La condamnation du Pasteur Norbert Valley pour « avoir offert le gite et des repas à plusieurs reprises » à un requérant d’asile débouté prend une tournure politique. Le PEV lance cette fin de semaine ou au début de la semaine prochaine une collecte en faveur du pasteur. Il s’agit, explique dans un communiqué de presse Lukas Zimmermann-Oswald, de couvrir les frais occasionnés par cette condamnation. Dans cette prise de position intitulée « Contre la criminalisation de l’amour du prochain », la jeunesse du PEV s’insurge contre le fait qu’un article de loi concernant les étrangers et qui vise à combattre les passeurs soit utilisé pour condamner une personne qui a agi de manière solidaire par motif de conscience.
Un coup de projecteur sur les condamnations pour « délit de solidarité »
Par-delà cette action, l’annonce de la condamnation de Norbert Valley a suscité passablement de réactions. De nombreux médias ont apporté leur éclairage à cette affaire qui a surpris le grand public, tout comme nombre de chrétiens, de pasteurs ou de prêtres en Suisse.
Cette médiatisation a permis de découvrir qu’aujourd’hui dans notre pays des gens sont condamnés par la justice pour avoir aidé en conscience des requérants d’asile déboutés, sans en tirer aucun profit pécuniaire. Dans un article du quotidien genevois Le Courrier, la magistrate à l’origine de la condamnation de Norbert Valley affirme que « les infractions similaires sont monnaie courante », même si elle ne peut pas « donner de chiffres exacts ». Dans la version suisse alémanique de 20 Minutes, Michael Mutzner, chargé de communication du Réseau évangélique suisse (RES), est interviewé. Il souligne qu’il connaît « quatre personnes qui ont été condamnées en vertu de l’article 116 de la loi sur les étrangers, parce qu’elles ont hébergé chez elles des requérants d’asile en situation irrégulière ».
L’agence de presse réformée Protestinfo a mené l’enquête dans cette direction et propose un portrait d’une de ces personnes. Il s’agit de la Vaudoise Flavie Bettex, chrétienne évangélique de 27 ans, qui « a sous-loué un appartement qu’elle a pris à son nom » à un Iranien chrétien débouté de l’asile depuis plus de 6 ans, et qui risquerait sa vie s’il retournait dans son pays. Chose surprenante : l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM) paie le loyer de ce requérant débouté. A cause de problèmes de santé prouvés par des certificats médicaux, cet Iranien ne peut pas être hébergé dans un foyer, explique la jeune femme dans l’article de Protestinfo.
Clarifier le sens de la loi
De telles condamnation semblent « indiquer qu’il existe en Suisse un ‘délit de solidarité’ », souligne le Réseau évangélique suisse dans une prise de position cette semaine. « Il est essentiel que la loi et sa mise en application permettent de distinguer une aide solidaire désintéressée à une personne en détresse d’une activité qui consiste au contraire à exploiter la vulnérabilité des migrants. » Tant Flavie Bettex que Norbert Valley ont fait recours contre leur condamnation. Un gage que les « délits de solidarité » vont rester une question brûlante en Suisse ces prochaines semaines et ces prochains mois.
Serge Carrel