Pour avoir un impact sur le monde qui l’entoure, l’Eglise devrait se comparer à une flèche. Les enfants sont la pointe, le côté acéré, pénétrant, qui permet de toucher la cible et de s’y planter. La hampe, ce sont les adultes, les parents, qui permettent à la flèche d’en être une et qui en assure sa solidité. Et puis viennent les plumes, qui garantissent l’équilibre de l’arme. Ces plumes prennent la forme de conseils, de soutien, de prières... Les trois parties de la flèche sont indissociables : sans hampe, pas de corps, pas de structure. Sans pointe, la flèche ne percute pas et finit par tomber à terre. Et la sagesse des anciens ainsi que leur soutien dans la prière sont indispensables pour assurer la justesse du tir.
L’image a été présentée il y a 4 ans par Julien Russ, pasteur pour jeunes d’Echallens, à l’Eglise évangélique Elim de St-Prex. Le message a fait mouche. Gabrielle George l’a reçu de plein fouet comme une révélation et s’est engagée, « avec trois femmes, symboles de la hampe, comme moi », auprès des personnes âgées de son Eglise. « Pour leur redonner leur place dans notre réalité ecclésiale. Comprenez : ils ne viennent pas aux camps qu’on organise ou aux autres activités plus ludiques. J’ai donc voulu faire quelque chose pour eux et avec eux. » C’est ainsi que sont nées les rencontres Vivaldi, qui se déroulent 4 fois par an, à chaque changement de saison. « C’est toujours un vendredi : on offre l’apéritif dès 11h30, puis un bon repas avec dessert et café. Dès 14h, on se retrouve pour prier pour les trois générations de notre Eglise. » Grâce à ces rencontres, la vingtaine de participants a développé une forte amitié et s’est investie dans ce service de prière pour le bénéfice de tous. « Je sens personnellement vraiment la différence », témoigne Gabrielle.
Les plus âgés apportent l’espérance dans l’Eglise
« Nos aînés ont un immense témoignage d’espérance à apporter, celui qui prouve que la vie est possible malgré les difficultés, exprime à Neuchâtel Michel Gentil, pasteur dans l’Eglise de la Rochette. Nous, les personnes professionnellement actives, passons notre vie à courir. Nous sommes souvent agités, superficiels ; eux, ils ont vécu des temps plus durs. A mon avis, on doit aménager des plages dans nos cultes pour leur donner la parole. Et réapprendre grâce à eux l’importance du relationnel. Regardez nos jeunes : ils ont beaucoup d’intermédiaires dans leurs rapports à autrui ; en termes de communication électronique notamment. Mais face à leurs proches, face à leurs contemporains, ils n’ont parfois plus rien à dire. Les personnes âgées, dans leur simplicité, ont indéniablement quelque chose à leur enseigner ! »
Même écho à Nyon auprès des responsables du groupe de la Gerbe d’or, qui réunit ponctuellement 50 à 80 personnes pendant les mois d’hiver. « Pour moi, les aînés ont une authenticité extraordinaire à faire valoir, exprime Beat Künzi, membre de l’Eglise La Fraternelle à l’origine de ces rencontres. Qu’en est-il des nouvelles Eglises qui ne connaissent que peu d’aînés ? On fait un peu fausse route à mon sens dans les milieux où ils ne sont pas présents. Je suis intimement convaincu que les plus âgés ont un rôle à jouer notamment auprès de nos jeunes. Ce sont eux qui dessinent la route. Il faut vraiment lutter contre le cloisonnement et favoriser un partage intergénérationnel. »
Comment rejoindre les aînés hors les murs de nos Eglises ?
Aux commandes de la Gerbe d’or depuis 4 ans, Beat Künzi, pilote de profession, précise encore que les rencontres s’adressent aux personnes âgées de la région et vont donc bien au-delà des Eglises locales. « Nous travaillons en collaboration avec l’Armée du Salut et voulons combattre la solitude qui frappe cette population. » Un regret : que les autorités refusent de leur fournir des coordonnées, notamment celles des 70 ans et plus. « Je le comprends, mais je le regrette. Nous ne faisons aucun prosélytisme. Nous voulons simplement servir et toucher les plus isolés. »
Julien Russ estime lui aussi que les personnes du troisième âge restent difficiles à rejoindre en-dehors du cadre de l’Eglise. Il faut donc trouver des moyens. « On est allés à plusieurs reprises dans les établissements médicaux-sociaux de notre région avec un groupe des Fabricants de joie qui compte des jeunes de 7 à 17 ans. A chaque fois, cela s’est révélé très positif au niveau relationnel : les pointes et les plumes se connectent vite ! Ce sont des expériences relationnelles importantes. Peu importe finalement qu’elles se passent dans l’Eglise ou dans un ministère d’évangélisation, de service ou de témoignage. »
Gabrielle Desarzens