Ce dimanche à l’Eglise évangélique de l’Oasis à Morges, notre nouveau pasteur, Jean-Paul Zürcher, nous a judicieusement invités à méditer le texte de 1 Pierre 2.11 : « Bien-aimés, je vous encourage, en tant qu’exilés et étrangers sur la terre… » Avec l’actualité migratoire de ces derniers jours, le thème s’y prêtait parfaitement ! Si je peux bien saisir l’idée qu’en tant que chrétien, citoyen du ciel, je ne suis qu’un exilé, résident temporaire, sur cette terre, il ne m’est pas facile de comprendre comment le vivre concrètement. Je me sens bien loin de ces hommes ayant tout quitté et tout risqué pour offrir un avenir meilleur à leur famille dans un pays dont ils ne connaissent ni la langue, ni la culture.
« Etre pasteur aujourd’hui, c’est être marginal ! »
Une conversation récente est venue à mon aide. Lors d’un mariage, cet été, je me suis approché d’un homme sympathique portant des tatouages sur les mains et le cou (son costume cachait le reste !). En discutant avec lui, j’en viens à lui parler de mon ministère pastoral et il se montre très ouvert. Continuant notre conversation, je lui glisse que je me sens souvent plus à l’aise avec les personnes un peu en marge (comme lui) qu’avec les gens « bien-comme-il-faut ». Et lui de me répondre : « C’est normal, être pasteur aujourd’hui, c’est être un marginal ! »
Je dois avouer que, sur le coup, cette vision du ministère pastoral m’a drôlement secoué. Non que j’aspire à la normalité, mais avec ma petite maison, mon petit jardin, mes enfants à l’école… je ne me sentais pas du tout marginal ! Et pourtant… Il est vrai que je vis mon existence un peu différemment des personnes qui m’entourent. En relisant ma vie, j’y trouve des décisions de ruptures que Dieu m’a invité à prendre et qui m’ont conduit là où je suis aujourd’hui. Je me sens appartenir à mon pays, mon village, etc. mais ni l’un, ni l’autre ne me définissent autant que ma foi.
Comment donc vivre « en exilé » ? Sortir du monde est bien extrême. Vivre comme tout le monde est très tentant, mais la culpabilité de ne pas témoigner, de ne pas être si différent revient alors me hanter. Comment être intégré sans être assimilé (selon les mots de notre pasteur) ? Il est vrai que j’ai parfois été tenté de me draper dans mon identité chrétienne pour marquer ma différence. Mais ce désir de martyre semble être plus dicté par la culpabilité et l’orgueil que par l’obéissance à Jésus !
Vivre mon quotidien avec les valeurs de Dieu
Aujourd’hui, j’ai le sentiment que vivre en exilé consiste moins à chercher la confrontation en affirmant une identité forte, que de prendre la décision radicale de vivre mon quotidien avec les valeurs de Dieu et à son écoute. Cela peut sembler un peu bateau, mais c’est bien ce que Pierre explique dans sa lettre (lecture des plus stimulantes soit dit en passant) : que les valeurs de Jésus dirigent notre conduite, car c’est lui qui nous a appelés, nous appelle, et nous appellera encore à l’avenir. Et c’est vrai : lorsque je regarde les décisions de ruptures que j’ai prises dans ma vie, et qui font de moi un « marginal », une sorte d’exilé, ce n’est pas moi qui les ai cherchées pour me construire une identité différente, mais c’est Dieu qui m’a appelé et m’a façonné par les chemins où il m’a conduit.
D’accord, je suis ancien pasteur, enseignant de la Bible… un peu « extrême » comme parcours : normal qu’on me prenne pour un marginal ! Mais lorsque chacun de nous est à l’écoute de Dieu et lui obéit pour vivre ses valeurs : les choses bougent. Et notre identité d’exilé, de marginal, d’étranger, émerge, même malgré nous.
Ne cherchons donc pas à « jouer les exilés ». Vivons les valeurs de Jésus et obéissons à ses paroles : notre identité, il en est l’auteur !
David Richir, enseignant à l’Institut biblique et missionnaire Emmaüs