Le groupe de jeunes des Eglises évangéliques de Morges et de Lonay, « Les Synchros », a décidé de réaliser une expérience unique : vivre pendant l’été 2008 trois semaines dans un pays du tiers-monde. Le Sénégal est un choix qui a fait l’unanimité en raison de sa langue nationale, le français, ce qui devait faciliter les échanges entre Européens et Africains.
Les buts de ce voyage au Sénégal
Pour la plupart des 10 participants, c’était leur premier voyage en Afrique. Pour certains, c’était même leur baptême de l’air. En organisant notre séjour, nous avons voulu atteindre les buts suivants : découvrir une autre culture, être défié, bousculé et même bouleversé dans notre foi, mieux connaître Dieu et le voir agir de manière inattendue et surprenante. Chaque jeune est très différent. Certains aiment beaucoup parler en public, d’autres en ont peur. Certains sont doués en musique, d’autres dans l’improvisation, d’autres encore dans la louange... mais nous avions tous envie de vivre un défi de foi et d’avancer dans notre relation personnelle avec Dieu.
C’est dans ce but que nous avons décidé, d’un commun accord, de témoigner chacun notre tour durant le voyage. Le soir, un des participants prenait l’initiative de parler à cœur ouvert de sa vie, de son passé, de ses souffrances et de ses blessures, mais aussi de Dieu, de comment il a agi dans sa vie, de ses réponses mais aussi de ses silences. Cette initiative de l’équipe a permis une meilleure connaissance mutuelle.
Une aide aux « enfants talibés »
Notre voyage s’articulait autour de l’aide aux « enfants talibés ». Ces enfants sont envoyés par leurs parents dans des écoles coraniques pour devenir de bons musulmans. Les marabouts qui dirigent ces écoles, envoient les enfants mendier dans la rue, afin de financer leurs projets. Ces responsables religieux n’apprennent jamais le Coran, ni même le français aux enfants talibés. Ceux-ci sont condamnés à errer dans les rues pour récolter une somme définie par le marabout. Si les enfants reviennent les mains vides ou alors avec une somme insuffisante, le marabout les bat. Il va même parfois jusqu’à les enfermer. Ces enfants-là vivent dans une situation qu’aucun enfant ne devrait connaître : l’abandon, le rejet et l’esclavage.
Néanmoins, nous avons pu entrevoir l’action du Seigneur au travers des gens qu’il a envoyés au Sénégal pour ces enfants. Les responsables des centres que nous avons rencontrés étaient tous chrétiens et servaient Dieu avec amour. Le fait que ces gens se battent contre l’injustice qui frappe les enfants dès leur plus jeune âge, nous a tous profondément marqués. Malgré les immenses carences dont souffre ce pays, ils ont choisi d’agir sans savoir ce que l’avenir leur réserve. Même si les besoins sont énormes, ces personnes font confiance au Seigneur, y compris dans les situations les plus délicates.
Jouer, partager, aimer...
Il a été pour toute l’équipe frappant de voir des enfants si différents de ceux de Suisse. Pas de pleurs, pas de caprices. Seulement une immense envie de jouer, de partager et un insondable besoin d’amour. En choisissant de nous occuper d’enfants talibés, nous ne savions pas forcément quelles lois régissaient leur comportement. Malgré leur immense besoin d’amour, c’était la violence qui dictait leur attitude. Ils étaient, pour la plupart, des enfants qui venaient depuis peu dans les centres. Très impulsifs, ils réagissaient à la moindre provocation en adoptant un comportement violent.
C’est par des animations, des jeux et au travers de la musique que nous voulions aider ces enfants. Ce ne fut pas une tâche aisée de tisser des liens avec eux. Nous qui croyions que le choix du Sénégal faciliterait nos contacts avec les talibés ! Nous ne savions pas que la majorité d’entre eux parlent le wolof ou le peul, deux dialectes fortement répandus en Afrique de l’Ouest. Cependant malgré la barrière de la langue, nous avons pu, durant la deuxième semaine, dialoguer avec les enfants. Nous nous étions établis à Keur Massar, une ville non loin de Dakar, dans un centre qui s’occupe d’enfants talibés qui ont décidé de quitter les marabouts. Ces enfants vivent en permanence dans ce centre où les responsables leur apprennent le français (lecture et écriture), la cordonnerie ou encore la menuiserie. Nous étions chargés de soulager les responsables dans leurs fonctions, en prenant le relais l’espace de quelques jours. Cette semaine est restée la plus appréciée de l’équipe en raison de la proximité que nous avions avec les enfants.
