Le jeudi 29 novembre, l’Eglise évangélique du Laos a mis les petits plats dans les grands. Représentants de l’Alliance biblique universelle (ABU), délégués des Eglises des différentes provinces, délégués de l’Eglise catholique et de l’Eglise adventiste, tous étaient là pour une grande fête : la dédicace de la nouvelle traduction de la Bible en laotien, attendue depuis une bonne dizaine d’années. Et tous ces délégués ont reçu cérémonieusement leur exemplaire, comme pour bien montrer que cette fois, c’est la bonne...
Surprise et contraste
Le jour de la fête, j’arrive à l’église de Naxay, à Vientiane, et me retrouve assis tout devant, en compagnie de Kèodouangsy Kong. Dans les années 1970, cette Laotienne était membre de l’équipe de traduction de la Mission évangélique, l’ancêtre du Service missionnaire évangélique (SME) de la FREE. Kèodouangsy Kong était partie en exil, et je ne l’avais pas revue depuis. Elle aussi n’a eu vent de cette cérémonie que tout récemment. Quelle émotion pour elle de se retrouver pour la première fois dans une église de son pays et de pouvoir dire quelques mots de témoignage ! Quel étonnement aussi pour moi d’être bientôt également invité sur scène pour recevoir un exemplaire de luxe du précieux livre !
Quel contraste avec mes souvenirs d’il y a 35 ans ! Le nouveau régime communiste venait alors de se mettre en place, les missionnaires étaient tous rentrés dans leur pays, et les chrétiens vivaient dans la crainte, tout contact avec un étranger étant extrêmement suspect. La révision de l’Ancien Testament, coordonnée à Savannakhet par Pierre Muller, un envoyé suisse de la Mission évangélique, avait permis d’achever la traduction des sélections (1) de l’Ancien Testament. J’étais resté quelque temps à Vientiane pour tenter de mettre ce travail à l’abri, et il fallait ruser pour pouvoir rencontrer les chrétiens et emmener les précieux manuscrits en vue de leur publication.
Aujourd’hui, même s’il subsiste des discriminations envers les chrétiens et des persécutions en certains lieux, les Eglises vivent et témoignent de leur foi très ouvertement. L’Alliance biblique universelle n’a pas eu l’autorisation de créer au Laos une société biblique nationale, mais elle a tout de même à Vientiane un délégué officiel d’une Société biblique régionale (Cambodge, Laos, Vietnam) : le pasteur Sèngdao, qui a fait partie en 2002 de la délégation des Eglises laotiennes venue fêter en Suisse et en France le centenaire de la mission au Laos.
La traduction de la Bible, un défi permanent
Comme l’a rappelé le pasteur Sèngdao lors de cette cérémonie, la traduction de la Bible a occupé une place prioritaire dès les débuts de l’Evangile au Laos. En 1903, le Veveysan Gabriel Contesse, tout fraîchement arrivé à Song-Khone, engageait un bonze pour lui enseigner le laotien et traduire l’évangile selon Jean. Quelques années plus tard, les évangiles étaient traduits, puis le Nouveau Testament en 1926, et la Bible complète en 1932, grâce au travail assidu de Fritz Audétat, un Romand arrivé en 1908 au Laos.
Mais comme partout, des révisions deviennent nécessaires. Un Américain, Edward Roffe, entreprend en 1960 à Vientiane une révision du Nouveau Testament, qui sera publiée en 1973. En 1979 paraît une Bible comprenant les sélections de l’Ancien Testament préparées à Savannakhet et cette version du Nouveau Testament. Cela suscite parfois des critiques de chrétiens qui reprochent à cette édition d’avoir « supprimé des passages », au lieu d’exprimer de la reconnaissance pour le travail déjà fait ! Pendant ce temps, les anciens traducteurs, partis en exil, s’activent à poursuivre le travail, avec le soutien du Service missionnaire évangélique. Une première édition de cette nouvelle version de la Bible complète paraît en 2001. Mais, entièrement faite à l’étranger, elle n’est pas acceptée par les Eglises au Laos.
C’est l’intervention providentielle d’Arun Sok-Nhep de l’Alliance biblique universelle qui permettra de mettre tout le monde ensemble, de remettre le travail sur le métier et d’arriver 10 ans plus tard, enfin, à ce beau résultat ! Réfugié cambodgien en France, Arun a été engagé vers 1980 comme traducteur protestant dans la traduction interconfessionnelle de la Bible en cambodgien. Ce travail achevé, il a pris un poste de consultant pour l’Alliance biblique universelle en Asie du Sud. Il parle aussi laotien, et il a fait l’expérience de négociations délicates entre Eglises autour de perspectives différentes dans la traduction du texte biblique dans sa propre langue. C’est ainsi qu’il a pu renouer tous les fils de ce projet laotien. La traduction de la Bible ne se résume pas uniquement à des problèmes techniques de linguistique et de philologie, mais elle nécessite beaucoup de dialogue à tous les niveaux de la vie des Eglises.
« Il ne suffit pas de posséder la Bible dans sa langue ! »
Dans sa prédication lors de la dédicace, le président de l’Eglise évangélique du Laos, Khamphone Kounthapanya, a rappelé qu’il ne suffisait pas de posséder la Bible dans sa langue, mais qu’il fallait être inspiré par l’Esprit. Ajoutons qu’il faut aussi qu’elle soit mise en pratique, pour que nous soyons, ici comme au Laos, sel et lumière dans nos situations de vie et dans la société dont nous faisons partie. Prions pour que ce message de vie soit source d’espérance pour beaucoup au Laos, un pays en pleine évolution.
Silvain Dupertuis
Note
(1) Les sélections de l’Ancien Testament, soigneusement choisies et représentant environ 40% du tout, constituaient l’avant-dernière étape d’un programme de l’ABU de traduction de la Bible entière.