Bonjour à tous !
Aujourd’hui je vais apporter une prédication en lien avec des évènements de l’actualité internationale. Je vais d’abord montrer une problématique qui se fait importante de nos jours, avant de montrer comment le projet chrétien et le Royaume de Dieu répondent à cette problématique.
On observe ces dernières années un retour en force des mouvements nationalistes et identitaires. La dernière manifestation en date est l’élection de Jaïr Bolsonaro au Brésil. Mais il y en a eu d’autres : l’élection de Donald Trump, le Brexit, la montée du Front national, les gouvernements nationalistes en Hongrie ou en Pologne, et ainsi de suite. Ces mouvements sont variés, mais ils ont en commun de faire appel à l’identité nationale, d’appeler à mettre les intérêts du pays en premier, et de faire preuve de méfiance face aux institutions internationales et au mélange des cultures.
Cela surprend et choque d’autant plus que dans ces dernières décennies, le message dominant dans notre société allait dans le sens de former une grande famille, tous ensemble, toutes les cultures rassemblées dans un grand village mondial. Le rêve de nos sociétés était de tous se mélanger, de bien vivre ensemble, de trouver une harmonie de l’humanité. Et pour y arriver, on a mis en avant une version idéologique de la tolérance : considérer qu’il n’y a pas de vérité ultime, qu’il n’y a pas de norme morale universelle. Que toutes les cultures et toutes les idées se valent, et que rien ne permet de juger entre des idées différentes. On a pensé qu’on pouvait avoir tous raison en même temps, et que tant qu’on ne disait pas aux autres qu’ils ont tort, tout irait bien. Cette manière de voir, c’est ce que je vais appeler le relativisme. Cette perspective transparaît dans beaucoup de nos médias, et du coup le retour du nationalisme fait un effet choc, et les médias tirent la sonnette d’alarme.
On voit donc dans notre actualité l’affrontement de ces deux grands courants : un idéal relativiste du mélange des cultures et de la réunion harmonieuse de l’humanité grâce à la tolérance, et un idéal nationaliste, qui met en avant l’identité locale : mon pays, ma race, mon petit groupe, ma culture, et qui est prêt à la mettre en opposition avec l’identité des autres.
Aucun de ces deux grands courants ne correspond vraiment au projet de Dieu, au rêve de Dieu pour l’humanité selon la Bible. Mais chacun de ces deux courants montre des besoins et des aspirations de l’être humain. Cherchons donc à comprendre ce que nos contemporains cherchent au travers de ces courants, et montrons comment le projet chrétien répond à ces aspirations.
Analyse
Je l’ai dit, il y a dans le grand courant de la tolérance l’aspiration à rassembler l’humanité, à dépasser les divisions qui ont créé tant de souffrances et de guerres. Et cette aspiration est normale, parce qu’à l’origine, l’humanité formait un tout, parce que l’humanité a une seule origine. À cause de la rébellion de l’homme, Dieu a fractionné l’humanité dans l’épisode de la tour de Babel, mais on garde en nous l’aspiration à dépasser ce fractionnement, à retrouver notre unité.
L’idéologie de la tolérance cherche à atteindre cela, en disant que toutes les idées se valent, et que personne n’a vraiment tort. Notre société avait un rêve, un rêve fait de mélanges des cultures et de tolérance, et le retour du nationalisme met ce rêve en danger. Tout à coup, des pays entiers décident que ça ne les fait plus rêver. Ce retour du nationalisme est inquiétant, et en même temps il montre les faiblesses du rêve basé sur la tolérance. D’une part, on croyait que tout le monde rêvait de la même chose, et que ceux qui n’y croyaient pas encore le croiraient bientôt, et tout à coup on se rend compte que pas tout le monde y croit, et qu’il y a même un courant qui va à l’opposé. D’autre part, je crois que le retour du nationalisme vient de ce qu’on n’est pas tout à fait satisfait avec ce rêve et cet idéal de la tolérance.
En particulier, cet idéal brouille les identités. On a l’impression d’un grand mélange, que tout devient flou. Comment avoir encore des convictions, si on doit en même temps croire que la conviction inverse a la même valeur ? Comment se sentir appartenir à une identité collective, quand il n’y a rien de commun pour rassembler ?
