Sommes-nous le sel de la petite enfance ? Parcours autour des garderies d'inspiration évangélique

vendredi 19 décembre 2008

Dans notre société cosmopolite, la socialisation est actuellement essentielle : on doit apprendre à connaître l’autre et le plus tôt possible. Le respect de la différence, le partage et la confiance sont des notions qui s’apprennent – ou devraient s’apprendre –  dans les crèches et les garderies. Les Eglises ont là une carte à jouer en termes d’accueil et de présence chrétienne. Exemples romands sous la loupe.

Les femmes sont toujours plus nombreuses à travailler. « L’accueil extrafamilial de jour est devenu et une nécessité et une façon de concevoir la vie », résume Oscar Tosato, municipal lausannois responsable du dicastère Enfance, jeunesse et éducation. L’exercice est parfois périlleux (voir encadré). Plusieurs parents peinent et il arrive qu’ils perdent pied face aux exigences qui leur sont posées. « Une mère seule qui travaille à plein temps, quelle énergie a-t-elle encore pour cadrer son enfant le soir ? » s’interroge Françoise Monney, directrice administrative de la garderie L’Arche de Noé à Yverdon-les-Bains (voir photo). Pour elle, les chrétiens doivent prendre ou reprendre leurs responsabilités dans la société civile : « Face à l’augmentation du nombre de jeunes en souffrance, on a là, dans la prime enfance, quelque chose à planter, une fondation solide à établir ! »

L’Evangile doit être entendu...
Au 72 de la rue Saint-Georges, le 80% des 180 enfants qui y viennent chaque semaine provient de familles non confessantes. Le personnel, lui, est chrétien. « Nous ne sommes pas une émanation d’une Eglise en particulier, poursuit Françoise. Avec un couple d’amis, nous avons créé l’Arche il y a 19 ans, car nous avions à cœur de communiquer cette présence de Dieu aux enfants. On voulait en fait que la valeur de l’Evangile soit entendue par le plus grand nombre d’entre eux et que cela reste dans leur vie comme un point d’ancrage. »
Tout se passe très bien et dans un très bon bateau, sauf que les comptes restent difficiles à équilibrer. « A ce jour, il nous manque CHF 80'000.- pour boucler les comptes 2008. » Et sa collègue Anne-Marie Sendon, directrice pédagogique d’intervenir : « Nous intégrons actuellement le réseau d’Yverdon-les-Bains selon le système mis en place sur Vaud par la Fondation pour l’accueil de jour des enfants (FAJE). Celle-ci vise notamment la création de 2500 nouvelles places d’accueil d’ici 2011 ; c’est bien. Mais les enfants des parents qui n’habitent pas dans le réseau ne pourront plus être accueillis chez nous. Nous avons refusé d’entrer dans l’association des crèches yverdonnoises, car cela nous aurait obligés à dissoudre notre association, et donc à renoncer à notre but premier : mettre les enfants au contact de l’Evangile. C’est un choix, et le risque de prendre l’eau et de couler est bien là ! »

... Le chrétien témoigner par le service...
Genève est, en Suisse, la ville où le plus grand nombre de mères travaillent. Les places de crèche ou de garderie y font cruellement défaut. Initiée par des chrétiens à Meyrin-Village, la garderie La Framboise vient donc répondre à une demande évidente. « C’est d’abord dans un désir de service et d’entraide que l’idée d’une garderie pour les mamans de l’Eglise a pris forme dès 1986, indique son président Claude Parnigoni. Au vu de son succès, la structure s’est muée en association indépendante en 1991, afin d’assurer une continuité du service offert et de l’étendre à la population. » Son comité a décidé par la suite d’engager du personnel professionnel pour assurer les 6 demi-journées d’ouverture et a accepté avec reconnaissance les subventions des autorités communales. « Aux moments de l’intégration de l’Eglise évangélique de Meyrin (EEM) dans ses nouveaux locaux et afin que La Framboise puisse être à nouveau une activité d’Eglise, une modification des statuts a été proposée aux différents partenaires, précise Claude Parnigoni. Elle n’a pas été acceptée par la commune qui ne peut subventionner une activité d’Eglise. Nous avons donc adapté nos statuts, qui spécifient néanmoins les notions d’émanation de l’EEM, d’éthique chrétienne et de comité à majorité ecclésial. »
Le témoignage verbal n’est pas privilégié. Mais cette garderie d’Eglise est une fenêtre ouverte sur la localité et permet une relation privilégiée avec les familles meyrinoises. « Le comité est formé de chrétiens engagés. Il demande l’aide de Dieu pour que cette activité le glorifie, et sa bénédiction sur les 16 enfants accueillis par demi-journée, soit 41 familles au total. »

... l’Eglise s’adapter aux besoins
A 30 kilomètres de là, la garderie Le Colibri a ouvert ses portes il y a 17 ans dans les locaux de l’Eglise évangélique Arc-en-Ciel de Gland. « Ce projet a été intégré à l’époque dans la construction de nos nouveaux bâtiments », précise le président de la garderie Daniel Balmer. Une centaine d’enfants y viennent chaque semaine pour une capacité d’accueil de 34 places à plein temps. La garderie fait également partie des réseaux de la FAJE et bénéficie de subventions communales pratiquement depuis l’ouverture. « La tendance qu’on observe, c’est que de plus en plus de parents souhaitent placer leurs enfants toute la journée et, si possible, toute la semaine. Il y a cinq ans, ce n’était pas aussi prononcé. » Et le pasteur Norbert Valley de souligner que l’Eglise doit s’adapter et répondre aux besoins de son époque. « Il ne s’agit en l’occurrence pas tant d’occuper le terrain que d’être au service des autres, comme le sel de la terre l’est au service des aliments. ²La véritable Eglise est celle qui l’est pour ceux qui n’en sont pas², disait le pasteur et théologien allemand Dietrich Bonhoeffer. Comme lui, je pense que le sens de l’Eglise, c’est d’être ouvert ; sinon, on devient un club, un lieu fermé où se rencontrent les mêmes gens, où l’eau ne se régénère pas et devient impropre à la consommation. »
Gabrielle Desarzens, journaliste 

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