Dans certaines régions du monde, il est dangereux d'être chrétien. L'archevêque anglican du Nigeria, Ben Kwashi, témoigne de cette difficulté. D'un côté, il affirme que la puissance de l'Evangile apparaît au travers de la mort et de la résurrection de Jésus. En effet, cet événement témoigne de la défaite définitive du Satan, des puissances de l'enfer, du péché et de la victoire sur tout ce qui est mauvais. « C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas à avoir peur du malin ou à nous soumettre à ce dernier, car le diable et toutes ses puissances ont été vaincues par Jésus le Christ », affirme l'archevêque. D'un autre côté, il raconte pourtant les épreuves qu'il a rencontrées en tant que chrétien dans son pays. Entre le 7 et le 12 mars 1987, 100 églises ont été brûlées dans la région de Zaria-City, plus de 300 entreprises ou maisons de chrétiens ont été détruites. Beaucoup de disciples du Christ ont été tués. Après ce drame, le Seigneur lui a demandé de ne rien faire.
Trois ans plus tard, il est nommé évêque de la région de Jos ; et aux mêmes dates (du 7 au 10 mars) mais en 2010, des musulmans massacrent des hommes, des femmes et des enfants de familles chrétiennes dans trois villages situés aux frontières de la ville. Les responsables d'Eglises demandent aux villageois survivants et à toute la communauté chrétienne de ne rien faire en représailles.
Quelques années avant cela, la famille de Ben Kwashi avait aussi été malmenée. Des gens étaient entrés dans sa maison, ils avaient abusé de son épouse, la laissant presque morte et aveugle. Une année plus tard, ces mêmes personnes étaient entrées à nouveau chez lui. Alors qu'elles étaient sur le point de le tuer, il leur a demandé s'il pouvait encore prononcer une prière. Quelques minutes après qu'il s'est mis à implorer le Seigneur, sa femme et son fils l'ont rejoint, lui disant que ces hommes étaient partis. Il ignore ce qui a fait partir ces gens, mais il constate : « Je ne sais pas pourquoi je suis toujours vivant. Je sais que je vais mourir un jour, mais tant que ce temps n'est pas encore venu, j'ai un Evangile à proclamer, un Evangile qui vaut la peine d'être vécu, un Evangile pour lequel il vaut la peine de mourir » (2).
Durant le troisième congrès du Mouvement de Lausanne qui s'est tenu au Cap du 16 au 25 octobre 2010, le thème « Vivre l'amour du Christ parmi des gens qui professent d'autres religions » a été débattu. En parler a constitué un grand défi pour beaucoup de participants. Les délégués africains, asiatiques et sud-américains auraient été en mesure de donner des témoignages similaires à celui de cet archevêque nigérian. Il n'est pas toujours évident de vivre l'amour du Christ dans certaines régions du monde, et pourtant, tout au long de ce congrès, l'amour du prochain est resté une priorité. Notre prochain est lui aussi créé à l'image de Dieu et, quelles que soient ses origines ethniques ou ses croyances religieuses, le chrétien devra tout mettre en œuvre pour lui exprimer l'amour du Christ.
Le défi de vivre en chrétien
L'Engagement du Cap (3) nous rappelle que l'engagement missionnaire du chrétien peut impliquer la souffrance, comme ce fut le cas pour les apôtres et les prophètes de l'Ancien Testament. En effet, le Dieu trinitaire permet que des chrétiens connaissent la persécution et parfois même le martyre pour faire avancer sa mission. Le pasteur baptiste John Piper (4), lors d'une prédication consacrée à ce thème, a rappelé que le chrétien est appelé à annoncer parmi les nations les richesses insondables du Christ et à faire connaître les richesses du plan caché de Dieu depuis des siècles (Ep 3.9). Le projet de Dieu est de communiquer à l'univers tout entier que « seul Dieu est infiniment sage ». Dieu permet donc que ses serviteurs et ses servantes souffrent pour leur foi et que, par de telles épreuves, ils manifestent la sagesse divine parmi leurs bourreaux (3.13). Cependant, Piper, citant les propos de Paul (3.14-21), ajoute qu'une telle manifestation de la sagesse divine sera uniquement possible par la puissance que Dieu donne à son Eglise au travers de la prière. Paul montre par la suite que « les plans cachés » font référence au désir de Dieu de voir également les non-juifs faire partie de son Royaume, raison pour laquelle Paul écrit par la suite que la grâce lui a été donnée d'annoncer les richesses insondables de Dieu à toutes les nations. Une telle chose a été rendue possible à cause de l'Evangile, c'est-à-dire par la mort du Christ et sa résurrection (1Co 15.1, 3-4).
