« Un seul Seigneur, un seul corps, une seule voix. » C’était le thème de l’assemblée générale de l’Alliance évangélique mondiale qui s’est déroulée du 25 au 30 octobre à Pattaya en Thaïlande. Et ce thème s’est donné à vivre et à ressentir dans les échanges et les contributions des uns et des autres.
Pour la première fois, nous avons réalisé que nous faisions partie de la grande famille évangélique. Des frères et des sœurs de plus de 100 pays étaient là : c’était très impressionnant ! Cette grande famille spirituelle a rassemblé des chrétiens de pays où les Eglises évangéliques sont en fortes progression comme le Brésil. D’autres sont venus de pays dans lesquels il y a encore de nombreux peuples non atteints. Les échanges avec des participants de pays de l’ex-Union soviétique, comme le Kazakhstan, l’Ouzbékistan ou l’Azerbaïdjan, ou encore la Mongolie, le Bhoutan ou le Viêtnam nous ont fait réaliser la totale consécration au seul Seigneur que nous confessons tous... et que parfois certains confessent au prix de leur vie.
La liberté de conscience et de religion au coeur des échanges
Lors d’une table ronde animée par des personnes venant de pays où l’Eglise est persécutée, un des participants est resté dans le silence pour des raisons de sécurité. C’était stupéfiant de voir cela. Il était là, simplement silencieux, pour témoigner de la dangerosité de vivre la foi chrétienne dans son pays. Nous avons aussi entendu un témoignage bouleversant sur la situation en Irak : « Les persécutions sont très importantes, que ce soit de musulmans ou de chrétiens. La situation s’aggrave depuis 2003. Beaucoup d’églises en Irak ont été incendiées. Beaucoup de femmes musulmanes sunnites et chrétiennes ont été décapitées et violées par les milices irakiennes. 250’000 chrétiens sont restés en Irak, mais 2 millions sont dans des camps de réfugiés... »
Le Finlandais Johan Candelin, le directeur sortant de la Commission pour la liberté religieuse de l’Alliance évangélique mondiale, a souligné que le combat pour la liberté religieuse est long. Il a rappelé qu’en 1846, au moment du lancement de l’Alliance évangélique mondiale, une délégation évangélique avait été envoyée en Turquie pour parler de liberté religieuse. « Malgré cet engagement de longue date, il faut toujours mener ce combat aujourd’hui ! » Le secrétaire général de l’Alliance évangélique en Asie, Richard Howell, a souligné quant à lui que nous étions créés pour la communauté et que nous ne pouvions pas agir en individualistes. « Un chrétien occidental, peut-il ne pas souffrir des persécutions de ses frères, s’il fait partie d’un même corps ? », a-t-il lancé.
La pandémie du sida au coeur des préoccupations
Lors d’une autre table ronde, le témoignage d’une pasteure africaine a aussi retenu toute notre attention. Cette femme est née dans l’extrême pauvreté. Aussi loin qu’elle se souvienne, elle s’était jurée d’en sortir. Elle a trouvé le Seigneur dans une Eglise historique et elle s’est engagée ensuite dans une Eglise pentecôtiste. Comme beaucoup de membres de sa communauté, elle considérait que les sidéens subissaient le jugement de Dieu, que c’était là la conséquence de leur péché. Un jour, elle a fait un contrôle sanguin et elle a appris qu’elle était porteuse du virus. Elle a connnu l’exclusion, la perte de son ministère et pour son mari la perte de son travail. Ils se sont alors trouvés dans une situation d’extrême pauvreté. Dans sa détresse, elle a crié à Dieu et elle a pu rencontrer d’autre chrétiens de sensibilité évangélique qui l’ont accueillie. Elle est aujourd’hui l’une des meilleures ambassadrices pour lutter contre la propagation du VIH.
Lors de cette table ronde, une infirmière qui a été missionnaire pendant 16 ans au Nepal nous a aussi beaucoup impressionnés par ce qu’elle a dit. Sally Smith travaille actuellement pour ONUSIDA. Elle a dit que le travail parmi les personnes porteuses du VIH et les malades du sida a transformé l’image de l’Eglise au niveau international. « La communauté internationale a pris conscience que nous (les Eglises) prenions en charge 40, 50 voire 70% des soins de santé dans certains pays d’Afrique. Les organisations internationales ne peuvent ignorer cela plus longtemps. »
L’Eglise grandit là où elle répond aux besoins de la société
Johan Candelin, le directeur sortant de la Commission pour la liberté religieuse, a relaté que lors d’une rencontre avec le Dalaï Lama, celui-ci lui avait dit : « Votre grande faiblesse, c’est que vous ne faites pas ce que vous dites ! » Au vu de ce que nous avons entendu, nous avons constaté que l’Eglise grandit là où elle propose des réponses aux besoins de la société. En fait, là ou elle fait ce qu’elle dit !
Il n’y a certainement pas de recette miracle pour un témoignage renouvelé dans notre Europe sécularisée. Tous les intervenants ont toutefois reconnu qu’il était impossible d’être crédibles si nous restions en ordre dispersé.
« Crédible »... est aussi le mot qui est sorti de la bouche de Ron Sider, un théologien d’origine mennonite, notamment au sujet de l’engagement politique des évangéliques. Il a affirmé que l’on ne pouvait pas faire de politique en ne se préoccupant que d’éthique individuelle. Il faut aussi se soucier de la lutte contre la pauvreté et d’autres problèmes sociaux. Ron Sider vient d’éditer un livre intitulé : « Le scandale de la politique évangélique » dans lequel il ne fait pas que critiquer le mouvement évangélique. Il y donne aussi des pistes pour un engagement renouvelé des chrétiens dans la sphère publique. Une réflexion et un engagement à poursuivre.
Françoise et Norbert Valley, pasteur dans l’Eglise évangélique Arc-en-ciel à Gland et président du Réseau évangélique, la branche romande de l’Alliance évangélique mondiale
Le Réseau évangélique propose un compte rendu de l’événement. Il est signé Jean-Paul Zürcher, le secrétaire général du Réseau.