Plusieurs enfants se sont ouverts à nous, allant même jusqu’à témoigner de leur vécu en tant que talibés. C’est dans ce sens que nous avons pu réaliser notre objectif : le partage d’un vécu entre Suisses et Sénégalais.
Un face à face difficile avec l’islam
Ce fut pour l’équipe particulièrement éprouvant d’être confrontée à la religion musulmane. Au Sénégal, plus de 95% de la population est musulmane, le reste des habitants du pays étant animistes ou, pour très peu, chrétiens. Pour ma part je pensais que l’islam était une religion ouverte à celle des autres comme le prônent les valeurs musulmanes. Mais au Sénégal, c’est encore une fois la loi du plus fort qui règne. La religion musulmane étant majoritaire, elle profite de son succès pour dominer fortement le pays. Que ce soit dans l’économie ou en politique, l’islam est omniprésent. Le président lui-même est entouré de marabouts qui décident de la direction que va prendre le pays. Ainsi il est difficile de se faire entendre en tant que chrétien, car il est notoire au Sénégal que considérer Jésus comme le Fils de Dieu est un blasphème, donc une grave faute dans l’islam.
Mais une fois encore, nous avons pu réaliser que Dieu n’est pas absent malgré la mainmise de l’islam sur le pays. Que les chrétiens sénégalais, largement minoritaires, sont des gens profondément ancrés en lui, qui se battent pour l’avancée du Royaume de Dieu. Nous avons pu voir le fruit de leurs efforts dans les centres en entendant plusieurs enfants talibés parler le français ou de Dieu, et encore en voyant les enfants chanter des cantiques bibliques avec une joie indicible.
Des relations qui s’approfondissent
Ce fut un immense défi à relever que de partir à 12 jeunes inexpérimentés, accompagnés par Chritophe Deshayes, le pasteur-jeunesse de nos Eglises, ainsi que par Jaziel et Irène Rodrigues, d’anciens envoyés de la FREE au Sénégal. L’équipe ne se connaissait que superficiellement, même si les jeunes se fréquentaient depuis plusieurs années déjà. Mais le Sénégal a permis de se rapprocher des personnes qui se connaissaient moins et surtout de travailler ensemble. Même si ce ne fut pas toujours évident ! Cela a permis à chacun de découvrir de nouvelles facettes de sa personnalité et de dévoiler à nouveau des traits de caractères connus. Cette expérience a été édifiante pour chacun, car les jeunes avaient des objectifs précis comme oser prier à haute voix devant le groupe ou encore oser témoigner devant tout le monde. Ces objectifs ont été atteints avec succès.
L’Afrique : des rencontres extraordinaires, des paysages uniques...
Nous avions tous maintes et maintes fois regardé des images de l’Afrique en y voyant à chaque fois de la misère, de la pauvreté et de la désolation. Ce qui a été édifiant pour l’équipe, c’est de réaliser que l’Afrique ce n’est pas seulement un continent dévasté. L’Afrique, ce sont aussi des rencontres extraordinaires, des paysages uniques et surtout des quantités d’anecdotes à jamais gravées dans nos mémoires. Ce voyage nous a rendus tous porteurs d’un témoignage que nous nous devons de partager à autrui. Reste que sans doute l’un des éléments les plus encourageants, c’est que cette expérience nous a permis de réaliser qu’être chrétien, c’est faire partie d’une famille que ni les barrières de la langue ni des autres religions n’empêcheront de voir grandir.
Pierre Bonjour, l’un des participants à ce voyage des « Synchros » au Sénégal