Par ailleurs, le relativisme finit par être incohérent. Tant que tout le monde entre dedans, tout va bien. Mais si vous le mettez face à un courant qui dit tout le contraire, ça ne tient plus la route. Prenons l’exemple de l’islam radical, qui est absolument contre la tolérance. Si on veut rester tolérants, on doit dire que cette conviction a la même valeur que n’importe quelle autre. Mais du coup, on cautionne l’intolérance, et c’est contradictoire. Ou alors, on dit que cette conviction est mauvaise, qu’il faut la combattre et chercher sa disparition. Mais du coup, ce n’est plus cette tolérance qui dit que tout se vaut. Et à ce moment-là, on se rend compte que l’idéologie de la tolérance n’est pas différente d’une autre idéologie. Elle se présente comme plus ouverte, plus sympa parce qu’on peut tous croire ce qu’on veut. Mais en fait, on peut tous croire ce qu’on veut tant qu’on est tolérants : il faut entrer dans le système, sans quoi le système nous rejette. D’ailleurs, ce système n’aime pas non plus les chrétiens convaincus, parce qu’on ose croire Jésus qui dit : « Je suis le chemin, la vérité, la vie. Personne ne peut aller au Père autrement que par moi » (Jean 14.6).
On voit que l’idéologie de la tolérance tombe tantôt dans l’un et tantôt dans l’autre piège : défendre l’indéfendable parce qu’il faut être tolérant, ou bien se montrer intolérant face à ce qui n’entre pas dans le système. Et cette vision de la tolérance, prise toute seule, ne peut faire que l’un, l’autre, ou un mélange des deux.
Une des choses que le retour du nationalisme revendique, c’est le droit de dire «ça c’est mauvais», de refuser des valeurs auxquelles on ne croit pas. Il se passe des choses choquantes dans certaines cultures, et le nationalisme joue là-dessus en disant : « Nous, on est pas comme ça. » Le nationalisme propose un message : « On sait qui on est, on en est fier. C’est mieux que les autres. » Ce message a un côté rassurant. On se sent à nouveau faire partie d’un tout plus facile à situer et à identifier que « toute l’humanité ». Le nationalisme propose de retrouver un sens d’identité que certains sentent avoir perdu dans l’idéologie du grand mélange. Mais dans ce courant identitaire, on abandonne l’espoir de trouver une unité globale, et on court le risque de tensions, de rivalités, de guerres, d’impositions violentes de ce qu’on croit être le meilleur. Le nationalisme a joué un grave rôle dans les deux grandes guerres mondiales, et sans vouloir diaboliser ou dire que le lien est automatique, l’histoire a quand même donné de bonnes raisons de s’en méfier.
Mais alors, si le relativisme est incohérent et que le nationalisme est dangereux, que peut-on proposer de mieux ? Peut-on chercher la réconciliation de l’humanité, tout en ayant des valeurs bien définies et en sachant qui on est ? Peut-on avoir une identité claire, sans risque de violence, de rivalité et de guerre ?
Le Royaume de Dieu
La réponse est oui. Dieu a un plan, un projet pour rassembler l’humanité. Le livre de l’Apocalypse, qui est la dernière partie de la Bible, donne un aperçu de ce que sera la fin des temps, quand le projet de Dieu aura atteint son accomplissement. Là, nous pouvons lire :
9 Après cela, je regardai et je vis une foule immense que personne ne pouvait compter. C’étaient des hommes de toute nation, de toute tribu, de tout peuple et de toute langue. Ils se tenaient debout devant le trône et devant l’Agneau, habillés de robes blanches, des feuilles de palmiers à la main, 10 et ils criaient d’une voix forte : « Le salut est à notre Dieu qui est assis sur le trône et à l’Agneau. »
(Apocalypse 7.9–10).
L’Agneau, c’est Jésus-Christ, qui est représenté comme un agneau parce qu’il s’est offert lui-même en sacrifice. À la fin des temps, « une foule immense [. . .] de toute nation, de toute tribu, de tout peuple et de toute langue » sera rassemblée devant Dieu et devant Jésus-Christ. Lisons un autre passage biblique, dans la lettre de Paul à l’Église d’Éphèse :
9 [Dieu] nous a fait connaître le mystère de sa volonté, conformément au projet bienveillant qu’il avait formé en Christ 10 pour le mettre à exécution lorsque le moment serait vraiment venu, à 4 savoir de tout réunir sous l’autorité du Messie, aussi bien ce qui est dans le ciel que ce qui est sur la terre.
