L’archéologue maltais Dennis Mizzi a rappelé que dans 11 grottes du site de Qumrân ont été découverts plus de 900 manuscrits parmi lesquels près de 200 de livres bibliques, mais aussi des textes religieux ou liturgiques, des règles communautaires… La question que se sont posée les archéologues était de savoir pourquoi tous ces textes religieux étaient ici. Dennis Mizzi a rappelé que les archéologues pouvaient dire qu’il y a un lien entre les habitants de Qumrân et les rouleaux retrouvés. Ils peuvent dire qu’une partie des manuscrits a été produite sur place à cause des encriers trouvés ; ils peuvent dire qu’il y a une assez grande activité liée aux dattes par l’important nombre de noyaux découverts ; ils ne peuvent cependant pas dire qui étaient les habitants du lieu à partir des traces trouvées sur place…
Le philologue Damien Labadie a lui une petite idée de qui étaient les habitants de Qumrân à l’époque de Jésus. Les règles communautaires trouvées à Qumrân et une autre règle, l’Ecrit de Damas, attribuées aux Esséniens, contiennent des éléments qui coïncident fortement avec les descriptions faites par des auteurs du Ier siècle. Tous les chercheurs ne sont pas d’accord, mais c’est actuellement la thèse la plus convaincante.
Comme des pièces de puzzle dans un grand carton
Antony Perrot, chargé de cours à la HET-PRO et doctorant à l’Ecole pratique des hautes études (Sorbonne) à Paris, a présenté certains enjeux liés aux manuscrits. Certains textes ont été retrouvés dans un état relativement bon, mais la plupart ne sont que des fragments… Imaginez : vous versez plusieurs boîtes de puzzles dans un grand carton, vous secouez bien, vous enlevez un tiers des pièces et vous vous amusez à retrouver toutes les images… Le travail ne s’arrête pas là : une fois les puzzles reconstitués, il faut déchiffrer ce qu’il y a dessus. Heureusement, les technologies développées actuellement sont d’une grande aide. Les manuscrits ont pour la plupart été photographiés en haute résolution avec différents types d’éclairages. Des logiciels permettent de manipuler les fragments photographiés sans les abîmer, de prédire quelle lettre pourrait venir se loger dans un « trou » du parchemin, etc.
L’attrait de ces textes a fait ressurgir une grande quantité de fragments ces dernières années. Le professeur strasbourgeois Michaël Langlois qui travaille sur certains d’entre eux est parvenu à détecter des faux. Il a présenté quelques incohérences qu’il avait remarquées et les méthodes utilisées.
Le professeur Innocent Himbaza de l’Université de Fribourg a présenté différentes variantes d’un manuscrit à l’autre. Certaines différences sont facilement explicables par des erreurs humaines, d’autres montrent qu’il y a eu plusieurs versions de ce texte. Pour lui, cela pourrait être lié au fait qu’il y a eu diverses factions au sein du judaïsme. Il en veut pour preuve que certains types de variantes trouvées à Qumrân ne se retrouvent pas ailleurs. Ces différentes versions poussent à la réflexion, comme dans le cas du livre de Jérémie qui a jusqu’à un tiers de moins selon les versions : lesquelles font autorité ? Lesquelles garder dans nos Bibles ? Parmi les confessions chrétiennes, les choix n’ont pas été les mêmes et nos Bibles diffèrent.
L’importance de Qumrân pour lire le Nouveau Testament
Le professeur à la HET-PRO James Morgan a montré l’importance des découvertes faites à Qumrân pour l’étude du Nouveau Testament. Aucune trace ne nous permet de voir un lien entre les Esséniens et Jésus ou Jean-Baptiste (même si cela n’est pas exclu). L’intérêt majeur des découvertes est que nous comprenons mieux cette époque, nous comprenons que Jésus dans sa manière de s’exprimer, d’agir, était totalement intégré à cette période de l’histoire. Il incarne l’attente messianique du Ier siècle de notre ère.
Une table ronde concluait la journée en tirant des liens entre ces recherches et le vécu de chrétien du XXIe siècle. Ces recherches permettent d’avoir une meilleure connaissance du contexte, de la langue hébraïque, d’avoir des Bibles avec une traduction de qualité. Les spécialistes ont rendu attentif au fait que, s’il y a des différences dans les manuscrits, ce n’est pas quelque chose de dramatique : le fait qu’il y ait quatre Evangiles est plus un facteur qui renforce notre foi. Cette journée pouvait être dérangeante. Elle a surtout permis de se poser des questions sur notre rapport à la Bible et à l’inspiration. Elle nous rend humbles devant les erreurs humaines et confiants devant le travail de Dieu à travers sa Parole.
Luc-Olivier Décoppet, pasteur FREE (Yverdon-les-Bains)
La présentation de plusieurs manuscrits en anglais.
Voir le grand rouleau d'Esaïe (1QIsaa)