Stefan Sos est le fondateur de SOS Ministries, une œuvre américaine d’entraide et d’évangélisation. Il a écrit un livre à propos des cinq ministères (1) dont le titre est: « Understanding 5fold Ministry ». Dans cet ouvrage (2), Stefan Sos compare les cinq ministères aux cinq systèmes du corps humain:
• le squelette apporte la structure et la force, comme l’apôtre;
• le système nerveux permet de stimuler le corps à agir et procure une direction, comme le prophète;
• le système reproductif permet de se multiplier, comme l’évangéliste;
• le système circulatoire distribue la nourriture et l’oxygène à tout le corps et évacue les déchets, comme le pasteur;
• le système digestif transforme la nourriture et permet que le corps l’assimile afin de grandir et d’être en bonne santé, comme l’enseignant qui applique la Parole à la vie des gens.
Christian Kuhn (3), pasteur et secrétaire de les Eglises apostoliques évangéliques romandes, utilise l’image de la main pour parler des cinq ministères:
• l’index donne une direction, comme le prophète reçoit des images ou des paroles de circonstance;
• le majeur est le plus long, comme l’évangéliste va au loin chercher les perdus;
• l’annulaire porte l’alliance, comme le berger rassemble les brebis et les soigne;
• le petit doigt permet de se gratter l’oreille, comme le docteur réfléchit et creuse dans la Parole;
• le pouce fait face aux autres doigts, comme l’apôtre fait face aux autres ministères et a une vision d’ensemble.
Cinq, un chiffre symbolique?
Samuel Matthews (4), reconnu comme ministère apostolique par certaines Eglises et auteur du livre: «Pénétrer les nations avec des équipes apostoliques», compare les cinq ministères aux cinq traverses du Tabernacle, qui lui donnaient sa structure et sa stabilité. Ces ministères amènent l’unité, ainsi que la structure et la solidité pour résister aux hérésies. Le chiffre cinq représente la grâce de Dieu. Jésus est la pierre angulaire sur laquelle se greffent tous les dons. Chaque ministère communique une grâce particulière: grâce apostolique, prophétique, etc.
Kuhn parle de cinq dons ministériels accordés à tous, même déjà avant la conversion. Ces dons représentent la façon dont nous sommes construits, ce que l’on constate dans les entreprises: l’évangéliste ressemble aux vendeurs, l’apôtre aux managers, le prophète aux inventeurs, le docteur aux ingénieurs, le berger aux services du personnel (5). Kuhn refuse de donner des étiquettes, afin d’entrer simplement dans le service que Dieu nous demande. Le Seigneur n’utilise pas seulement un don, mais toute notre personnalité. La préparation à un ministère est donc une lente maturation, même déjà avant la conversion. La question des ministères ne doit pas être au centre de notre vie de foi, mais bien le Seigneur! L’ordre dans lequel ces dons sont cités ne correspond pas à une hiérarchie, mais à un ordre stratégique. La notion d’équipe est primordiale pour une saine mise en pratique des cinq ministères.
Une lecture biblique peu convaincante...
Aucun des auteurs cités ne fait d’exégèse précise des textes bibliques. Les développements autour de la doctrine des cinq ministères sont surtout basés sur la pratique. L’image de l’entreprise s’inspire de la sociologie. Cela ne signifie pas que les observations tirées des sciences humaines soient fausses! Au contraire, elles correspondent bien à notre vécu et sont plutôt séduisantes. Pourtant, ce n’est pas là-dessus qu’il faut s’appuyer pour bâtir et justifier une doctrine biblique des ministères.
Les images autour du chiffre cinq foisonnent, mais elles sont totalement hors du contexte d’Ephésiens! Certes, l’apôtre Paul utilise l’image du corps humain. Mais pour démontrer l’extrême diversité des dons, et non un fonctionnement en cinq systèmes. Et Paul ne limite pas les ministères aux cinq doigts de la main!
Un nouveau modèle d’autorité?
Sos estime que les dons d’Ephésiens 4.11 sont des serviteurs de Dieu, d’une manière telle que personne d’autre ne peut l’être: ces dons ne concernent donc pas tous les croyants. Tous sont prêtres (1Pi 2.5, 9), mais ceux qui ont reçu un ministère ont une plus grande responsabilité.
A la suite de George Barna et Peter Wagner, Sos pense que le Seigneur conduit l’Eglise à passer d’un modèle où le pasteur est seul, à un modèle valorisant le travail d’équipe, avec cinq ministères. Le modèle du pasteur seul favorise la maintenance, alors que l’équipe favorise un leadership plus visionnaire, grâce à la mise en avant du ministère d’apôtre. D’un gouvernement démocratique et bureaucratique, l’Eglise passe aujourd’hui à un gouvernement plus théocratique, relationnel et paternel. Pour Sos, ce nouveau modèle correspond bien à la relation de mentoring vécue entre Paul et Timothée.
