Comme une traînée de poudre entre rues et venelles de la ville sous la botte de l’Empire romain, la nouvelle se répand de bouches jusqu’à oreilles : « Il vient, Il va venir, celui que tout le peuple attend depuis longtemps pour faire tomber le joug pesant sur nos épaules ! » Déjà les plus ardents ont étendu par terre leurs manteaux colorés pour en faire un tapis, tandis que d’autres encore coupent aux arbres alentour des brassées de rameaux tout gorgés de printemps. Courant à Sa rencontre hors des murs de la ville, la foule à l’unisson crie son enthousiasme: « Hosanna ! Gloire à Dieu ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le grand Roi d’Israël ! » « Qui est-ce ? » questionnent, hagards, quelques badauds curieux. « Vous ne le savez pas ! C’est Jésus, le Messie ! Celui dont les prophètes ont promis la venue ! Regardez, Il arrive ! »
C’est à ce moment-là qu’offusque l’équivoque : accueilli comme un Roi dont on a, pompeusement, improvisé le sacre aux yeux de tout le peuple… Accueilli comme un Roi, Jésus entre en la ville, monté sur un ânon, le petit d’une ânesse !
Ainsi c’était donc… « ça », ce grand Libérateur tant et tant espéré ! Pas même un guerrier chevauchant, arme au poing, un pur sang vigoureux, mais un homme doux et humble avançant, désarmant, au milieu de la foule totalement désarmée !
Serait-ce que, côté terre, comme au premier Noël où Il naît sur la paille, Dieu choisisse à nouveau de chambouler l’échelle de nos valeurs humaines ? Serait-ce que, côté cœur pour conquérir le nôtre, Dieu choisisse sciemment d’arracher à jamais le masque dur et hautain dont les hommes l’affublent depuis la nuit des temps ?
Etrange cette histoire des tout premiers Rameaux et étrange ce Roi qui, quatre jours plus tard et dans Sa démesure, Se mettra à genoux devant tous Ses disciples pour leur laver les pieds !
Et si ces paradoxes devaient, à notre tour, bousculer nos raisons, ne nous étonnons pas car : «Dieu ne serait pas Dieu s’Il était raisonnable ! » (Charles Singer)
Marie-Claude Pellerin, Yverdon-les-Bains