Le Réseau des scientifiques évangéliques, lancé en 2008 sous l’impulsion des Groupes bibliques universitaires (1), a tenu sa première rencontre annuelle le samedi 17 janvier à l’Eglise évangélique baptiste de Paris-centre. Plus de 50 personnes, principalement des chercheurs, des enseignants ou des étudiants en sciences de la nature ont assisté à la journée. L’ambiance a été cordiale.
Le thème de la journée était : « La science, peut-elle être neutre ? ». Cette question a fait l’objet d’approches sous les angles biblique, théorique et pratique par des orateurs appartenant à différentes disciplines.
La science, une voie sans issue pour atteindre la sagesse
Le premier intervenant, Emile Nicole, professeur à la Faculté libre de théologie évangélique de Vaux-sur-Seine, a relevé que dans la Bible, au livre de Job (chapitre 28), la science par elle-même est perçue comme une voie sans issue pour atteindre la sagesse, pour fonder une morale ou une spiritualité. Cependant même celui qui nie qu’il y ait un Dieu derrière l’ordre du monde, ne peut que reconnaître cet ordre s’il interroge le réel avec une certaine impartialité. Mais affirmer cela, c’est peut-être compter sans l’aveuglement volontaire. D’où l’avertissement de Job 28:28 : « Respecter le Seigneur, voilà la sagesse ! Fuir le mal, voilà l’intelligence ».
Un mode de pensée qui a intégré des présupposés bibliques
Lydia Jaeger, la directrice des études à l’Institut biblique de Nogent-sur-Marne, a rendu attentif au fait que le mode de pensée scientifique intègre plusieurs présupposés de la vision biblique du monde. Ceci n’est pas étonnant si l’on se souvient que la science moderne est, en grande partie, issue du temps de la Réforme : le libre examen des Ecritures et le désir de liberté de conscience ont alors prédisposé à l’esprit scientifique ! Citons deux présupposés de la vision biblique du monde. Le premier est l’hypothèse que le chercheur est capable de comprendre, de façon cohérente, le monde, lui-même cohérent, dans lequel il vit. Toute l’œuvre de la création en témoigne et la révélation écrite le confirme : le Seigneur « n’est pas un Dieu de désordre, mais de paix » (1 Co 14:33). Le deuxième présupposé est cette autre hypothèse : le chercheur est attaché à l’honnêteté intellectuelle et à l’objectivité. En un mot, il recherche la vérité. Cependant, Lydia Jaegger a indiqué plusieurs difficultés auxquelles la science est confrontée quand elle se prétend neutre. Une première est que la science dépend de son contexte socioculturel. Il n’existe pas d’expériences dénuées de toute interprétation. Ce que nous pouvons comprendre de celles-ci dépend des théories que nous tenons pour vraies, de notre conditionnement culturel, voire de nos présupposés métaphysiques. La deuxième difficulté, c’est que la science est ultimement confrontée à la téléologie (ensemble des réflexions qui concernent la notion de finalité). Comme la science explique toujours un fait en le référant à un autre, elle ne peut découvrir le fondement ultime de ce qui existe. De plus, il est difficile de rendre compte de notre monde sans y introduire une Intention extérieure à lui.
La conférence d’Alain Lombet a abordé ensuite la question de la neutralité de la science sous l’angle de l’éthique. Il a évoqué la puissance biologique acquise grâce à la connaissance du génome. Il en a conclu qu’aucune société ne peut exister sans un minimum d’accord en matière d’éthique, accord obtenu par d’autres voies que celles de la science.
Pas de neutralité en cosmologie
En ce qui concerne l’origine de l’univers, Sylvain Bréchet, doctorant en cosmologie théorique au Cavendish Laboratory de l'Université de Cambridge, a rappelé que la science avait récemment effectué un changement colossal de modèle dans la conception de celui-ci. En effet, avec le «Big Bang», l’univers a un début (et il se trouve que le premier mot de la Bible est juste). Cependant, encore aujourd’hui, certains scientifiques ne renoncent pas facilement au concept de l’éternité de la matière qui est une vision beaucoup plus confortable pour une philosophie matérialiste du monde. Comme quoi, la science n’est pas neutre en ce qui concerne la cosmologie, car celle-ci reste fortement influencée par des présupposés philosophiques. Ce qui a aussi été affirmé, c’est que l’existence de toute forme de vie biologique dépend de l’ajustement extrêmement précis des lois et paramètres physiques. Pour terminer, Sylvain Bréchet a cité C.S. Lewis : « Il n’y a pas de terre neutre dans l’univers : chaque centimètre carré, chaque fragment de seconde, est réclamé par Dieu et contesté par Satan » (2).
Témoin du Christ au labo ?
Rhoda Hawkins, qui représentait le comité de l’association sœur anglaise « Christians in Science » a remarqué qu’une formule, comme E = mc², semble tout à fait neutre. Par contre, les applications ne le sont pas (explosion nucléaire, radiothérapie…).
L’après-midi, Peter Clarke a abordé la question : « Le chrétien peut-il être neutre au laboratoire ? » Selon lui, le scientifique moderne se trouve devant un dilemme. D’une part, l’ambiance séculariste de la science s’oppose à toute propagation d’idées religieuses sur le lieu de travail. D’autre part, c’est justement dans ce monde opposé à Dieu et « sous la puissance du malin » (1 Jean 5 :19) que nous sommes appelés à servir le Christ et à lui rendre témoignage. Lors de son exposé, Peter Clarke a mis l’accent sur la motivation intérieure et la prière. Il a partagé quelques exemples concrets concernant le témoignage au labo.
Une nouvelle édition en janvier 2010
Ces conférences ont été suivies par un temps de discussion en petits groupes et une dernière conférence de synthèse par Jean-Claude Parlebas. Celui-ci a tenté de résumer la journée en disant : pas de neutralité d’une science qui se croit autonome, mais bonne santé d’une science qui reconnaît ses propres limites. C’est ce qu’avait écrit Jean Brun, un philosophe proche des milieux évangéliques aujourd’hui décédé : « Ce n’est nullement la science qui démystifie et délivre, mais bien la science qui est ce qu’il faut démystifier et ce dont on doit se libérer, non pour s’en défaire, mais pour cerner la régionalité de son domaine, afin de pouvoir dresser une clé des songes de tous les rêveurs de la raison » (3).
Une nouvelle rencontre est projetée pour janvier 2010, probablement encore à Paris.
Jean-Claude Parlebas (4) et Peter Clarke (5)
1 Pour davantage d’infos sur le RSE.
2 C.S. Lewis, Christianity and Culture, 1967 (traduction libre).
3 Jean Brun, A la recherche du paradis perdu, Lausanne, PBU, p.76.
4 Jean-Claude Parlebas est chercheur CNRS à l’Institut de physique et chimie des matériaux de Strasbourg. Il est membre de l’Eglise évangélique de la Bonne Nouvelle à Strasbourg, CAEF.
5 Peter Clarke enseigne la neuroscience et l’anatomie à l’Université de Lausanne. Il est membre de l’Eglise évangélique de Villard à Lausanne, FREE.