Pour le pasteur algérien Youssef Yacob, le gouvernement veut définitivement fermer un maximum d’églises. Et dissoudre l’Eglise protestante d’Algérie (EPA), reconnue pourtant officiellement depuis 1974. « On devrait actuellement renouveler cette reconnaissance et nous avons le sentiment que la tactique de l’Etat est de faire en sorte que les églises chrétiennes protestantes ne soient plus fédérées, mais que chacune doive demander sa propre reconnaissance avec, en corollaire, l’affaiblissement de l’Eglise », explique-t-il. Les quelques 500 croyants concernés par la fermeture vendredi 25 mai en Kabylie des églises d’Ait-Mellikeche et de Maâtkas, à vingt kilomètres de Tizi-Ouzou, vont continuer de se réunir dans des cellules de maison. « Mais ils prennent un certain risque s’ils chantent à haute voix. »
Aucune raison donnée
Selon l’ONG Portes Ouvertes, cela porte à six le nombre d'églises fermées en Algérie depuis novembre 2017. « A tout moment, la police peut venir poser des scellés sur les portes d’autres églises », commente Youssef Yacob. A Aït-Mllikeche, des officiers de police ont simplement fermé l'entrée principale sans aucun préavis. A Maâtkas, une notification de fermeture a été annoncée préalablement par téléphone. Mais dans les deux cas, aucune explication n’a été donnée sur les raisons de ces mises sous scellés. « Nous restons dans la prière et le jeûne et nous continuons à vivre notre foi par la grâce de Dieu », déclare le pasteur. En précisant que plusieurs Algériens musulmans apprécient pourtant leurs concitoyens chrétiens : « Ils les considèrent comme des citoyens positifs. »
L’Eglise grandit pourtant
Entre novembre 2017 et avril 2018, quatre églises situées à Ain-Turk, Layaida et Oran ont été scellées, alors que d'autres recevaient des notifications de fermeture immédiate. En avril dernier, trois pasteurs algériens de l'EPA dont le pasteur Youssef Yacob se sont déplacés en France, à Bruxelles, au Royaume-Uni et aux États-Unis pour expliquer leur situation et chercher du soutien. Le 18 mai dernier, l'EPA a publié une déclaration destinée au gouvernement algérien. Confrontée à une recrudescence de problèmes administratifs, elle demande un traitement plus juste à l'égard des 45 différentes assemblées qu'elle représente : « En tant que citoyens à part entière, nous appelons les plus hautes autorités du pays à veiller à ce que tous les droits fondamentaux des citoyens soient protégés, quelle que soit leur appartenance religieuse. » Car la discrimination reste de mise : « Je connais plusieurs frères et sœurs qui ont perdu leur emploi quand on a su qu’ils étaient devenus chrétiens », indique Youssef Yacob.Selon lui, l’Algérie compte entre 150'000 et 160'000 chrétiens, alors que d’autres évoquent le chiffre de 350'000. Une chose est sûre : les églises grandissent toujours, avec leurs lots de conversions et de baptêmes.
Gabrielle Desarzens