La menace islamiste incarnée par différents groupes armés s'est amplifiée ces dernières années dans la région du Sahel. Le Malien Yattara Mohamed Ag Mossa, dit pasteur Bouya, a d'ailleurs dû fuir en avril 2012 Tombouctou et se réfugier dans la capitale Bamako. Invité par la section suisse de l'ONG Portes ouvertes, il a raconté jeudi 19 septembre en conférence de presse la précarité de ses fidèles réfugiés dans le sud du pays : « On a connu des moments de persécution très graves, a-t-il déclaré. En 2012, on a compris que l'islam est une menace réelle. Les combattants d'Ansar Dine (ndlr : qu'on peut traduire par « Défenseurs de la religion ») ont dit qu'ils allaient égorger tous les chrétiens de Tombouctou. J'ai alors commencé à inciter la communauté à quitter le nord du pays. »
Islam radical en progression
Portes ouvertes affirme que l'islam radical progresse aujourd'hui dans toute la zone sahélienne. Elle appuie ses craintes sur l'index mondial de persécution qu'elle publie chaque année. Pour le journaliste Illia Djadi – qui séjourne à Londres – les différents groupes islamistes armés ont une interprétation rigoriste du Coran et mènent dans la région la chasse à tout ce qui ne cadre pas avec leur vision de l'islam. Cela se traduit par la destruction de mausolées soufis, par exemple, comme à Tombouctou, ou par la conversion forcée à l'islam y compris de chrétiens. La menace concerne au final l'ensemble des populations de la région. Le journaliste a également souligné que la pauvreté généralisée fait le nid de ces mouvements qui recrutent facilement les jeunes désœuvrés.
Islam tolérant auparavant à Tombouctou
« Avant l'arrivée d'Ansar Dine, on vivait en bonne intelligence avec les musulmans de la ville, car l'islam était tolérant, a expliqué le pasteur Bouya en aparté. Des musulmans nous ont d'ailleurs aidés à partir, ma communauté et moi. » A évoquer la difficulté de vivre en réfugié à Bamako, le pasteur a parlé de grand contraste : « Il pleut beaucoup et nous, nous ne sommes pas habitués à ces pluies diluviennes. Nous avons souffert d'épidémies de paludisme », a-t-il souligné. S'il a ensuite parlé de la capitale en termes de stress et d'embouteillages, il a dit regretter l'air qui circule à Tombouctou, au contraire de Bamako « où on est étouffés. »
Projet de retour
La centaine de fidèles de sa communauté et lui projettent d'ailleurs de retourner dans le nord du pays : « C'est un grand désir et nous croyons que c'est aussi le désir de Dieu. Les Eglises ont été saccagées, mais elles sont toujours là. Vous savez, beaucoup de musulmans sentent l'absence de l'Eglise. Ils m'appellent au téléphone et me disent : 'Pasteur, vous êtes le symbole de la paix ! Tant qu'on ne vous voit pas, cela veut dire qu'à Tombouctou, cela ne va pas.' Nous sommes en train de redéployer nos activités dans le nord du pays. J'ai d'ailleurs écourté mon voyage en Suisse pour retourner rapidement et y réinsérer les frères et sœurs. Car nous croyons vraiment par la foi qu'il y aura une explosion de l'Evangile de Jésus-Christ dans cette région, même si des menaces y subsistent. »
Immense territoire
Si le nord du Mali est aujourd'hui libéré des combattants salafistes d'Ansar Dine, ceux-ci se déplacent et franchissent les frontières très facilement dans cet immense territoire sahélien. Les hommes du Mujao (Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest), qui est né en Mauritanie, ou d'Aqmi (Al Qaïda au Maghreb islamique), qui est d'origine algérienne, font de même. Ces différents mouvements s'allient ou s'affrontent, provoquant une grande insécurité au sein des populations.
Gabrielle Desarzens
Le pasteur Bouya était l'invité d'Hautes Fréquences dimanche 22 septembre sur RTS La Première.
Le site de l'ONG Portes ouvertes.