Dans un climat d’insécurité et de délinquance en hausse, le Conseil national a voté en juin dernier un durcissement en matière d’asile. Les élus ont notamment décidé l’arrêt de l’aide sociale pour les demandeurs d’asile, qui devraient se contenter de l’aide d’urgence. Sur cette lancée, la majorité bourgeoise a ensuite estimé que les personnes admises provisoirement devraient attendre sept ans au lieu de cinq pour demander un permis de séjour. Les concernés devraient aussi ronger leur frein pour le regroupement familial et patienter cinq ans au lieu de trois pour faire venir leur conjoint ou leurs enfants mineurs.
Le Conseil des Etats doit reprendre le dossier à sa session d’automne, du 10 au 28 septembre.
Qu’est-ce qui influence une politique d’asile et au nom de quoi la durcir ou l’assouplir ?
Le débat fait rage, il touche aux valeurs démocratiques, et interroge le sentiment identitaire helvétique, qui invoque une tradition d’accueil et d’entraide.
Comme invités : des personnalités et des bénéficiaires de l’asile
Trois spécialistes des questions ouvertes par cette actualité s’expriment : Claude Ruey, président de l’EPER, et ancien conseiller national libéral, Monika Salzbrunn, professeure ordinaire en « Religion, migration, diasporas » à la Faculté de théologie et de sciences des religions de l’Université de Lausanne et François Dermange, professeur d’éthique à l’Université de Genève. Ces trois personnalités affutent leur regard qui de politicien, de sociologue et d’éthicien, pour à la fois commenter le durcissement décidé au Conseil national et rappeler le bagage historico-humanitaire de la Suisse, comme les injonctions du droit d’asile.
En filigrane et depuis plus de 20 ans en Suisse, Vilvarajah, du Sri-Lanka, et Kourosh, d’Iran, témoignent chacun de leur trajectoire de demandeur d’asile comme de leurs racines spirituelles.
Une série proposée par Gabrielle Desarzens et diffusée chaque jour sur RTS-Espace 2 à 16h30 du 27 au 31 août (attention nouvel horaire).
Lundi 27 – Légiférer sur l’asile, au nom de la démocratie
Président de l’Entraide protestante (EPER), Claude Ruey a réagi vertement devant le durcissement de la politique d’asile manifestée par les parlementaires de Berne. Il en explique les raisons et rappelle que face aux conflits majeurs de la planète, la Suisse est un eldorado sécuritaire et financier des plus attractifs. Mais « quand vous êtes collé contre un mur ou soumis à un feu d’artillerie en Syrie, vous n’allez pas vous poser la question de savoir quelle est la politique d’asile d’un possible pays d’accueil. De même si vous êtes Nigérian, chrétien, et que votre église brûle », estime l’ancien conseiller national libéral. Pour lui, dans une perspective juive et chrétienne, l’émigré est à protéger, comme la veuve et l’orphelin.
Mardi 28 – Migrer, pour mieux vivre et survivre
La migration n’est pas un phénomène nouveau. Monika Salzbrunn, professeure ordinaire en « Religion, migration, diasporas » à la Faculté de théologie et de sciences des religions de l’Université de Lausanne, rend compte des nouveaux déplacements majeurs de population. Elle clarifie les raisons qui poussent les personnes à migrer et met en perspective les questions de l’asile en Suisse devant l’histoire et les mouvements plus larges de la migration dans un monde globalisé.
Mercredi 29 – Accueillir, au nom de l’Autre
Professeur d’éthique à l’Université de Genève, François Dermange rappelle que nos sociétés sécularisées ont toujours considéré que celui qui était dépossédé de son pays, l’apatride, ou celui dont la vie était en danger devait bénéficier d’une protection particulière.
Suite à la décision du Conseil national de supprimer l’aide sociale aux demandeurs d’asile, il considère que si on admet des personnes en Suisse, il faut les admettre vraiment : « C’est une question d’hospitalité : si j’accueille dans ma maison une personne, je ne vais pas lui donner un repas inférieur au mien, je l’accueille à ma table. »
Jeudi 30 – Témoigner de l’ailleurs et de l’ici
Celui qui quitte sa terre prend souvent un peu de sa terre spirituelle avec lui. Un bagage essentiel qui le ressource et lui permet de tenir dans les moments les plus difficiles. Vilvarajh, du Sri Lanka, Kourosh, d’Iran, en témoignent. L’éthicien François Dermange commente cet élément spirituel qui contient une promesse de résilience.
Vendredi 31 – Repenser l’asile, au nom de la réalité
Pas toujours perçue comme un péril, l’immigration peut être un réel atout. Quelques exemples sous la loupe de Monika Salzbrunn, professeure ordinaire en "Religion, migration, diasporas" à la Faculté de théologie et de sciences des religions de l’Université de Lausanne.