Accordez votre vie à l’appel que vous avez reçu; en toute humilité et douceur, avec patience, supportez-vous les uns les autres dans l’amour; appliquez-vous à garder l’unité de l’esprit par le lien de la paix. Il y a un seul corps et un seul Esprit, de même que votre vocation vous a appelés à une seule espérance; un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême; un seul Dieu et Père de tous, qui règne sur tous, agit par tous, et demeure en tous. A chacun de nous cependant la grâce a été donnée selon la mesure du don du Christ. (...)
Et les dons qu’il a faits, ce sont des apôtres, des prophètes, des évangélistes, des pasteurs et catéchètes, afin de mettre les saints en état d’accomplir le ministère pour bâtir le Corps du Christ, jusqu’à ce que nous parvenions tous ensemble à l’unité dans la foi et dans la connaissance du Fils de Dieu, à l’état d’adultes, à la taille du Christ dans
sa plénitude. (...)
C’est de Lui que le Corps tout entier, coordonné et bien uni grâce à toutes les articulations qui le desservent, selon une activité répartie à la mesure de chacun, réalise sa propre croissance pour se construire lui-même dans l’amour.
Dieu fait des dons (dôkeô domata, 4.8) aux hommes. Mais ces dons-cadeaux sont des personnes! Apôtres, prophètes, etc (4.11). Alors, «5 dons» (domata) ou «5 ministères»? On dira que c’est la même chose, que si l’on exerce un don, cela devient un ministère. Et un ministère ne devrait pas être exercé sans don. Oui, cela vaut pour 1 Corinthiens 12 et 14, ainsi que Romains 12, où il est question d’utiliser son don (charisme de guérison, de libéralité, etc.).
Mais en Ephésiens, il n’est pas dit d’utiliser ou de mettre au service des apôtres ou des évangélistes: ils sont des dons faits à l’Eglise. Paul souligne que si tant de personnes différentes sont dans l’Eglise (apôtres, pasteurs et d’autres), c’est parce que Dieu les a donnés, afin qu’ils équipent les saints à faire «oeuvre du ministère» (ergon diakonias, 4.12). Paul parle de «5D» (cinq dons) et pas de «5M»!
En 4.12, Paul parle bien de ministère, mais du ministère de tous les saints. Combien de saints y avait-il à Ephèse? Supposons qu’ils étaient 41, moins les «5D», cela fait «36M». Ne parlons plus de cinq, mais de trente-six ministères. Ou d’un ministère exercé par «36M» (lire: 36 membres)...
Les spécialistes du texte biblique estiment qu’il faut regrouper pasteur et docteur, et qu’il s’agit d’une même personne.(2) Paul parle de quatre individus (ou de quatre dons) et non de cinq individus exerçant cinq ministères. Oui, c’est du détail dont on peut se passer. Si, pour Dumas, quatre champions se disent les trois mousquetaires, pourquoi ne pas faire de quatre dons les cinq ministères?
Cinq, huit... ou sept ministères?
Paul plaide pour l’unité (v.1-7) autant que pour la diversité (v.11-16) des personnes. Nous tendons tous à l’unité dans l’uniformité (dans les chants, les déroulements des cultes, les prières, les gestes)... car la diversité divise! Mais Paul explique que la diversité est voulue par Dieu, car c’est bien Lui qui a fait des dons très différents. De plus, cette diversité sert à construire le Corps, lorsque ces dons (prophète, évangéliste, pasteur, etc.) équipent les saints à exercer le ministère. Dans un corps, il n’y a jamais plus d’une fois exactement le même membre. Cette diversité peut et doit contribuer à la réalisation d’un corps fort!
Dans la lettre aux Ephésiens, Paul ne parle pas du ministère de diacre, d’ancien ou de veuve. Ne faudrait-il pas, en tenant compte de tout le Nouveau Testament, insister sur huit ministères (cinq plus trois)? Enlevons les veuves de la liste, car le texte de 1Timothée 5.9 est très difficile... Cela nous donnera un chiffre autrement plus symbolique!
Questions ouvertes à la théologie pastorale...
La théologie pastorale est le lieu où la théorie rejoint (3) la pratique. Prenons par exemple l’apôtre: pratiquement, qu’est-ce qu’un apôtre? La réponse est simple: le grec dit apôtre, le latin traduit missionnaire, le français envoyé... comme dans le jargon de la FREE!