(Ephésiens 1.9–10)
Paul nous parle du projet de Dieu, un projet bienveillant qu’il forme depuis longtemps. Dieu veut tout réunir sous l’autorité du Messie, sous l’autorité de Jésus-Christ, non seulement tout ce qui est sur la terre, mais encore les réalités célestes. Dieu veut rassembler l’humanité dispersée, sous l’autorité de Jésus et par la foi en lui. Le relativisme a raison de chercher à dépasser les lignes de fractures qui divise les sociétés humaines. Mais le relativisme ne propose pas de base pour cela. Il ne donne pas d’identité commune autour de laquelle se rassembler. Il essaie de rassembler les hommes simplement par la volonté de ne pas être divisés, et on voit que cela ne suffit pas. À l’inverse, la foi chrétienne dépasse les divisions en donnant une identité commune. On le voit bien dans un passage de la lettre de Paul aux Galates :
Vous êtes tous fils de Dieu par la foi en Jésus-Christ ; 27 en effet, vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous vous êtes revêtus de Christ. 28 Il n’y a plus ni Juif ni non-Juif, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme, car vous êtes tous un en Jésus-Christ.
(Galattes 3.26–28)
En croyant en Jésus, nous sommes devenus fils et filles de Dieu. Voilà une identité qui nous rassemble, nous formons la famille de Dieu. Par le baptême, nous nous sommes « revêtus de Christ », c’est-à-dire que notre identité n’est plus notre origine, notre caractère ou notre histoire, mais que notre identité est d’appartenir à Jésus-Christ. En entrant dans les eaux du baptême, nous avons renoncé à revendiquer notre identité particulière, pour recevoir l’identité de Jésus-Christ. Sur cette base, Paul peut affirmer qu’être Juif ou non-Juif, esclave ou libre, homme ou femme ne compte plus, mais que tous sont unis en Jésus – et on peut l’actualiser avec les lignes de fractures d’aujourd’hui : riches ou pauvres, jeunes ou vieux, etc., etc. Cela ne veut pas dire qu’on cesse d’être homme ou femme, ou d’avoir ces spécificités, mais que les lignes de fractures sont comblées, dépassées en Jésus. Dans la foi en Jésus, nous sommes unis avec tous les croyants, par-delà les langues, les frontières, les nations et les cultures. C’est déjà une réalité ; ici ce matin nous rassemblons déjà une belle brochette de nationalités et d’origines, et partout dans le monde, des chrétiens se réunissent, avec leur propre culture, leur propre langue, mais unis par la même foi en Jésus.
C’est tout autre chose que le relativisme. Ce n’est pas un système où rentre tout et son contraire. Jésus a enseigné les valeurs du Royaume de Dieu, dans l’amour, l’humilité, le service et l’obéissance à Dieu. Par la Bible et l’enseignement de Jésus, nous avons un filtre. Il y a des choses qui rentrent dans le Royaume de Dieu, et d’autres qui n’y rentrent pas. Je ne vais pas pouvoir lister ce matin tout de ces valeurs, parce qu’il faudrait passer toute la Bible en revue. Mais ces valeurs donnent de quoi évaluer et accepter ou rejeter différents comportements, différentes conceptions.
Et dans chaque culture, il y aura des éléments qui passeront ce filtre, et d’autres qui ne le passeront pas. Mais du moment que les valeurs du Royaume sont vécues dans l’obéissance à Jésus, il peut y avoir une diversité culturelle incroyable au sein de l’Église, et elle n’est pas dangereuse, parce qu’on sait ce qui nous réunit. Et en même temps, c’est un projet qui est en cours. La foi en Jésus réunit des gens de toutes les nations, mais elle ne réunit que ceux qui ont accepté d’entrer dans ce projet. Jésus a donné une mission à ses disciples :
Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre. 19 Allez [donc], faites de toutes les nations des disciples, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit 20 et enseignez-leur à mettre en pratique tout ce que je vous ai prescrit. Et moi, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde.
(Matthieu 28.18–20)
En tant qu’Église, en tant que disciples de Jésus, nous devons appeler l’humanité à entrer dans ce projet de Dieu. À être réconciliés avec Dieu et entre nous par la foi en Jésus. À trouver une unité dans la foi en Jésus, à obéir à ce que Jésus a enseigné. Lorsque nous témoignons de l’Évangile, nous participons à rassembler ce grand peuple de toutes langues et de toutes nations. Nous faisons avancer le seul plan qui permette vraiment de rassembler l’humanité par-delà les cultures.