Sos estime que l’apôtre développe la sagesse dans le peuple de Dieu. Par son message, le prophète procure la connaissance des voies de Dieu. L’évangéliste véhicule l’amour de Dieu envers les perdus. Le pasteur permet la coopération. Et l’enseignant conduit les croyants à la maturité. Pour Sos, les cinq ministères ne sont pas équivalents aux anciens, ni aux responsables d’Eglise: ils servent seulement à équiper le Corps du Christ. Ils interviennent à l’intérieur d’une stratégie et d’une vision pour l’Eglise locale. Les cinq ministères doivent trouver une place d’autorité tant irrésistible que les responsables se soumettront à eux.
Le nerf de la guerre: l’autorité!
Parmi les auteurs cités, force est de constater qu’il n’y a pas une seule position charismatique et pentecôtiste. Beaucoup estiment que les cinq ministères ne sont pas des titres qui confèrent une fonction ou un rôle particulier. A l’inverse, Matthews définit les ministères presque comme un clergé entre les membres de l’Eglise et Jésus-Christ!
Sos estime que les cinq ministères ne concernent pas tous les croyants, tandis que Kuhn pense qu’ils sont présents chez tous, à différents degrés... et même déjà avant la conversion! Cette lecture d’Ephésiens est très particulière, car la lettre est écrite aux saints (qui sont à Ephèse, 1.1), et le chapitre quatre concerne ceux qui ont été appelés (4.1).
De la diversité!
Les auteurs cités ont tendance à surexploiter Ephésiens 4.11. Pour assurer et préciser une telle doctrine, il faudrait au moins un ou deux textes bibliques complémentaires. Or, 1 Corinthiens 12.28 ne nomme que trois ministères: apôtre, prophète, docteur, puis une liste que l’on considère généralement comme des dons (6). Docteur vient donc en troisième position, alors qu’il tient la cinquième place en Ephésiens!
La définition de ces ministères pose problème. Pour certains, l’apôtre développe la sagesse, et même les anciens doivent se soumettre à lui. Pour d’autres, l’apôtre est un fondement, au service de l’Eglise. Pour d’autres encore, l’apôtre est garant d’un cadre, mais sans gouvernance... Ces divergences montrent bien la difficulté de figer des catégories! Or justement, l’Ecriture a un langage souple, permettant beaucoup de créativité (les opérations de 1 Co 12.6), en fonction de ce que le Seigneur inspire et donne à chacun, selon les circonstances, les lieux et les époques.
Non au pasteur «homme à tout faire»!
La doctrine des cinq ministères a le mérite d’interpeller les Eglises dont le pasteur est «homme à tout faire» ou seul en haut d’une pyramide. Cinq ministères, cela encourage à une certaine diversité... pourtant, l’équipe ne garantit pas l’abolition des jeux de pouvoir! Elle a le mérite de limiter la solitude du pasteur, mais elle comporte aussi le danger de devenir un club de copains. Une équipe de ministères ne garantit pas non plus un gouvernement plus théocratique et moins démocratique, plus relationnel et moins bureaucratique, comme Sos le prétend.
Plus qu’une équipe!
L’idée des équipes de ministères est intéressante, mais trop restrictive. Car le Seigneur a prévu que nous manifestions tous ensemble les dons de toutes les listes du NT! L’équipe peut très bien favoriser l’émergence d’un leadership fort, structuré selon les modèles sociologiques actuels, et qui correspond peu à l’humilité des serviteurs dans l’Ecriture. Or, un leadership fort n’encourage pas les membres de l’Eglise à s’engager. Au contraire, ceux-ci se désengagent pour laisser toute la place aux « professionnels ».
La notion biblique de communion est nettement plus forte et engageante que l’idée d’équipe, car elle invite à une relation restaurée, avec Dieu et avec les êtres humains! Une relation nouvelle, qui implique une soumission inconditionnelle au Seigneur et une soumission mutuelle entre frères et sœurs. Unis par ces liens d’amour, exprimons librement les multiples dons que le Seigneur nous a offerts!
Anne-Catherine Piguet, ancienne rédactrice responsable de « Vivre »
Notes
1 «Christ a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres comme pasteurs et docteurs» (Ephésiens 4.11).
2 Sos Stefan, Understanding 5 Fold Ministry – Theological perspective on fivefold ministry, Bloomington, Indiana, AuthorHouse, 2006, p. 4.
3 Kuhn Christian, Travailler en équipes de ministères, Transvision 2008, p. 46. Document disponible sur la page . Au passage, nous le remercions vivement de nous avoir remis ses documents.
4 Matthews Sam, Pénétrer les nations avec des équipes apostoliques – les 5 ministères, une stratégie et un modèle pour le 21e siècle, Belfort, France, Ed. La lumière de la vie, 2000.
5 Kuhn Christian, Présentation des cinq ministères, doc. disponible sur la page dia 12.
6 Quoique cela reste à prouver, don n’apparaissant que devant guérisons. D’ailleurs, la distinction entre dons et ministères, dans le Nouveau Testament, n’est de loin pas évidente...
Anne-Catherine Piguet