Depuis quelques semaines, la violence a gagné la capitale ivoirienne. Différents quartiers sont devenus des lieux de combat entre belligérants. Avec la pénurie de gaz, de charbon de bois, de denrées alimentaires, les prix ont doublé, voire triplé. Et le manque de véhicules de transport a fait flamber ceux des tickets de voyage. Contacté sur place, le secrétaire général de l’Union des Eglises évangéliques de Côte d’Ivoire, le pasteur Michel Loh, a indiqué que les Eglises de sa fédération ont ouvert des sites pour accueillir les déplacés de la crise post électorale à hauteur de près de 3000 personnes, dont plusieurs musulmans. Selon lui et contrairement à des informations qui circulent, il n’y a pas de conflits entre chrétiens et musulmans à l’heure actuelle. La radio onusienne en Côte d’Ivoire a demandé que les gens ne s’attaquent pas aux églises et aux mosquées, sans préciser toutefois s’il y avait eu des problèmes de ce type. Certes, Laurent Gbagbo se dit chrétien et Alassane Ouattara musulman, mais les personnes déplacées le sont en vertu des combats et non de leur appartenance religieuse. Michel Loh précise que les personnes arrêtées sont questionnées avant tout sur leur appartenance ethnique pour déterminer pour qui elles ont voté, et non sur leur appartenance religieuse.
Pour Daniel Salzmann, président en Suisse de la Mission biblique qui soutient le travail de l’Union des Eglises évangéliques et pasteur de l’Eglise évangélique du Locle (FREE), c’est avant tout le clan Gbagbo qui cherche à réduire le conflit à quelque chose de religieux. Mais des appels répétés des instances tant chrétiennes que musulmanes demandent aux fidèles de ne pas entrer dans cette logique-là.
Faut-il se résoudre à la guerre?
Dans un rapport étoffé sur la Côte d’Ivoire, l’ONG International Crisis Group indique que la communauté internationale doit réaliser que le président illégitime Gbagbo est prêt à aller jusqu’au bout, quitte à plonger la Côte d’Ivoire dans l’anarchie et le désastre économique. Suite à sa défaite électorale lors du scrutin du 28 novembre dernier, le président sortant a transformé le pays en « bataille entre communautés. (…) Des vendeuses refusent de servir certains clients dont le nom signale une appartenance ethnique différente de la leur. (…) L’impasse actuelle mène à une dangereuse désagrégation de la société ivoirienne. »
Dans sa conclusion, l’ONG qui travaille pour la prévention et la résolution des conflits armés souligne que les moyens déployés par le clan Gbagbo n’autorisent plus à douter de la menace grave que le président sortant représente pour la paix et la sécurité en Côte d’Ivoire, mais aussi dans toute l’Afrique de l’Ouest. Laurent Gbagbo, qui contrôle la Radio et télévision ivoirienne, a décidé « d’engager une bataille contre tous ceux qui l’empêchent de réaliser ce que son épouse considère comme une mission divine, la ‘libération’ de la Côte d’Ivoire. (…) Les hommes et les femmes du noyau dur n’abandonneront pas la bataille. » Dans son rapport, l’International Crisis Group demande d’« isoler les plus radicaux mais de tendre la main le plus vite possible aux alliés de Gbagbo qui commencent à se rendre compte que la logique de leur chef conduit à une guerre au terme de laquelle la Côte d’Ivoire sera plus que jamais fragile et exposée aux influences extérieures. La priorité aujourd’hui est d’éviter le pire scénario à court terme, celui d’une guerre à l’arme lourde dans la grande ville d’Abidjan, tout en évitant le pire scénario à moyen terme, celui d’une décomposition durable de la Côte d’Ivoire sur le modèle somalien. »
La Côte d’Ivoire ne connaît pas de religion majoritaire. Si plus du tiers des Ivoiriens adhèrent à l’Islam (38%), le christianisme suit avec un peu plus de 27% de la population. Le pays constitue une véritable mosaïque ethnique, avec plus de 60 communautés différentes.
Gabrielle Desarzens