Ensuite, cela se complique. Pour certains, l’apôtre est une autorité forte. Il faut donc qu’il ne soit pas trop proche, si l’équipe pastorale veut avoir les coudées franches. Et plus cet apôtre a du discernement (ou fait croire qu’il en a), moins souvent il aura besoin de rendre visite à cette Eglise. Il exercera son autorité par mails (le système n’est pas encore tout à fait au point, car certains mails se perdent. Mais cela ne saurait faire ombrage au ministère apostolique: nous savons ne pas posséder toutes les lettres de l’apôtre Paul).(4) Pour d’autres, il faut trouver un apôtre dans l’Eglise locale. Mais comme tous les postes sont déjà pris (anciens, diacres, responsables de la louange, trésorier, nettoyage, sono, etc.), il faut exercer des mandats multiples. Et de fait, l’apôtre est revêtu du nom, pas de l’autorité.
Prenons un autre exemple. Qu’est-ce qu’un évangéliste? Est-il celui qui, dans mon Eglise, s’occupe une fois par mois des réunions d’évangélisation, de la salle, des flyers et du message? Ou est-il cet indépendant qui voyage et vit par la foi (sans solde)? Serait-ce uniquement ce membre du «forum des évangélistes», reconnu et salarié d’une association? Ou est-il ce jeune, sponsorisé par mon Eglise pour faire une école au bout du monde, tandis que cet autre jeune venant du bout du monde fait une école ici? Ou encore, peut-il être ce don qui sait mettre les membres au travail, afin que beaucoup soient équipés pour l’exercice de ce ministère?
Et que dire du prophète: homme (Jérémie) ou femme (Hulda)? Son ministère est-il régional ou local? En terre de mission (Daniel, Ezéchiel), ou à la maison (Esaïe)? Hebdomadaire et permanent, ou ponctuel (Jonas, Joël)? Salarié (comme le pasteur), ou exerçant un métier (Amos)?
Quand Dieu répond...
Quel foisonnement de modèles, à la croisée des chemins de la théorie et de la pratique! Et si Dieu nous disait: «Faites comme je fais: sans schéma, ni organigramme, sans descriptif de tâches, de contrat de travail, de mandats détaillés, sans comptes à rendre»? C’est facile pour lui de dire cela... car il a le Saint-Esprit de son côté! Alors il nous reste les définitions et l’organisation, car Dieu est un Dieu d’ordre, synonyme d’organisation!
Je veux un mandat clair, un appel pour moi tout seul... Et Dieu répond: «Va, fais des disciples, baptise, enseigne!»
Je veux savoir exactement où, pour être dans ta volonté... Et Dieu répond: «D’ici (Jérusalem), jusqu’aux extrémités de la terre!»
Il me faut une équipe... Et Dieu répond: «Je serai avec toi!»
Le mieux, ce serait du court terme... Et Dieu répond: «T’inquiète, ce ne sera pas trop long: jusqu’à la fin du monde...» (5)
En fait, les «5M» ne sont pas si mal que cela. Mais il ne faut pas oublier le reste: les Eglises à sept diacres (Actes 6), les Eglises avec anciens et sans pasteur (hormis Ep 4, c’est le modèle du NT). A quand l’Eglise aux sept ou douze corbeilles pour la collecte? Aux douze apôtres, basée sur le modèle de Jésus? C’est du déjà vu? Alors passons à l’ecclésiologie des vingt-quatre anciens, basée sur le modèle d’Apocalypse 4.4. Qui pourra faire mieux que cela?
L’essentiel n’est pas dans les chiffres, ni même dans les étiquettes («3M», «4D» ou «5M»), mais dans la vie. Que trente-six membres (et bien plus, par la grâce de Dieu) exercent un ministère varié! Que la croissance soit réalisée pour parvenir à la stature parfaite de Christ! Et que Dieu nous garde de faire des cinq ministères le «YAKA» (6) de nos Eglises.
Notes:
(1) Si vous avez compris le titre, vous avez compris l’article avant de le lire... référence à Jg 12.6!
(2) Comme la Semeur, ou la Colombe: C’est lui qui a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres comme pasteurs et docteurs (4.11).
(3) Plutôt que rejoindre, il serait peut-être mieux de dire: entre en conflit avec, ou cherche à justifier...
(4) Entre la première et deuxième lettre aux Corinthiens, Paul semble avoir rédigé une lettre sévère (2Co 7.8) qui ne nous a pas été préservée.
(5) Mt 28.19-20.
(6) «YAKA mettre en place les 5M». Autres aphorismes, dans les ordres militaires: YAKA permet au chef de réfléchir; YAVEKA, sur un ton de reproche, quand le chef n’a pas réfléchi; YORAKA, pour éviter l’exécution de tâche immédiate (http://dictionnaire.sensagent. com/aphorisme/fr-fr).
Matthias Radloff, professeur à l'Institut biblique Emmaüs