Les générations se succèdent et ne se ressemblent pas. Les jeunes de mai 68 voulaient changer le monde ? Leurs enfants, la « génération X », ont tout eu sans avoir à se battre. Ils ont profité de leur jeunesse et recherché le plaisir, estime à Echallens le pasteur pour jeunes Julien Russ. Puis ils ont fait place à des enfants qui sont plus dans le ressenti, la recherche de sens : « la génération Y ». « Cette génération a besoin d’avoir du feeling avec ce qui se passe, de se retrouver autour d’un intérêt commun », commente le pasteur.
Nouveau : on commence aujourd’hui à parler d’une « génération C » qui chevauche la précédente et qui concerne ceux qui « communiquent, collaborent et créent » à l'aide des technologies de l'information. Au-delà de ces étiquettes, les jeunes ont en mains des moyens toujours plus sophistiqués à l’école, où on leur apprend tôt à travailler avec les nouveaux procédés informatiques.
« La jeune génération a tendance à consommer, à grappiller beaucoup d’éléments fragmentés, observe la théologienne française Pascale Bittner. Et dans les Eglises, on a par conséquent peur aujourd’hui des grands programmes, des formations structurées : on cherche l’événementiel, ce qui marche et qui obtient l’adhésion immédiate des enfants. »
Entre démarche pédagogique à sauvegarder...
Cette façon de faire va à contre-sens d’une démarche didactique et théologique qui explique les éléments clés du christianisme, comme le salut par la foi, estime-t-elle. « Il y a toute une pédagogie de Dieu, dans la Bible. Il faut l’expliquer aux enfants. Soit leur expliquer comment il s’est révélé dès l’origine, comment il s’est révélé à Abraham, comment est né le peuple juif... Une articulation du savoir est à respecter ! »
Interpellée par le manque de documents francophones en matière d’enseignement catéchétique, Pascale Bittner, 49 ans, a commencé à en éditer dès le début des années 90 sous l’appellation « A l’école de la Bible. » Cette rédactrice et formatrice en catéchèse qui est favorable aux pédagogies actives et ludiques n’a jamais arrêté : elle vient de créer le CD-Rom « En connexion » à l’adresse des adolescents.
Pasteur pour jeunes à l’Eglise FREE d’Echallens et président romand des « KidsGames », Julien Russ, 36 ans, partage les mêmes observations sur la génération montante que la théologienne française. Mais en tire d’autres conclusions quant à l’enseignement à prodiguer dans l’Eglise locale : « Peu de pasteurs reprennent des prédications de collègues. Eh bien pour les moniteurs, j’estime que c’est un peu la même chose : il leur revient de créer leur propre support de cours en fonction de ce qu’ils vivent dans la foi. Et mon travail, comme responsable, ce n’est pas de fournir du matériel didactique, mais d’être vraiment le pasteur des moniteurs et de les stimuler dans leur vie de foi. Pour qu’à leur tour, ils parviennent à être des pasteurs pour les enfants de leurs groupes le dimanche matin.
... et dimension relationnelle à privilégier
«L’immense risque de nos Eglises évangéliques est que nos jeunes suivent une manière de croire qu’ils ne se sont pas appropriée. La génération X a ainsi oublié à mon sens de faire une démarche critique. Elle l’a faite plus tard en envoyant tout valser et nous avons perdu les 20 à 30 ans. Moi, je ne dis pas ce qu’il faut croire ni comment. Je mets les enfants en situation et reste une personne ressource plutôt que quelqu’un qui leur dit comment faire. »
La structure est néanmoins présente dans les différents groupes catéchétiques de cette église évangélique challensoise : les quelque 200 jeunes reçoivent un enseignement de base sur le pardon, la prière, le baptême au travers de l’histoire biblique. Et les responsables des préados ont eux-mêmes répertorié leurs cours dans un fascicule « fait maison »... mais fait quand même ! Julien Russ le présente comme une boîte à idées. Et persiste : « Une des clés primordiales, pour moi, c’est la dimension relationnelle que les jeunes entretiennent avec des personnes qui sont dans la foi, comme leurs moniteurs. Et qu’ils connaissent une saine dynamique de groupe. Je dis cela tout en sachant que la relation reste un moyen et que ce qui prime reste la découverte et la croissance de la foi.»
Sa vision catéchétique reste exigeante et sélectionne les moniteurs d’emblée. Car nombreux sont ceux qui se retrouvent déstabilisés par le « non-support » de base, reconnaît lui-même le pasteur. Mais même avec une méthode à l’appui, l’engagement auprès des enfants reste de taille : « On a toujours du mal à trouver des animateurs jeunesse, commente Pascale Bittner. L’exercice est conséquent, prend du temps et remet l’enseignant en question. »
Le support de cours mis à part, le problème est donc actuellement plus du côté des adultes qui ne se bousculent pas au portillon de l’école du dimanche. Et qui font ou non place aux enfants dans le cadre du culte. Car le défi est là : tout enseignement biblique prodigué le dimanche matin vise non seulement à instruire les plus jeunes de nos membres, mais à leur confier la relève et la régénérescence de nos moments de célébration.
Gabrielle Desarzens
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