Algérie-Suisse : Mahmoud Yahou ou le réveil sous les balles

vendredi 14 novembre 2014

Le pasteur kabyle Mahmoud Yahou a vu l'Evangile progresser en Algérie, à l'époque de la guerre civile qui a opposé l'armée à plusieurs mouvements islamistes terroristes. Cette période tourmentée a été propice à l'émergence de nouvelles Eglises.

« J'ai pu implanter plusieurs Eglises dans des villages près de chez moi, se rappelle Mahmoud Yahou. Les autorités me disaient : 'D'abord, on en finit avec le terrorisme et ensuite on s'occupera de vous.' Les terroristes nous disaient : 'On en finit avec les autorités, ensuite on s'occupera des chrétiens.' C'était durant les années noires du terrorisme en Algérie, les années 90. Les islamistes tuaient, égorgeaient, et tout le monde avait peur. La population, la police, tout le monde ! »

Mahmoud Yahou, 47 ans, habite au Locle avec sa famille et travaille dans une chaîne alimentaire. Etabli en Suisse depuis quatre ans, cet ancien karatéka au caractère trempé et fonceur a connu un parcours de vie original.

Jésus l'attendait à Marseille

Mahmoud a grandi en Algérie, à Aït Atelli, un village kabyle proche de la ville de Larbaâ Nath Irathen, dans la région de Tizi Ouzou. Son père quittait régulièrement le pays pour aller travailler en France. « Mon père voulait que j'aille m'installer en France, se souvient Mahmoud, mais cela ne s'est pas fait. »

En 1993, durant la « décennie noire » où l'armée algérienne a combattu divers groupes islamistes, Mahmoud décide de s'installer en France. A Marseille, il rencontre des chrétiens venus de Suisse. « Ils me parlaient de Jésus et je leur parlais de Mahomet, se souvient-il. Ils étaient très chaleureux et cela me gênait. Je voyais qu'ils étaient dans l'erreur avec leur christianisme. Je ne connaissais que le Jésus de l'islam, un prophète qui n'a pas achevé sa mission. Je ne le connaissais pas comme Dieu. »

Lors d'une rencontre, un étudiant en médecine syrien demande la prière. Ensuite, les chrétiens proposent à Mahmoud de prier pour lui. Il accepte. « Je n'ai rien ressenti sur le moment, se souvient-il. Mais le lendemain, j'ai découvert une paix intérieure que je ne n'avais encore jamais expérimentée. Cela a duré plusieurs jours. J'ai pensé que ces chrétiens étaient des magiciens, mais je ne voulais pas trahir l'islam, ma religion. » C'est pourquoi, à la suite de cette expérience, il récite la chahada, la profession de foi de l'islam : « Il n'y a pas de vraie divinité si ce n'est Allah et Mahomet est son messager. »

Mahmoud a vu revenir le stress et les angoisses. Il est retourné en parler dans ce groupe de chrétiens et ceux-ci lui ont parlé du péché ainsi que de l’œuvre du Christ à la croix. « Jusqu'à ce moment-là, j'avais cru que le problème du péché se résolvait grâce à des ablutions », se souvient-il.

Les belligérants n'ont pas le temps de contrer les chrétiens

Mahmoud Yahou découvre le salut en Jésus-Christ. Il se met à lire la Bible et partage son expérience autour de lui. Puis, il décide de rentrer en Algérie. Il explique : « Dieu m'a fait comprendre que je devais rentrer, que je n'avais pas besoin de changer de pays, mais que c'est moi-même qui devais être changé. J'avais trouvé ce qui me fallait. Je pouvais rentrer. »

En 1994, notre nouveau converti rentre dans son village. Lui qui avait été un agressif, un combatif, étonne ses voisins avec son témoignage. Un habitant du village dit même de Mahmoud : « Quand les autres partent en France, ils reviennent avec des voitures. Mais lui, il a ramené la Bible et des histoires. »

En plein marasme terroriste, des Algériens musulmans se convertissent en nombre dans la région de Larbaâ Nath Irathen. Cela se passe plus ou moins secrètement. Quant aux combattants, ils sont trop occupés par la guerre civile pour s'intéresser à l'émergence de ces Eglises.

Une Eglise choisit de démarrer « portes fermées ». Elle n'accueille pas de personnes inconnues, par crainte des terroristes islamistes et d'infiltrations gouvernementales. Un autre groupe accueille des inconnus, mais prend des renseignements, afin de se protéger. Par la suite, les Eglises se sont développées de manière ouverte. « Je me souviens d'un village où des gens m'ont invité à parler de Jésus, se souvient Mahmoud. Ils ont rassemblé la famille et les voisins. Durant la rencontre, des gens ont été guéris. Beaucoup sont devenus chrétiens. Ce mouvement était trop important pour rester caché. Des Eglises se sont donc créées et développées ouvertement. »

A la fin des années 90 et de la guerre civile, de nombreuses Eglises ont vu le jour dans la région de Tizi Ouzou. Elles se développaient et accueillaient rapidement 100, 200, voire 300 personnes. « Aux alentours de 2005, ce mouvement était à l'origine de quelque 8000 nouveaux convertis et cela inquiétait les autorités », note Mahmoud.

