« Tout était donné dans les années 1970 pour effectuer une révolution verte ! » C’est le constat que fait Christophe Monnot, coéditeur du livre « Eglises et écologie ». Pour ce sociologue suisse, les milieux réformés, catholiques et évangéliques avaient tout en main au niveau de leurs penseurs pour jouer un rôle de précurseurs, dans le domaine écologique durant les années 1970. Un verdissement de la théologie avait déjà été opéré… Les Eglises et leurs membres avaient tout pour devenirs des minorités prophétiques en matière de transition écologique, comme aime à le dire ce sociologue. Avec Francis Schaeffer, qui publie en 1970 « La pollution et la mort de l’homme » (1), les évangéliques avaient un philosophe de leur milieu qui les invitait à transformer leur rapport à la création (2). D’autres milieux chrétiens avaient aussi dès ce moment-là leurs têtes chercheuses qui invitaient au même changement de mode de vie. « Mais ces propos promus par une élite théologique se sont ensablés, déplore Christophe Monnot, et n’ont pas suscité la transition écologique escomptée ni dans les Eglises ou paroisses, ni chez les membres de celles-ci. »
Un « ensablement » des Eglises
A quoi faut-il attribuer cet « ensablement » des Eglises dans le verdissement de leur réflexion, de leur spiritualité et de leurs pratiques ? Pour Christophe Monnot, les chrétiens francophones sont à l’image de la population suisse ou française. Pour une bonne part, ils n’ont pas perçu l’urgence de la transition écologique à opérer. C’est à la base, dans les paroisses ou Eglises, que des individus, particulièrement préoccupés de ces questions, ont injecté une dimension écologique à leur quotidien. Ce sont aussi des œuvres para-ecclésiales ou des ONG qui ont thématisé ce genre de préoccupations. En milieu évangélique, on peut penser à A Rocha, une ONG internationale fondée par des Anglais au Portugal… En milieu catholique ou réformé, on peut penser à Eglise verte en France ou oeco-Eglise et environnement en Suisse… Toutes ces ONG ou associations ont tenté de faire bouger les choses de l’extérieur.
Le tournant de 2015
Pour Christophe Monnot, une date est marquante, c’est 2015, l’année de la COP 21 à Paris bien sûr, mais surtout l’année de la publication de « Laudato si’ » (3), l’encyclique du Pape François dont la publication dans le grand public, comme en milieu catholique ou protestant, a relancé la mobilisation autour des questions écologiques. Alors les Eglises… frein ou moteur de la transition écologique ? La question n’est pas tranchée définitivement ! Le sociologue, qui évoque ce parcours des chrétiens et des Eglises comme une révolution « à reculons », ne souhaite pas pour autant enterrer tout espoir. Pour lui, l’espérance est au cœur de la foi chrétienne… « On ne saurait donc imaginer plus fertile horizon ! », lâche Christophe Monnot.
Serge Carrel
Christophe Monnot et Frédéric Rognon (éd.), Eglises et écologie. Une révolution à reculons, Genève, Labor et Fides, 2020, 216 p.