéagir à ce commentaire