Et ce plan-là n’avance pas par la guerre, ni par la contrainte. Il progresse par l’annonce du Salut en Jésus-Christ et par l’exemple de notre amour les uns pour les autres et de notre bienveillance envers tous. Nous ne voulons pas que les autres perdent, nous voulons qu’ils gagnent avec nous. Nous pouvons penser à chaque personne qui nous entoure, et dire : « Je voudrais qu’il fasse partie de ce grand peuple. » On n’a pas de problème avec les immigrants dans le Royaume de Dieu, on veut que le plus grand nombre nous y rejoigne ! Oui, il y a des gens qui y sont, et d’autres qui n’y sont pas, ou pas encore. Mais on ne cherche pas à garder les gens dehors, on cherche à leur montrer combien il est bon de faire partie de ce Royaume, et à leur montrer comment le rejoindre : en mettant leur foi en Jésus-Christ, en renonçant à leurs mauvaises actions, en étant réconciliés avec Dieu.
Je souligne encore cela : à l’origine, l’humanité était unie parce que Dieu l’a créée. Elle s’est dispersée parce qu’elle a voulu prendre la place de Dieu. Elle ne peut retrouver son unité qu’en retrouvant la source de l’unité : Dieu. L’humanité sera unie lorsque toutes langues reconnaîtront que Jésus-Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père.
Attention aux contrefaçons
En même temps, je voudrais encore nous mettre en garde contre la tentation de nous faire récupérer par l’un ou l’autre des courants que j’ai évoqués, ou de confondre le message chrétien avec le nationalisme ou le relativisme. Il y a en effet un risque de tordre un peu la foi chrétienne pour la mettre au service du relativisme ou du nationalisme. On peut être tenté de ne garder que le message d’amour de Jésus, en oubliant la nécessité de mettre notre foi en lui et de lui obéir, et du coup utiliser le message de Jésus pour promouvoir une unité de l’humanité qui se passe de Jésus. On peut chercher l’harmonie entre les hommes, en oubliant de les appeler à croire en Jésus. À ce moment, on est au service du relativisme et non du Royaume de Dieu, même en étant sincèrement chrétien.
De l’autre côté, il y a aussi des tendances à faire du christianisme un ingrédient du nationalisme. De dire : « Nous sommes un pays chrétien », et du coup de chercher les intérêts de notre pays en pensant que cela fait avancer le règne de Dieu. De faire de l’identité chrétienne un des éléments qui permet de dire : « Nous, c’est nous, et eux, c’est eux ! » D’ailleurs, c’est une rhétorique que Bolsonaro utilise, et qu’on peut aussi entendre en Suisse. Mais il n’y a pas de nation terrestre qui soit chrétienne, et Jésus ne peut pas être confisqué par un pays ou une culture. Les chrétiens forment un peuple et une nation, mais leur vraie patrie est au ciel et non sur la terre.
Le Royaume de Dieu ne recouvre pas de territoire, il n’a pas de frontière. Ou plus précisément, la seule frontière qui le délimite est celle de la foi en Jésus. Cela veut dire que c’est un Royaume où entrent tous ceux qui le souhaitent. Il y a une condition d’entrée et des implications, mais chacun peut rejoindre ce Royaume, ce grand projet d’unité. Du coup, l’utiliser pour consolider une identité nationale, c’est le trahir. Prenons donc garde à vraiment servir le projet de Dieu, sans nous mettre par inadvertance au service du relativisme, du nationalisme ou d’un autre projet humain.
Conclusion
En conclusion, j’aimerais nous demander : qu’est-ce qui nous fait rêver? Notre société a rêvé de dépasser les divisions de l’humanité simplement en décidant que les différence n’avaient plus d’importance, que tout se valait, et qu’on pouvait décider de tous s’accepter pour former une grande humanité réconciliée. Peut-être avons-nous rêvé de cela avec le reste de notre culture? Mais il semble que maintenant on se réveille de ce rêve et qu’on voit que ça va avoir de la peine à fonctionner.
On peut rêver alors de retrouver une identité dans l’appartenance à une culture ou à une nation déterminée, mais ce rêve-là fait renoncer à réunir l’humanité, demande d’oublier cette aspiration à retrouver l’unité du genre humain.
En tant que chrétiens, nous sommes appelés à rêver d’une humanité rassemblée par Jésus-Christ, rachetée par lui, unie dans la foi en lui. Est-ce que nous rêvons de voir des personnes de toutes langues et de toutes nations se tourner vers lui ? Est-ce que nous croyons que Jésus est le meilleur et le seul espoir pour dépasser les barrières et les fossés que les hommes ont mis entre eux? Croyons-nous assez à ce rêve pour y faire rêver les gens qui nous entourent? Avons-nous une vision du Royaume de Dieu qui nous motive pour notre vie chrétienne et notre témoignage?
Jean-René Moret, pasteur dans l’Eglise évangélique de Cologny (FREE)
Ecouter cette prédication sur le site de l'Eglise évangélique de Cologny près de Genève.