Le défi de témoigner
Les personnes qui professent d'autres religions, souligne L'Engagement du Cap, sont également créées à l'image de Dieu. Dieu aime chacune de ses créatures humaines. Par amour pour elles, il a envoyé Jésus-Christ mourir pour leurs péchés. Par conséquent, le chrétien est appelé à les considérer comme ses prochains et à veiller à leur bien-être. Le Mouvement de Lausanne encourage donc à témoigner de l'Evangile à ces personnes, sans pour autant tomber dans des attitudes prosélytes qui forceraient autrui à accepter la foi chrétienne et les traditions qui en découlent. Il s'agit de présenter l'Evangile « de façon ouverte et impartiale, en laissant les auditeurs libres de se faire leur propre opinion ». Le chrétien est appelé à sortir de sa zone de confort pour annoncer l'Evangile au monde. Souvenons-nous des paroles de l'apôtre Pierre dans sa première lettre à des chrétiens persécutés : « Ne soyez pas surpris de la fournaise qui sévit parmi vous pour vous éprouver comme s'il vous arrivait quelque chose d'étrange » (4.12). Pierre dit que le chrétien est appelé à souffrir dans le monde.
L'Engagement du Cap défie et encourage les disciples du Christ à ne pas partir uniquement en mission dans un environnement où il y a déjà un travail chrétien établi. Nous savons qu'il y a certaines régions du monde où il y a une présence missionnaire trop importante. Le défi pour les chrétiens appelés à la mission est de s'engager à long terme dans des zones difficiles, dominées par d'autres religions. Il est fondamental que nos responsables d'Eglises et que les leaders des sociétés missionnaires puissent rester à l'écoute de Dieu afin d'envoyer des personnes vers des populations non atteintes. Le Mouvement de Lausanne est conscient qu'il y a encore de nombreuses populations qui n'ont ni Eglise, ni croyants connus. Il est donc important que davantage de ressources humaines et matérielles soient déployées vers ces populations. L'Eglise est encouragée, par exemple, à poursuivre la traduction de la Bible dans les langues des populations qui n'ont aucune portion de la Parole de Dieu à disposition. Il s'agit d'utiliser des méthodes orales pour permettre à ces personnes qui ne peuvent pas ou qui n'ont pas l'habitude de lire, d'apprendre par le moyen de l'écrit. Un tel témoignage de l'Evangile passera incontestablement par la formation de responsables chrétiens locaux dignes de confiance.
L'Eglise est invitée par L'Engagement du Cap à accueillir l'autre dans sa différence. Nous vivons dans une société où le pluralisme religieux est une réalité. Les chrétiens ont souvent de la peine à coexister avec des personnes qui pensent différemment. Cependant, le disciple du Christ est appelé à mener une vie en relation avec les personnes adhérant à une autre religion. Il est même invité à rechercher l'amitié avec des musulmans, des hindous, des bouddhistes... Il a le devoir de leur exprimer amour, bonne volonté et hospitalité. Prendre le temps d'apprendre à connaître la religion de l'autre et développer un dialogue constructif avec les personnes d'autres religions est donc encouragé, comme l'apôtre Paul le fit dans ses débats avec les juifs et les non-juifs, dans la synagogue et dans l'arène publique ! Ce dialogue devrait se vivre dans l'humilité et le respect. L'Eglise est bien consciente qu'une telle démarche requerra de sa part une formation à l'apologétique pour chacune et chacun de ses membres. Une telle démarche d'accueil de l'autre qui a une autre religion nous conduit à « militer » pour la liberté religieuse pour tous.
Le congrès du Cap a attiré l'attention des participants sur les mouvements de population. Selon des estimations, plus de 200 millions de personnes sur la planète vivent en dehors de leur pays d'origine ; certains ont quitté leur pays pour des raisons économiques, d'autres ont été déplacés pour des raisons de guerre ou de catastrophe naturelle. Nous savons que de nombreux réfugiés arrivés en Occident ont été victimes d'épurations ethniques ou d'autres violences en raison de leur religion, de la famine, des inondations ou, de manière générale, de la pauvreté qui touche leur région. Ces personnes sont issues d'arrière-plans religieux différents mais, quelles que soient leurs circonstances de vie, L'Engagement du Cap rappelle que Dieu se sert de ces migrations forcées pour que les chrétiens résidant en Occident puissent leur apporter l'Evangile. L'Eglise tout entière est donc invitée à être un lieu d'accueil pour ces personnes afin que le témoignage de l'amour du Christ soit une réalité pour toutes les nations. Quel défi d'accueillir des personnes dont la culture et la religion sont différentes ! Quel défi de leur permettre d'entrer chez nous et de les laisser entrevoir certaines facettes de notre vie ! Quel défi de ne pas oublier de leur partager l'Evangile avec amour et vérité !
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Que ce témoignage soit verbalement partagé, et que cette proclamation s'accompagne de diverses actions communautaires et personnelles qui contribuent à la transformation des vies et de notre société.
David Valdez
Notes
(1) David Valdez a déjà publié sur lafree.ch trois articles de présentation de L'Engagement du Cap. Ils sont disponibles dans la rubrique « Dossiers ».
(2) A voir : le témoignage de l'archevêque anglican Ben Kwashi (en anglais).
(3) Coll., L'Engagement du Cap, Une confession de foi et un appel à l'action, Marpent, BLF Europe, 2011, 112 p. Voir notamment les pages 63 à 69.
(4) A voir : l'enseignement de John Piper sur Ephésiens 3 (en anglais).