Dans un clip de quelques minutes, les personnes ne peuvent pas exprimer toutes leurs opinions. Elles n’ont pas non plus le temps de les hiérarchiser. C'est pourquoi l'exercice vidéo est intéressant. Ça permet de capter, dès le départ, l'opinion dominante de la personne.
L’importance de l’intégration des enfants
Johanne met spontanément en avant l'intégration de ses enfants dans la communauté comme motif premier pour aller au culte. Pas seulement la prise en charge. C'est une notion nouvelle pour moi, ce besoin global, ce besoin de former un corps. Johanne ne veut pas venir assister à des activités, elle veut s'intégrer dans un corps, avec ses enfants. On pourrait dire qu’elle cherche l'immersion.
De l’intimité dans les relations
Marie, elle, ose même parler de recherche d'intimité dans les relations. Pour notre génération des vieux routiers, le mot « intimité » est strictement réservé à la sphère privée. Cette dernière s'étend à notre conjoint, à nos enfants, à nos parents et peut-être à un ou plusieurs amis très proches, mais de là à l'étendre plus loin, quelle horreur! Facebook est passé par là! La génération des Johanne et Marie ose « mettre ses tripes à l'air ». Les réseaux sociaux les y aident. Et dans l'Eglise, perçoit-on cette évolution? Ou bien continue-t-on à être des pourvoyeurs d'activités et d'articles comme celui que vous lisez à l'instant?
A aucun moment, ces jeunes femmes ont mis en avant l'importance de l'enseignement du dimanche matin. Oserait-on écourter la prédication, lorsqu'on voit que l'heure avance et que les gens auront moins le temps pour se rencontrer après le culte? La formation d'un corps spirituel ne se fait pas tellement par l'enseignement scolaire du dimanche matin, mais par la mise en commun de ses besoins intimes, par « le-prendre-soin-de-son-frère-ou-de-sa-soeur », par la prière, par l'expérimentation en commun du divin, etc.
Un véritable pasteur et des « visions »
François est à l'opposé de ses deux soeurs. Celles-ci n'ont jamais quitté la communauté du dimanche matin. François l'a « boycottée ». Carrément! Et les traces de ce temps « loin du culte » se lisent dans sa gestuelle. Dès le début de l'interview, il exprime avec ses mains en éventail dirigées contre la caméra, ce passage à vide. Il est encore aujourd'hui très critique vis-à-vis de l'Eglise. Il n'aborde pas la question avec les mains ouvertes. Ce n'est pas le mouton perdu qui est revenu au bercail et qui a enfin compris comment on devait se comporter en communauté. Il a certes évolué vers plus de compassion pour l'Eglise, mais il reste convaincu que nous devons changer.
Ce que je relève de très fort dans ce qu'il dit, c'est qu'il attendait un berger, là où on attendait de lui qu'il rentre dans le moule du dimanche matin après avoir fait ses classes au groupe de jeunes. Tout naturellement! Comme si le passage d'une étape de vie à une autre, en spiritualité, c'était passer une douane sans formalités. François n'a pas été aidé à faire ce passage. Il attendait un « passeur »... un pasteur ?
Nous pasteurs, nous sommes souvent de très bons théologiens, voire des psychologues, mais sommes-nous de vrais bergers-passeurs? Ce qui a manqué à François, ce sont des objectifs et une vision pour sa tranche d'âge. Il l'évoque, d'ailleurs, à mots couverts. Ce qui l'a aidé à revenir dans le tissu communautaire, c'est qu'avec sa femme, ils sont partis avec une ONG missionnaire au Mexique.
En fait, le théologien, le psy, le pasteur ou le berger ne suffisent pas. Il faut encore avoir des « visions » autres que celles de remplir les bancs le dimanche matin.
Henri Bacher. directeur de Logoscom
Voir le clip réalisé par Henri Bacher.