L'OFAS lâche 18 œuvres chrétiennes au service de la jeunesse

lundi 04 mai 2015

L'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) a retiré son soutien financier à 18 œuvres chrétiennes au service de la jeunesse, alors que les jeunesses de plusieurs partis politiques voient leurs subventions augmenter. Une certaine évolution des relations entre l’Etat et les religions en Suisse oblige les organisations chrétiennes à se repositionner.

L'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) a décidé de retirer son soutien financier à 18 œuvres chrétiennes au service de la jeunesse. Pour ces organisations, cela représente une perte totale de quelque 670'000 francs.

Ainsi, par exemple, la Ligue pour la lecture de la Bible (LLB) est privée de plus de 40'000 francs par année. De plus, elle perd l'agrément qui lui permettait d'organiser des formations Jeunesse et sport. « C'est un coup dur sur le plan financier, mais c'est surtout la fin de la reconnaissance de nos formations qui nous pose problème, explique Michel Siegrist, le directeur de la LLB. En effet, le canton de Vaud désire que nos activités soient encadrées par des personnes formées. »

En Suisse allemande, des organisations comme les Jungchar, des scouts confessionnels, ou l'association Adonia qui organise des comédies musicales, sont sévèrement touchées. Avec d'autres œuvres, elles ont fait appel de cette décision auprès de la Cour administrative fédérale. Le jugement n'a pas encore été rendu.

Selon le journal bâlois Schweiz am Sonntag du 11 avril dernier, l'argent qui n'a pas été distribué par l'OFAS aux œuvres chrétiennes a été réattribué aux jeunesses de plusieurs partis politiques. Ainsi, la subvention aux Jeunes UDC est passée de 44'011 francs en 2013 à 64'354 francs en 2014, celle aux Jeunes libéraux est passée de 31'551 francs en 2013 à 52'200 francs en 2014 et celle aux Jeunes démocrates chrétiens est passée de 21'720 francs en 2013 à 51'916 francs en 2014. Toutefois, les jeunesses de deux partis de sensibilité chrétienne, le Parti évangélique (PEV) et l'Union démocratique fédérale (UDF) ne bénéficient pas des subventions de l'OFAS.

Les subventions ne doivent pas servir à l'évangélisation

Toujours selon Schweiz am Sonntag, l'OFAS a justifié l'annulation des subventions en expliquant que « le travail des associations chrétiennes avec les jeunes était simplement un prétexte pour faire du prosélytisme. Il s'agit d'une exploitation des jeunes. L'OFAS argumente sa décision en se référant à une étude du Fonds national suisse (FNS) stipulant que les fonds ne devraient profiter qu'à des organisations qui privilégient l'intégration sociale, ainsi que le développement des enfants et des jeunes en vue de devenir des personnes responsables. »

Pour Eveline Zurbriggen, responsable du secteur Questions de l’enfance et de la jeunesse de l'OFAS, les jeunesses des partis politiques entrent dans les critères d'attribution de subventions dans la mesure où elles ne donnent pas de consignes de vote lors d'élections ou de votations. La représentante de l’OFAS précise que « les subventions ne sont accordées qu'après un examen approfondi des journaux et des rapports annuels ».

L’ambiguïté et la fragilité de la situation actuelle – qui aujourd'hui touche les organisations religieuses, mais épargne les organisations politiques – n'a pas échappé à Maurus Zeier, le président des Jeunes libéraux. « Nous voulons mettre fin au financement public des jeunesses des partis », a-t-il déclaré à la Schweiz am Sonntag.

Pour Christian Kuhn, secrétaire général au Réseau évangélique suisse (RES), la fin des subventions de l'OFAS aux activités chrétiennes de jeunesse pose la question de la dépendance financière de ces œuvres. L'existence d'aucune d'entre elles n'est mise en danger ; par contre, elles devront se réorganiser. « Par exemple, les Fabricants de joie, à Yverdon-les-Bains, ont saisi cette occasion pour se repositionner sur le plan financier », explique Christian Kuhn.

  • Encadré 1:

    La Suisse deviendrait-elle anti-religieuse ?
    Dans une Suisse au paysage religieux de plus en plus diversifié, il se pourrait que les autorités soient en train de mettre de l'ordre dans la laïcité à géométrie variable qui prévaut encore. Mais cette évolution a lieu dans un climat de méfiance à l'égard de la religion. « Nos contacts avec l'OFAS nous laissent avec le sentiment qu'un climat anti-religieux s'ajoute actuellement à l'affirmation de la laïcité, souligne Michel Siegrist, le directeur de la Ligue pour la lecture de la Bible (LLB). Cependant, dans le canton de Vaud, le climat est différent. Nous y sommes reconnus d'utilité publique et les autorités nous consultent régulièrement pour des questions liées à la jeunesse. »

    De plus, comme le souligne Norbert Valley, le président du Réseau évangélique Suisse (RES), « des organismes tels que InfoSekta (www.infosekta.ch) se montrent particulièrement tatillons à l'égard des évangéliques. En Suisse alémanique, ceux-ci font régulièrement l'objet d’enquêtes dans les médias et ils sont souvent qualifiés de sectes. »

    De toute manière, « les organisations chrétiennes vont devoir s'organiser en faisant bien la différence entre leurs activités spécifiquement religieuses et leurs engagements sociaux, insiste Christian Kuhn, secrétaire général au Réseau évangélique suisse (RES). Du reste, plusieurs organisations vont déjà dans ce sens. »

    Pour Michel Siegrist, la balle est désormais dans le camp des organisations chrétiennes. « Elles doivent apprendre à dire ce qu'elles font, et qu'elles le font bien ! »

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