Considéré comme l'un des responsables de ce réveil en Kabylie, Mahmoud Yahou a commencé à subir des tracasseries administratives et policières de plus en plus contraignantes. Les journaux et Amnesty International sont entrés dans le jeu. En Algérie, beaucoup pensaient que ce développement rapide de la « religion des Occidentaux » – le christianisme – était téléguidé de l'étranger et ils s'en inquiétaient. Finalement, en décembre 2010, Mahmoud a été condamné à trois mois de prison avec sursis et 10'000 dinars d'amende (l'équivalent d'un mois de salaire) pour ouverture illicite de lieu de culte.

Evangéliste en Suisse

A ce moment, Mahmoud décide de ne pas payer l'amende et vient s'établir en Suisse. Il explique : « J'ai le sentiment que je me dois aux Suisses. Quelques-uns m'ont permis de découvrir Dieu, lorsque j'étais à Marseille. »

Ici depuis quatre ans, Mahmoud Yahou poursuit son ministère d'évangélisation. Il prêche dans des Eglises et lors de réunions. A Neuchâtel, il a même participé à une action d'évangélisation avec distribution de flyers. « Mais je ne suis pas fait pour cela, concède-t-il. Moi, je parle aux gens de Jésus, je ne veux pas leur donner des flyers. » Et lorsqu'il le peut, il rejoint le culte de l’Eglise arabophone Nahr al Hayat à Berne.

Vendredi, Mahmoud Yahou suivra sur Skype le culte de l’Eglise de Ouaguenoun, près de Tizi Ouzou. Dieu poursuit son œuvre en Algérie.

Un article sur l'Eglise arabophone Nahr al Hayat de Berne.

  • Encadré 1:

    En Suisse, les chrétiens ont peur

    Le pasteur kabyle Mahmoud Yahou habite en Suisse depuis quatre ans. Il témoigne : « On essaye d'être actifs et d’avoir de l'impact sur la société. Mais les chrétiens d'ici sont fermés. Ils ont peur. Ils veulent tout contrôler dans leur vie et cela les freine. Jésus n'est pas mort pour que les gens deviennent religieux, mais pour qu'ils vivent une vie abondante ! »

    Mahmoud Yahou pense que le renoncement aux œuvres mortes devrait être prêché en Occident : « Aujourd'hui, on prêche un Evangile de la prospérité. Dieu est bon. Il fait du bien. Ce n'est pas faux, mais nous devons revenir à ce qui fait que nous sommes véritablement en Christ. C'est la sanctification qui permet de voir Dieu agir dans nos vies. »

Publicité

Journal Vivre

Opinion

Opinion

Agenda

Événements suivants

myfreelife.ch

  • Pour les Terraz et les Félix, des choix porteurs de vie

    Ven 22 septembre 2023

    Abandonner la voiture et emménager dans une coopérative d’habitation ?... Deux couples de l’Eglise évangélique (FREE) de Meyrin ont fait ces choix qu’ils estiment porteurs de vie. « Le rythme plus lent du vélo a vraiment du sens pour moi », témoigne Thiéry Terraz, qui travaille pour l’antenne genevoise de Jeunesse en mission. « Je trouve dans le partage avec mes voisins ce que je veux vivre dans ma foi », lui fait écho Lorraine Félix, enseignante. Rencontres croisées. [Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Eglises évangéliques.]

  • Vivian, une flamme d’espoir à Arusha

    Jeu 15 juin 2023

    Vivian symbolise l’espoir pour tous ceux que la vie malmène. Aujourd’hui, cette trentenaire tanzanienne collabore comme assistante de direction au siège de Compassion à Arusha, en Tanzanie. Mais son parcours de vie avait bien mal débuté… Nous avons rencontré Vivian au bureau suisse de l’ONG à Yverdon, lors de sa visite en mars dernier. Témoignage.

  • Une expérience tchadienne « qui ouvre les yeux »

    Ven 20 janvier 2023

    Elle a 19 ans, étudie la psychologie à l’Université de Lausanne, et vient de faire un mois de bénévolat auprès de jeunes de la rue à N’Djaména. Tamara Furter, de l’Eglise évangélique La Chapelle (FREE) au Brassus, a découvert que l’on peut être fort et joyeux dans la précarité.

  • « Oui, la relève de l’Eglise passe par les femmes »

    Ven 16 septembre 2022

    Nel Berner, 52 ans, est dans la dernière ligne droite de ses études en théologie à la HET-PRO. Pour elle, la Bible est favorable au ministère féminin. Et les communautés doivent reconnaître avoir besoin tant d’hommes que de femmes à leur tête.

eglisesfree.ch

eglise-numerique.org

point-theo.com

Suivez-nous sur les réseaux sociaux !