Les campagnes d’évangélisation du pasteur Billy Graham sur les cinq continents ont rassemblé des foules immenses durant toute la seconde moitié du XXe siècle. On mesure mal peut-être en Europe l’influence spirituelle de son ministère aux Etats-Unis, y compris à la Maison-Blanche au point qu’on l’a surnommé parfois le « pasteur de l’Amérique ».
Billy Graham incarne de façon frappante le charisme de l’évangéliste, même si ce charisme peut prendre des formes fort différentes.
Une prédication simple et directe
Les prédications de Billy Graham frappaient par leur simplicité, le caractère direct de ses interpellations à ses auditeurs. Il ne s’embarrassait pas de subtilités théologiques, sachant aller doit au cœur du message de l’Evangile : l’appel de Jésus-Christ à la réconciliation de chacun personnellement avec Dieu. Ses messages rejoignaient les gens dans leur vécu quotidien. Surtout, l’autorité qui caractérisait sa prédication était celle d’un homme qui citait constamment la Parole de Dieu : « La Bible dit » était son leitmotiv.
Billy Graham était très bien informé des courants de pensée de son époque. Il pouvait citer des économistes, des politiciens, des sociologues – sans doute avait-il dans son équipe de collaborateurs non seulement des musiciens et des conseillers en communication, mais aussi des « documentalistes » qui lui apportaient leur concours.
Son charisme d’évangéliste ne se manifestait pas seulement par son don d’orateur aux convictions affirmées, mais par sa manière d’appeler chacun à prendre position. Il ne se bornait pas seulement à « informer » : aucune de ses prédications ne se terminait sans un appel à une décision personnelle pour Jésus-Christ, décision qui se concrétisait par une invitation à s’avancer devant l’estrade pour être conseillé par des chrétiens plus expérimentés (et formés pour cette tâche durant les mois précédant ses campagnes).
Il travaillait à l’unité des Eglises
A côté de ses messages aux foules, l’impact de ses campagnes résidait aussi dans la condition « sine qua non » qu’il posait pour toute réponse positive aux invitations qu’il recevait : que les Eglises d’un même lieu s’unissent pour préparer et soutenir sa venue. La plupart du temps, ce fut l’occasion d’un décloisonnement de communautés et paroisses diverses qui, jusqu’alors, s’ignoraient mutuellement.
On dira peut-être que ces grands rassemblements créaient une atmosphère très (trop ?) propice à des conversions superficielles. En réalité, elles étaient aussi un défi adressé aux Eglises locales pour qu’elles prennent en charge le « suivi » de ces conversions. Pour ma part, ayant eu l’occasion de suivre plusieurs de ces manifestations d’évangélisation, je n’ai jamais ressenti une forme de conditionnement ou de manipulation, de climat euphorique, de promesses fallacieuses comme c’est parfois (et de plus en plus ?) le cas actuellement. On peut d’ailleurs le vérifier : les nombreuses émissions radiophoniques de « L’heure de la décision », produite par Billy Graham et ses collaborateurs, rejoignaient les gens dans l’intimité de leur demeure, sans mise en condition. Ayant participé avec d’autres à l’édition de plusieurs des livres de l’évangéliste dans le cadre des Editions des Groupes Missionnaires, nous avons reçu à maintes reprises des témoignages de conversion suite à la lecture d’un livre de Billy Graham, y compris de personnes issues d’autres religions. Son premier livre traduit en français, La Paix avec Dieu (1954, puis complété et actualisé en 1986), est sans doute le best-seller absolu des ouvrages évangéliques : 260'000 exemplaires ont été vendus en francophonie !
Un rassembleur des évangéliques
Mais il faut ajouter une dimension importante du ministère de Billy Graham qui a fortement influencé le monde évangélique. A son initiative, et dès les années 1960, plusieurs Congrès pour l’évangélisation du monde ont été mis sur pied. Graham a su s’entourer de leaders évangéliques de premier plan, notamment de John Stott ou des dirigeants des Groupes bibliques universitaires comme Samuel Escobar ou René Padilla, ainsi que de théologiens réputés comme Carl Henry. De ces diverses consultations est né le Congrès pour l’évangélisation du monde à Lausanne en 1974, qu’il a co-présidé avec John Stott. Ce congrès a marqué un tournant dans la pensée évangélique, au point qu’on peut parler d’un « avant » et d’un « après » Lausanne 74. Un souffle nouveau a résulté de ce congrès et de ceux qui l’ont suivi, à Manille en 1989 et au Cap en 2010, réconciliant la proclamation du salut et l’engagement social, la prise en compte de l’homme et de la société dans leur totalité.
Rien à voir avec une certaine droite religieuse américaine d’aujourd’hui !
Il faut noter enfin que le courant évangélique incarné par Billy Graham est très éloigné de certains courants actuels d’une droite évangélique conservatrice dont certaines positions nous choquent de ce côté-ci de l’Atlantique. Il faut refuser aussi tout amalgame avec quelques télévangélistes plus ou moins sulfureux et certains courants marqués par la recherche de la prospérité financière. Le courant fondamentaliste extrémiste a souvent pris position fermement contre Billy Graham et sa main tendue à tous les milieux chrétiens, y compris catholiques, qui étaient prêts à entrer dans la démarche d’évangélisation qu’il incarnait.
Certes, on peut émettre des réserves sur sa théologie qui accorde une grande influence à la part de l’homme dans la démarche du salut, et ne pas souscrire à certains aspects de « l’américanisme » que reflétaient ses campagnes d’évangélisation. Mais avant tout, on ne peut que rendre grâce au Seigneur pour ce ministère qui a porté un fruit considérable pour la gloire de Dieu et le salut de multitudes.
Jacques Blandenier, pasteur et formateur d’adultes retraité (FREE)