« J'ai pu implanter plusieurs Eglises dans des villages près de chez moi, se rappelle Mahmoud Yahou. Les autorités me disaient : 'D'abord, on en finit avec le terrorisme et ensuite on s'occupera de vous.' Les terroristes nous disaient : 'On en finit avec les autorités, ensuite on s'occupera des chrétiens.' C'était durant les années noires du terrorisme en Algérie, les années 90. Les islamistes tuaient, égorgeaient, et tout le monde avait peur. La population, la police, tout le monde ! »
Mahmoud Yahou, 47 ans, habite au Locle avec sa famille et travaille dans une chaîne alimentaire. Etabli en Suisse depuis quatre ans, cet ancien karatéka au caractère trempé et fonceur a connu un parcours de vie original.
Jésus l'attendait à Marseille
Mahmoud a grandi en Algérie, à Aït Atelli, un village kabyle proche de la ville de Larbaâ Nath Irathen, dans la région de Tizi Ouzou. Son père quittait régulièrement le pays pour aller travailler en France. « Mon père voulait que j'aille m'installer en France, se souvient Mahmoud, mais cela ne s'est pas fait. »
En 1993, durant la « décennie noire » où l'armée algérienne a combattu divers groupes islamistes, Mahmoud décide de s'installer en France. A Marseille, il rencontre des chrétiens venus de Suisse. « Ils me parlaient de Jésus et je leur parlais de Mahomet, se souvient-il. Ils étaient très chaleureux et cela me gênait. Je voyais qu'ils étaient dans l'erreur avec leur christianisme. Je ne connaissais que le Jésus de l'islam, un prophète qui n'a pas achevé sa mission. Je ne le connaissais pas comme Dieu. »
Lors d'une rencontre, un étudiant en médecine syrien demande la prière. Ensuite, les chrétiens proposent à Mahmoud de prier pour lui. Il accepte. « Je n'ai rien ressenti sur le moment, se souvient-il. Mais le lendemain, j'ai découvert une paix intérieure que je ne n'avais encore jamais expérimentée. Cela a duré plusieurs jours. J'ai pensé que ces chrétiens étaient des magiciens, mais je ne voulais pas trahir l'islam, ma religion. » C'est pourquoi, à la suite de cette expérience, il récite la chahada, la profession de foi de l'islam : « Il n'y a pas de vraie divinité si ce n'est Allah et Mahomet est son messager. »
Mahmoud a vu revenir le stress et les angoisses. Il est retourné en parler dans ce groupe de chrétiens et ceux-ci lui ont parlé du péché ainsi que de l’œuvre du Christ à la croix. « Jusqu'à ce moment-là, j'avais cru que le problème du péché se résolvait grâce à des ablutions », se souvient-il.
Les belligérants n'ont pas le temps de contrer les chrétiens
Mahmoud Yahou découvre le salut en Jésus-Christ. Il se met à lire la Bible et partage son expérience autour de lui. Puis, il décide de rentrer en Algérie. Il explique : « Dieu m'a fait comprendre que je devais rentrer, que je n'avais pas besoin de changer de pays, mais que c'est moi-même qui devais être changé. J'avais trouvé ce qui me fallait. Je pouvais rentrer. »
En 1994, notre nouveau converti rentre dans son village. Lui qui avait été un agressif, un combatif, étonne ses voisins avec son témoignage. Un habitant du village dit même de Mahmoud : « Quand les autres partent en France, ils reviennent avec des voitures. Mais lui, il a ramené la Bible et des histoires. »
En plein marasme terroriste, des Algériens musulmans se convertissent en nombre dans la région de Larbaâ Nath Irathen. Cela se passe plus ou moins secrètement. Quant aux combattants, ils sont trop occupés par la guerre civile pour s'intéresser à l'émergence de ces Eglises.
Une Eglise choisit de démarrer « portes fermées ». Elle n'accueille pas de personnes inconnues, par crainte des terroristes islamistes et d'infiltrations gouvernementales. Un autre groupe accueille des inconnus, mais prend des renseignements, afin de se protéger. Par la suite, les Eglises se sont développées de manière ouverte. « Je me souviens d'un village où des gens m'ont invité à parler de Jésus, se souvient Mahmoud. Ils ont rassemblé la famille et les voisins. Durant la rencontre, des gens ont été guéris. Beaucoup sont devenus chrétiens. Ce mouvement était trop important pour rester caché. Des Eglises se sont donc créées et développées ouvertement. »
A la fin des années 90 et de la guerre civile, de nombreuses Eglises ont vu le jour dans la région de Tizi Ouzou. Elles se développaient et accueillaient rapidement 100, 200, voire 300 personnes. « Aux alentours de 2005, ce mouvement était à l'origine de quelque 8000 nouveaux convertis et cela inquiétait les autorités », note Mahmoud.
Considéré comme l'un des responsables de ce réveil en Kabylie, Mahmoud Yahou a commencé à subir des tracasseries administratives et policières de plus en plus contraignantes. Les journaux et Amnesty International sont entrés dans le jeu. En Algérie, beaucoup pensaient que ce développement rapide de la « religion des Occidentaux » – le christianisme – était téléguidé de l'étranger et ils s'en inquiétaient. Finalement, en décembre 2010, Mahmoud a été condamné à trois mois de prison avec sursis et 10'000 dinars d'amende (l'équivalent d'un mois de salaire) pour ouverture illicite de lieu de culte.
Evangéliste en Suisse
A ce moment, Mahmoud décide de ne pas payer l'amende et vient s'établir en Suisse. Il explique : « J'ai le sentiment que je me dois aux Suisses. Quelques-uns m'ont permis de découvrir Dieu, lorsque j'étais à Marseille. »
Ici depuis quatre ans, Mahmoud Yahou poursuit son ministère d'évangélisation. Il prêche dans des Eglises et lors de réunions. A Neuchâtel, il a même participé à une action d'évangélisation avec distribution de flyers. « Mais je ne suis pas fait pour cela, concède-t-il. Moi, je parle aux gens de Jésus, je ne veux pas leur donner des flyers. » Et lorsqu'il le peut, il rejoint le culte de l’Eglise arabophone Nahr al Hayat à Berne.
Vendredi, Mahmoud Yahou suivra sur Skype le culte de l’Eglise de Ouaguenoun, près de Tizi Ouzou. Dieu poursuit son œuvre en Algérie.